Le nœud se resserre edit
Depuis une trentaine d’années, dans un bel élan anti-anglo-saxon, la France rame à contre-courant. Alors que nos partenaires du nord réforment, nous défendons fièrement nos acquis sociaux. Alors que l’accent est mis chez nos partenaires performants sur un État plus modeste et plus efficace et sur le reflux des dépenses publiques, nous défendons notre fonction publique, la meilleure du monde paraît-il. Alors que partout les départs à la retraite sont décalés en proportion de l’allongement de l’espérance de vie, nous privilégions la qualité de la vie en réduisant le temps passé à travailler (des 35 heures aux sacro-saints 60 ans quelque peu écornés par des trompe-l’œil). Ce n’est pas une question de droite ou de gauche, mais de refus de la logique économique toujours présentée comme la tyrannie des marchés. Alors, la France décline avec fierté.
Depuis le début de la crise financière, nous attendons notre revanche mais elle prend le goût âpre de l’austérité et de la montée du chômage. Au sein de l’Europe, nous n’avons conservé qu’un pouvoir de nuisance, comme nos ennemis héréditaires anglais, mais nous avons perdu toute capacité de proposition. Un an après son arrivée au pouvoir, François Hollande continue la tradition de l’immobilisme heureux.
Àpeine arrivé au pouvoir, il a entériné la voie de l’austérité voulue par l’Allemagne. En échange, il a obtenu quelques promesses de dépenses de la Banque européenne d’investissement, promesses pas encore réalisées mais de taille microscopique. Il a pratiqué la pire austérité qui soit, celle qui consiste à alourdir une pression fiscale parfaitement étouffante. Plus sensible aux calculs politiques qu’à la logique économique, il n’arrive pas à amorcer un reflux significatif des dépenses publiques. Peu importe que l’Éducation nationale affiche une performance désolante sanctionnée par les comparaisons internationales, il continue à embaucher alors qu’il faut rationaliser, c’est-à-dire faire beaucoup mieux avec beaucoup moins. Peu importe que les entreprises suffoquent sous le poids d’une administration publique convaincue de l’excellence de son pouvoir, il entend doper la compétitivité en multipliant des subventions qui vont en priorité aux grandes entreprises déjà performantes parce que parfaitement globalisées. La seule consolation est l’accord social du 11 janvier dernier qui permet de gérer la récession en limitant la casse des licenciements, une petite goutte d’eau défensive dans un océan de rigidités paralysantes.
Alors le chômage augmente inexorablement et quelle est la solution retenue ? Le traitement social du chômage, qui consiste à dépenser de l’argent public pour employer des personnes à faible productivité – et donc sans effet positif pour l’économie – dans le vain espoir d’obtenir des meilleurs chiffres et ainsi « tenir les promesses ». Mais comme l’ère des dépenses non financées, c’est-à-dire des déficits publics à l’infini, est terminée, il faudra soit faire des économies, soit encore augmenter les impôts, et donc créer du chômage, et donc être déçu une fois de plus de la totale inefficacité, en fait de la nocivité, du traitement social du chômage. Les promesses ne seront pas tenues parce que la méthode n’est pas la bonne.
Finalement, le grand succès de François Hollande est d’avoir tenu un an sans que la France ne rejoigne l’Italie et l’Espagne dans la catégorie des pays officiellement en crise de la dette publique. Mais la dette de l’État continue de prospérer et ce n’est plus qu’une question de temps avant que la grande catastrophe arrive. Dans un proche avenir, l’Italie et l’Espagne vont plonger et l’attention se portera alors sur le domino suivant, la France. Soumise au diktat de la Troïka, c’est-à-dire de l’Allemagne, la France fera ce que « Bruxelles » lui dira de faire, et ça ne sera pas agréable. Les plus perspicaces de nos politiciens l’ont déjà bien senti. Ils essaient d’amortir le choc à venir en tapant à l’avance sur nos futurs maîtres, Angela Merkel et la Commission européenne, à l’image des syndicats de cheminots qui déclenchent une grève préalable parce que les rumeurs d’une réforme du rail ne leurs conviennent pas. Lutter contre les rumeurs, quelle belle stratégie !
Tout ceci est profondément déprimant. Le pire n’est pas qu’une crise profonde est désormais inéluctable, mais que le bon usage de la crise n’est pas garanti. Lorsque nous tomberons sous le joug de la Troïka, ferons-nous comme la Grèce, qui n’arrive pas à se réformer et continue à sombrer, ou comme l’Irlande, où les salaires ont baissé de 20% et la dépense publique a reculé, et qui commence à reprendre des (pâles) couleurs ?
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