Leçons d'une élection à quatre tours edit
Le premier tour des législatives a confirmé en les amplifiant les deux grandes tendances de l'élection présidentielle : la domination nouvelle de l'UMP sur l'ensemble des droites et, du coup l'installation d'un système bipartisan. Le système politique français est clairement entré dans un système électoral à quatre tours.
Jamais sous la cinquième République, un leader issu de la famille gaulliste n’avait réussi à réunifier l’électorat de la droite et du centre sous son leadership et à casser ou marginaliser ses concurrents dans cet espace politique. Avec près de 45% pour ses candidats ou ceux qu’elle a soutenu, l’UMP ne laisse que moins de 5% au Front national et moins de 8% au Modem de François Bayrou. La survie de ces deux partis dans ces conditions n’est pas assurée. Le premier n’aura pas de députés et le second entre un et trois. Le rapport gauche/droite n’a jamais été aussi défavorable à la gauche lors d’élections législatives depuis le début de la cinquième République. L’écart gauche/droite dans la plupart des circonscriptions en faveur de la droite au premier tour annonce une large victoire pour l’UMP dimanche prochain, quelle que soit la forte incertitude dans environ quatre-vingt d’entre elles.
Il s’agit d’un véritable tournant dans l’histoire de la cinquième République. Une période nouvelle s’ouvre où la domination de la droite va s’exercer comme rarement dans le passé. Le Parti socialiste ne peut plus compter sur son retour automatique au pouvoir après un temps d’opposition. Il est confronté à un défi d’une tout autre ampleur que ceux qu’il a connus jusqu’ici. Reconquérir une véritable crédibilité gouvernementale exigera une volonté et un travail collectifs considérables. Une période pleine de dangers s’ouvre pour lui qui vont mettre son unité à rude épreuve. Qui le dirigera, quelle stratégie choisira-t-il, quel nouveau projet adoptera-t-il ?
Ne pas bouger serait pour lui accepter passivement un long déclin. Au soir du second tour de l’élection présidentielle, un certain soulagement légitime d’avoir limité la casse a prévalu rue de Solférino. Mais il ne s’agissait que d’un bilan à mi-parcours ! Car avec l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral décidées par Lionel Jospin pour les élections de 2002, l’ensemble formé par l’élection présidentielle et les élections législatives forme désormais une seule consultation à quatre tours. La victoire consiste à gagner les quatre tours. La gauche va avoir perdu les deux derniers plus nettement que les deux premiers. Elle est désormais le challenger de la droite, et pour une longue période. Dans l’avenir, les socialistes doivent compter d’abord sur eux-mêmes et non continuer à se vivre comme une anti-droite. Le vote des Français de dimanche dernier montre assez l’inefficacité d’une telle posture. Les socialistes doivent désormais se convaincre qu’il ne s’agit pas pour eux d’une défaite comme une autre mais que la fin des divisions principales au sein de la droite fait de cette défaite un tournant. La gauche ne peut plus compter principalement sur ces divisions pour revenir au pouvoir, ni, comme en 1997 compter sur une consultation à mi-parcours qui imposerait une cohabitation. Nettement minoritaire électoralement elle doit redevenir conquérante sous peine de rester longtemps dans l’opposition. Celle-ci ne peut plus être paresseuse !
La seconde tendance, confirmée par le premier tour est l’instauration du bipartisme en France. Non pas certes qu’il n’existerait que deux partis mais que seuls deux d’entre eux pourraient espérer gagner cette élection à quatre tours qui désormais, tous les cinq ans, amène les Français à choisir à la fois leur président et leurs représentants à l’Assemblée nationale. A droite, la marginalisation du Front national est désormais avérée. Quant à l’UDF, après une nouvelle scission, elle a cessé d’exister sous sa forme antérieure comme parti de centre-droit allié aux gaullistes. Des députés sans parti d’un côté, un petit parti nouveau et sans élus de l’autre ; écrasée par la logique bipolaire de notre système et de notre mode de scrutin, l’habileté du nouveau président, l’absence de stratégie réaliste de son chef et de l’attachement des sortants à leur siège, l’UDF est morte. Et pour l’instant rien ne semble devoir la remplacer comme organisation politique importante.
L’existence probable d’un groupe parlementaire pour le « nouveau centre », rallié à Nicolas Sarkozy, ne peut être considérée pour l’instant comme autre chose qu’un satellite de l’UMP. A gauche, la marginalisation des différentes composantes de la gauche à l’exception du Parti socialiste est tout aussi évidente, même si le parti communiste parviendra sans doute à sauver la moitié de ses sièges. Dimanche prochain les deux partis dominants se partageront, certes de manière très inégale, plus de 95% des sièges. Plus que jamais, ils vont être confrontés aux problèmes posés paradoxalement par leur succès dans leurs camps. Ces problèmes ne sont cependant pas du même ordre puisque le front constitué par Nicolas Sarkozy le dispense de la recherche de nouveaux alliés. Pour autant certains de ces problèmes sont communs aux deux partis.
Comment assurer la diversité réelle de son camp dans un système bipartisan : faut-il mieux intégrer les différentes sensibilités dans un seul parti en en assurant la diversité et un fonctionnement pluraliste favoriser l’existence de petits satellites dont on assure la survie, voire le développement ? Faut-il modifier le mode de scrutin législatif en introduisant une part de proportionnelle significative, entre 150 et 200 sièges par exemple ? Que signifie dans ce système bipartisan la question des alliances ? Comment envisager la question décisive de la désignation du candidat de son camp à l’élection présidentielle ? Faut-il finalement refonder les deux grands partis sur une base plus large et plus ouverte ? Toutes ces question surgiront dès le soir du second tour. Le débat sur les alliances a déjà commencé au sein du Parti socialiste à travers les déclarations contradictoires des membres de l’étrange couple qui dirige aujourd’hui le parti socialiste : alliance au centre ou non ? L’avantage décisif qu’a pour l’instant l’UMP sur le Parti socialiste est que la question du leadership y est réglée. Elle ne l’est pas encore au Parti socialiste. Pour combien de temps ? Et pour faire quoi ?
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