Fin du PS ou fin de la gauche? edit
La proposition d’Anne Hidalgo d’organiser une primaire de gauche, et donc de retirer éventuellement sa candidature, sonne la retraite pour le Parti socialiste. Sa candidate semble avoir compris qu’elle courait au désastre. Dans cette situation dramatique, le soutien à sa proposition du premier secrétaire, Olivier Faure, saluant « le choix courageux d’une femme d’État, qui a le sens de la gravité du moment et de l’immense responsabilité de celles et ceux qui portent le projet d’une République écologique et sociale », exprime d’abord un soulagement face au risque de voir la candidate réaliser un score inférieur à 5% avec les graves conséquences, notamment financières, qu’elles auraient pour son parti. Anne Hidalgo a raison – mais bien tard – de vouloir sortir de ce guêpier dans lequel elle n’aurait jamais dû se fourrer. Elle devrait le faire au plus vite. Restera alors un PS confronté à l’alternative tragique de n’avoir pas de candidat ou de se ranger, au nom de l’union, derrière un candidat qu’il n’aura pas désigné lui-même et qui ne peut espérer faire un score nettement supérieur à ce que les sondages promettaient à sa candidate. Sombre perspective. L’élection présidentielle prochaine pourrait, dans ces conditions, marquer la fin du Parti socialiste refondé par François Mitterrand à Épinay il y a un demi-siècle.
Les autres partis de gauche auraient-ils raison pour autant de se réjouir de cette disparition ? À lire leurs réactions à l’annonce d’Anne Hidalgo la réjouissance perce derrière le cinglant refus – certes attendu – d’organiser une telle primaire. « La candidate socialiste reconnaît l’incapacité du PS à être force motrice. Dont acte. Le projet d’avenir, c’est l’écologie. La primaire a déjà eu lieu et le candidat, c’est Yannick Jadot », a tweeté Julien Bayou, secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts. Pour LFI, le député Eric Coquerel a répondu que la maire de Paris proposait « la méthode qui a perdu en 2017, elle est dans une situation qui l’oblige à éviter ce que lui promettent les sondages. S’il y a une exigence d’une union la plus large possible, elle ne peut pas être artificielle, comme si on avait simplement affaire à plusieurs têtes de gondole qui proposeraient le même contenu ». Quant au candidat communiste, Fabien Roussel, il rétorque qu’une « primaire permet seulement de régler un problème de casting, or le problème de la gauche aujourd’hui, c’est qu’elle ne parle plus aux classes populaires ». Certes, ces partis peuvent considérer dans un premier temps la disparition d’un tel concurrent comme une bonne chose. Mais ensuite ?
La disparition du parti de centre-gauche réduirait la gauche à un face-à-face entre les Verts et les mélenchonistes, qui, ensemble, ne représenteront guère plus de 20% et qui sont désormais dans une situation de concurrence pour le leadership à gauche, qui ne peut que se tendre. Privé de son aile droite, EELV, déjà fortement attiré vers l’extrême-gauche – rappelons-nous la main tendue à Jean-Luc Mélenchon de Sandrine Rousseau, qui représente près de la moitié des sympathisants actifs – sera moins apte encore à constituer une force politique à vocation gouvernementale. La ligne Rousseau ne peut en effet que l’emporter face à la timide volonté d’ouverture exprimée en début de campagne par le candidat des Verts. Du coup, il n’y aura plus une gauche mais deux extrêmes-gauches. L’espace du centre gauche sera vide. Dans ces conditions le clivage gauche-droite ne pourra plus organiser le fonctionnement du système politique. Refusant de considérer le macronisme comme un centre gauche, ces extrême-gauches vont s’isoler volontairement à la périphérie du système. 2022 va confirmer 2017 de ce point de vue.
Anne Hidalgo a raison en théorie de penser que sans rassemblement, « il n’y aura pas de possibilité pour la gauche d’exister dans notre pays ». Mais elle a tort de penser qu’une telle gauche existe encore dans la réalité. Ceci est clair depuis longtemps. Dans ces conditions, c’est la stratégie même des socialistes, celle qui consiste à vouloir unifier des gauches qui ne le veulent pas, qui est condamnée dans les faits, d’autant que leurs éventuels partenaires avaient à plusieurs reprises rejeté l’idée de la primaire. Il est étonnant que le Parti socialiste n’en ait toujours pas pris conscience. Ainsi, Anne Hidalgo, questionnée sur l’hypothèse d’une victoire hypothétique de Jean-Luc Mélenchon à une telle primaire, affirme qu’elle ferait « bien sûr campagne pour celle ou celui qui [gagnerait] et [se] [conformerait] à cette règle-là ». Donc, éventuellement pour un partisan de Poutine et de Maduro. Les socialistes, avant de proposer une alliance à Mélenchon, n’auraient-ils pas dû d’abord se poser la question de savoir s’ils étaient d’accord avec celui qui, par ailleurs, ne cesse de fustiger « la stratégie creuse et vide de l’union de la gauche » ? François Hollande lui-même a décoché la flèche du parthe en déclarant qu’« une candidature d’union n’a de sens que si tous les candidats partagent les mêmes propositions. Or on sait que ce n’est pas le cas ». Mais alors, si on le sait, pourquoi continuer à appeler à une union de la gauche qui n’existe plus que dans les rêves de certains militants? Pourquoi les socialistes n’ont-ils jamais envisagé un rapprochement avec LREM qui a attiré en 2017 la moitié de leur électorat ?
Ce qu’on a appelé la gauche est ainsi en train de sortir du jeu. La campagne présidentielle va opposer l’alliance du centre et de ce qui reste du centre-gauche à la droite ou à l’extrême-droite. Les gauches, elles, seront réduites au rôle d’observateur grincheux. Dans ces conditions, la fin du Parti socialiste pourrait bien être aussi celle de la gauche tout entière comme acteur politique important.
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