PS : le problème avec Ségolène edit
Chaque jour qui passe, le Parti socialiste paraît plus incapable de gérer sa relation à Ségolène Royal. Le répit de Reims, qui a permis aux anti-ségolénistes de conserver la direction du parti, n’a été que de courte durée. Certes, la popularité et surtout la crédibilité de l’ancienne candidate socialiste à la présidence de la République sont en baisse et Martine Aubry a réussi à construire une popularité qui, jointe à l’appui de ceux, nombreux dans le parti, qui veulent faire obstacle à Ségolène Royal à tout prix, la mettent pour l’instant à l’abri d’un danger immédiat. Pour autant, le Parti socialiste est loin d’avoir résolu son problème avec Ségolène. Très loin !
La posture volontairement offensive, voire agressive et provocatrice de Ségolène Royal, la concentration de ses tirs sur la seule personne du président de la République, la manière dont elle construit son personnage comme celui de la « contre-présidente », son intuition, servie par son culot, qui la conduit à privilégier toujours la petite phrase qui sera reprise le jour même par tous les médias, fait d’elle la bête noire de la droite et désormais du centre. Mais elle la place en bonne position pour incarner le radicalisme anti-sarkoziste. Tout son pari, dans cette période de crise, repose sur l’existence d’une volonté générale de rejet de la personne du président de la République lors de la prochaine élection présidentielle, et, alors, de sa capacité à polariser sur son nom l’ensemble de la gauche, de cette gauche qui tiendra personnellement responsable le chef de l’Etat des difficultés du pays.
Totalement indifférente à ce que peut penser ou dire d’elle le Parti socialiste, Ségolène Royal trace sa route. Qui l’aime la suive. Mais les autres… ? C’est ici qu’apparaît dans toute sa clarté l’impuissance qui paraît caractériser l’attitude du Parti socialiste à son égard.
Un jour, il lui emboîte le pas pour la défendre contre « le machisme » dont elle serait victime de la part de la droite. Le lendemain, il se désolidarise de ses provocations. Le surlendemain, il entonne l’air de l’unité dans la perspective des élections européennes. Comme une poule qui a trouvé un couteau, il ne sait pas trop par quel bout la prendre. Il attend, la détestant trop pour l’accepter pleinement mais la craignant trop pour l’attaquer de front.
Et d’ailleurs, sur quel front l’attaquer ? Outre le fait que le Parti socialiste donne toujours la priorité à l’unité, pour de bonnes et de mauvaises raisons, il a toujours privilégié, depuis l’élection présidentielle, l’anti-sarkozisme systématique, toujours convaincu que malgré les défaites de 2002 et de 2007, cette posture reste la meilleure pour revenir au pouvoir (sortez le sortant). Il propose peu, fait peu de compromis, critique souvent de manière polémique alors même que la critique, légitime, pourrait être mieux argumentée et plus convaincante. Bref, entre Ségolène et le Parti socialiste, la posture politique diffère sur la forme mais peu sur le fond. Or sur la forme c’est Ségolène qui gagne, plus à l’aise que Martine Aubry dans les médias, plus libre de sa parole, plus déterminée. Certes, elle peut exagérer, énerver, voire se faire du tort. Mais, en matière d’antisarkozisme, à gauche, elle tient la corde. Dès lors les socialistes oscillent dans leur attitude à son égard entre les fausses embrassades et la critique ronchonne. Comment pourraient-ils l’attaquer de front ? Au nom de quelle ligne politique, de quelle posture de grand parti d’opposition le pourraient-ils, quand, à la veille des élections européennes, dans une crise mondiale d’ampleur considérable, alors que se pose plus encore aujourd’hui qu’hier la question du rôle et de l’avenir de l’Union européenne, le porte-parole du Parti socialiste déclare que l’enjeu principal de ces élections est… de sanctionner Nicolas Sarkozy ?
Dès lors, le Parti socialiste risque de subir le phénomène Royal sans disposer d’aucune réponse jusqu’à l’élection présidentielle. Il peut certes parier sur son usure. Ce pari n’est pas insensé, mais encore faudrait-il qu’il ait son propre discours d’opposition pour combler alors le vide politique à gauche. Si ce pari lui semble ingagnable, la seule chose qu’il puisse tenter alors est de régler d’une manière ou d’une autre, le plus rapidement possible, la question du mode de désignation du futur candidat socialiste à l’élection présidentielle. Ici, le pari à faire est d’une autre importance. Il est de savoir, pour les adversaires de Ségolène Royal, si le plus grand danger pour eux est un vote des militants ou un vote des sympathisants organisé au moyen d’une primaire ouverte.
En admettant que la direction du parti refuse la primaire ouverte, pensant que le vote des militants sera plus facilement hostile à l’ancienne candidate qu’un vote des sympathisants –pari d’ailleurs hasardeux comme a failli le montrer le vote de désignation du Premier secrétaire après le congrès de Reims – le risque est que Ségolène Royal en prenne prétexte pour se présenter en dehors du parti, pouvant alors le détruire à l’occasion du premier tour de l’élection présidentielle, en le déchirant profondément. Certes, une primaire ouverte pourrait ouvrir la voie à la désignation de Ségolène Royal. Mais une telle situation montrerait simplement que le Parti socialiste n’avait aucun candidat sérieux à lui opposer. Si les socialistes se décidaient pour la primaire ouverte, alors il serait temps que les adversaires de Ségolène Royal trouvent le candidat capable de l’emporter sur elle dans une primaire ouverte, candidat qui par sa ligne, sa personnalité, son rapport au parti, soit un(e) candidat(e) crédible. Sinon, la déchirure pourrait avoir lieu également, mais, cette fois, les anti-ségolénistes quittant un parti dont la candidate aurait pu alors s’emparer.
Pour le Parti socialiste, les dangers qui se profilent pour son unité comme pour sa crédibilité sont donc considérables. Dans ces conditions, l’immobilisme, l’attentisme de ses dirigeants, est incompréhensible. Ou plutôt il est compréhensible s’ils n’ont d’autres idées ou personnalité à mettre en avant que celles de Ségolène Royal. Finalement, le problème avec Ségolène, c’est peut-être bien le Parti socialiste lui-même !
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