Le barrage au FN. Et après? edit
Le second tour des élections régionales a confirmé le premier : la consolidation de la structure tripartite de l’électorat français. Mais le FN n’a gagné aucune région grâce à la forte mobilisation qui s’est produite contre lui : au premier tour on choisit, au second tour on élimine. Il continuera néanmoins jusqu’aux élections de 2017 à occuper le devant de la scène et peut-être même à progresser encore. Marine Le Pen a déclaré que désormais le clivage qui organisait le fonctionnement de la vie politique française était celui qui opposait les mondialistes aux patriotes, et donc le FN aux autres partis. Enterrant le clivage gauche/droite, elle a même affirmé que, désormais, LR et PS ne formaient plus qu’un seul parti. Le bipartisme serait ainsi rétabli ! Face à cette théorisation en forme de provocation, que répondent les leaders de la gauche et de la droite ?
A droite, Nicolas Sarkozy n’a pas dévié de sa ligne, le combat sur deux fronts, même s’il a annoncé la tenue d’un débat interne sur la ligne stratégique. Alain Juppé défendra-t-il un changement de ligne politique dans le sens d’un rapprochement des « républicains » des deux bords ? C’est peu probable. En effet, à écouter l’ancien Premier ministre hier soir, dans une déclaration de type gaullien mais sans le style ni la conviction, on ressentait un profond décalage entre la situation – quelles forces politiques avec qui pour faire quoi ? – et l’auto-proclamation de l’homme providentiel détaché de toutes les contingences politiques.
Certes, les présidents des trois régions de droite sauvées par la gauche ont reconnu, parfois avec émotion et gratitude comme Xavier Bertrand, la réalité du rassemblement républicain. Mais quel leader de LR (les Républicains) est en position de battre aujourd’hui Nicolas Sarkozy sur la ligne politique de ce parti qui est la bataille sur deux fronts, comme il le confirmait il y a quelques jours encore, déclarant ne faire aucune différence entre un électeur du FN et un électeur du PS ?
A gauche, symétriquement, Manuel Valls a été le seul à prendre en compte la situation actuelle, assumant clairement le retrait des listes socialistes. Il a appelé à changer les règles du jeu politique, invitant les uns et les autres, quelle que soit leur appartenance politique, à en finir avec les « petits jeux politiques » et le « sectarisme » et à « construire ensemble », souhaitant ainsi donner une issue positive et durable au rassemblement républicain qui s’est réalisé dans les trois régions où les socialistes se sont retirés.
Le discours du Premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a sonné comme une réponse directe au Premier ministre : une réponse négative. D’abord rassembler la gauche – c’est-à-dire aussi celle de Jean-Luc Mélenchon, qui réclame à grands cris le départ de Manuel Valls. Ensuite, cesser dans l’avenir d’opérer des retraits de listes ou de candidats socialistes en faveur de la droite, condamnant ainsi la tactique du Front républicain que le Premier ministre souhaite au contraire transformer en stratégie. Enfin et surtout, voulant s’assurer le soutien de la gauche du PS, cibler le Premier ministre lui-même, reprenant à son compte la demande de sa gauche, c’est-à-dire exiger une inflexion de la politique gouvernementale : « Je m'adresse au gouvernement, nous ne pouvons plus continuer comme cela. Il faut agir contre la précarité et pour l'activité comme nous nous sommes attaqués à la compétitivité et à la refondation de l'école. C'est l'inflexion qui doit intervenir dans les 18 mois à venir », a t-il déclaré dimanche soir.
Où donc le président, silencieux, se situe-t-il dans ce débat stratégique ? Il est permis de penser qu’il se situe plus près de Cambadélis que de Valls. Pour une raison simple, la même que celle de Nicolas Sarkozy : l’élection présidentielle est conçue par l’un comme par l’autre comme une lutte à mort et chacun mise sur le clivage gauche/droite pour l’emporter et se qualifier pour le second tour. Le rassemblement républicain n’est donc pas pour demain car il dérangerait leur stratégie commune.
Il est vrai que les modes de scrutin présidentiel et législatif actuels ne facilitent pas la tâche de ceux qui pensent nécessaire de donner une vraie consistance politique au Front républicain. Pragmatiques et impatients de se livrer un dernier combat, les deux hommes, insensibles au peu d’enthousiasme des Français de voir se rejouer le match de 2012 et ne semblant pas croire que le FN puisse l’emporter, sont en réalité d’accord pour ne pas faire bouger les lignes. Ensuite, après la présidentielle, en admettant que l’un des deux la gagne, advienne que pourra.
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