Face au virus et à ses conséquences économiques, l’Europe coupée en deux edit
Face au coronavirus, l’Europe est aujourd’hui coupée en deux. Les pays du Sud concentrent près des deux tiers des morts du virus quand les pays du Nord sont bien moins touchés. Malheureusement, les pays du Sud sont non seulement plus affectés par le virus mais ils sont aussi malades de leur dette en constante augmentation et de leur faible croissance depuis la crise de 2008. Les conséquences économiques du coronavirus risquent donc d’aggraver davantage la fracture Nord-Sud au sein de l’Union européenne, ce qui pourrait entraîner des conséquences politiques sérieuses.
Tout d’abord la différence dans les taux de mortalité du virus entre le Nord et le Sud est spectaculaire, d’un côté, à la date du 1er mai, 525 morts du coronavirus par million d'habitants en Espagne, 436 en Italie et 374 en France et de l’autre, 79 morts par million en Allemagne, 65 en Autriche, 78 au Danemark.
Les conséquences économiques du virus vont affecter davantage le Sud de l’Europe, chômage élevé et faible croissance que le Nord, qui pourrait retrouver assez vite sa compétitivité. La situation sanitaire et économique de la France la place clairement du côté des pays du Sud de l’Europe. Concernant ces pays, deux points méritent d’être soulignés :
Un endettement élevé qui limite la marge de manœuvre budgétaire
Les différences dans l’endettement public du Sud et du Nord risquent de peser lourdement dans la capacité à rebondir à la sortie de la crise sanitaire. En 2019, la dette publique représente autour de 100% du PIB pour la France et l’Espagne, et près de 140% pour l’Italie. Depuis la crise de 2008, ces taux d’endettement ont augmenté de 30 points de PIB en Italie et en France et de 57 points de PIB en Espagne !
À l’opposé, les pays du Nord disposent d’une marge budgétaire conséquente pour amortir les effets néfastes de la pandémie sur la croissance économique. Leur taux d’endettement est à un niveau raisonnable : Allemagne, 58,2% du PIB, Autriche, 69,9% moins de 50% pour le Danemark, la Suède, et les Pays-Bas. Depuis la crise de 2008, ce taux d’endettement a diminué ou s’est stabilisé.
Tous les pays européens vont sortir l’arme budgétaire pour relancer l’économie à la sortie de la pandémie, mais les montants engagés dans plans de soutien à l’économie, vont dépendre des marges de manœuvre budgétaire. En Allemagne, ces montants représenteraient 4,4% du PIB, un peu moins en France, 4,1%, et beaucoup moins en Italie ou en Espagne, seulement autour de 1,4% du PIB, ces pays étant fortement handicapés par leur endettement.
Une croissance anémiée dans des économies dépendantes du tourisme
Suite à la pandémie, la récession économique sera importante. Pendant le confinement, une part importante de la richesse n’a pas pu être produite et, en grande partie, cette richesse sera définitivement perdue. C’est le cas des activités de services. Or, dans le Sud, les services occupent une place importante dans l’économie.
Selon la Banque mondiale, le tourisme pèse 9% du PIB en France, presque autant que l’industrie dans ce pays, 13,1% en Italie, 14,9% en Espagne, 17,8% au Portugal et 20,2% en Grèce. Or le tourisme est le secteur le plus fortement pénalisé par le coronavirus. Il est donc logique que le recul du PIB au premier trimestre 2020 est de - 3,8% dans la zone euro mais bien plus dans le Sud, 5,8% en France, – 5,2% en Espagne, et – 4,7% en Italie (données de la BCE publiées le 30 avril). Certes, l’économie allemande, à travers son commerce extérieur, souffrira de l’effondrement du commerce mondial. La Commission européenne prévoit que le niveau des importations mondiales pourrait chuter de 10% cette année. Cependant, les produits allemands ont des positions très fortes à l'export (machines-outils, haut de gamme automobile) et devraient être les premiers à bénéficier de la reprise du commerce international.
Les pays du Sud comme l’Espagne, l’Italie, le Portugal, la Grèce et dans une large mesure la France ont moins bien résisté à la crise financière de 2008. Depuis l’an 2000, le PIB par tête a souvent baissé par rapport à la moyenne européenne dans les pays du Sud quand les pays du Nord ont connu généralement une augmentation de la richesse créée par habitant par rapport à cette même moyenne européenne. En parité de pouvoir d’achat, par rapport à la moyenne européenne sur la période 2000/2019, la France s’est appauvrie, -2,7%, certes moins que l’Italie, -14% ou la Grèce -14%, mais sur la même période, en Allemagne, + 7,7% ou en Autriche, + 6,7%, il y a amélioration du PIB par tête par rapport à la moyenne européenne.
Une reprise économique asymétrique qui soulève des risques politiques importants
À la sortie de la crise sanitaire, la zone euro devrait ainsi connaître une reprise asymétrique, les pays du Nord redémarreront à la fois plus vite, et plus fort, alors que les pays du Sud risquent de connaître un redémarrage économique bien plus difficile. La Commission européenne anticipe une chute du PIB en 2020 de 8,2% en France, 9,4% en Espagne, 9,5% en Italie, contre 6,5% en Allemagne, et la reprise en 2021 sera insuffisante pour un rattrapage.
Certes, la BCE intervient massivement, environ 5 milliards d’euros par jour et les banques qui augmentent leurs prêts auprès des entreprises pourront se financer à seulement -1%. La BCE subventionne donc fortement les banques pour faire tourner l’économie. Grâce aux interventions de la BCE, les offres de dette souveraine, même celles de l'Italie, sont d’ailleurs souscrites à des taux très bas et sont, de plus, largement souscrites.
Cependant si la divergence économique entre le Nord et le Sud se poursuit, le ressentiment des peuples du Sud à l’égard de l’Europe et même de la monnaie unique risque de se renforcer et fait craindre le succès des mouvements populistes. À l’opposé, l’extrême droite allemande pourrait profiter de son opposition à une mutualisation de la dette lors des prochaines élections en Allemagne, si l’Europe finissait par trouver un accord sur ce sujet.
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