Le pari risqué d’Emmanuel Macron edit
En décidant finalement de quitter le gouvernement, Emmanuel Macron a pris un risque calculé. Son pari est que François Hollande ne se représentera pas à l’élection présidentielle et que dans ces conditions il ne doit plus tarder à montrer clairement ses ambitions et à se préparer pour 2017. Ce pari est risqué dans la mesure où, s’il se trompe, il se trouvera dans une situation particulièrement inconfortable. En effet, son départ du gouvernement à lui seul ne lui permettra pas de se présenter contre le président sortant si, déjouant ses calculs, celui-ci se représente. L’image de Brutus serait alors trop prégnante. Il aurait fallu que Macron quitte beaucoup plus tôt le gouvernement et sur une rupture radicale pour pouvoir légitimement se présenter contre François Hollande. Ce ne fut pas le cas. Si le président se représente, il devra donc faire exploser sa fusée porteuse à peine lancée. Fâcheux. Tout repose donc sur le calcul du retrait probable de ce dernier. Ce calcul est-il juste ?
De nombreux éléments vont dans le sens d’un retrait du président. D’abord une cote de popularité qui demeure exceptionnellement basse et qui s’accompagne d’un souhait massif des Français qu’il ne se représente pas. Ensuite, des intentions de vote présidentielles qui ne lui laissent pas espérer devancer le candidat des Républicains, quel qu’il soit, ni celui du Front national, à quoi s’ajoute la possibilité que le candidat d’extrême-gauche, Jean-Luc Mélenchon, le devance. Une défaite humiliante pour un président sortant. Enfin une primaire très dure contre ses propres anciens ministres qui l’affaiblira même s’il la remporte. Une analyse rationnelle de la situation actuelle du président peut donc laisser penser qu’il ne se lancera pas dans une telle aventure. D’autant qu’il peut fort aisément justifier un éventuel retrait par les divisions de la gauche et surtout de son propre parti, ou par l’échec sur la question de l’emploi dont il avait fait sa priorité. Le parti d’Emmanuel Macron est donc raisonnable. Mais est-il pour autant gagnant à tout coup ?
D’autres éléments peuvent pousser le président à se représenter malgré tout. D’abord, et nous le voyons avec Nicolas Sarkozy, les vrais animaux politiques préfèrent, s’ils doivent choisir, mourir dans l’arène que refuser un combat qu’ils espèrent toujours gagner. La politique est leur vie. Ensuite François Hollande peut être tenté de relever, à l’occasion de la primaire, le défi de ceux qui, ayant été ses ministres, l’ont défié et ont condamné sa politique. Bref de se justifier aux yeux des socialistes eux-mêmes. Ensuite, face à la droite, il peut souhaiter défendre sa vision de la gauche et notamment, surtout si Nicolas Sarkozy est le candidat de la droite, incarner une République attachée à l’État de droit et à la paix civile. Enfin, la direction du parti, terrifiée par la perspective d’un éclatement définitif du Parti socialiste, en le suppliant d’être candidat et ne lui promettant son soutien, peut contribuer à le pousser dans la voie de la candidature. Certes, cette option ne paraît pas raisonnable tant le risque d’une grave défaite est grand. Mais la politique n’est pas seulement affaire de raison et la période pousse plutôt au réveil des passions.
Ainsi donc, si le coup d’Emmanuel Macron est raisonnable, il n’est pas pour autant gagnant contre toute défense. Certes, en démissionnant du gouvernement, il affaiblit encore davantage un président de plus en plus isolé. Mais, même ce coup supplémentaire ne modifie pas fondamentalement la donne. Macron joue donc son avenir politique sur un coup de dés.
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