LR et Valérie Pécresse: et si les partis revenaient dans le jeu? edit

12 janvier 2022

L’une des principales fonctions d’un parti politique qui s’affirme comme ayant vocation à gouverner est de choisir un candidat à l’élection présidentielle. La question des relations entre le candidat et son parti est toujours au centre de nombreux débats. Un groupe de politologues américains a traité longuement de la question dans un livre fondamental[1] paru en 2008. Ils soutenaient l’idée que la disparition des partis politiques américains a été surestimée et que les efforts que ceux-ci apportent pour soutenir leur candidat sont très importants. Aux États-Unis, cet ouvrage a fait l’objet de multiples controverses à l’occasion des victoires de Donald Trump aux élections primaires de 2016. Ces élections ont conduit les dirigeants du Parti républicain à tenter quelques manœuvres pour empêcher son investiture, mais sans succès.

En France, la pratique récente des primaires a conduit à un affaiblissement des partis politiques. Elle a accentué le phénomène de crise des partis, si bien que certains commentateurs ont évoqué la fin des partis. C’est pour lutter contre ce dessaisissement que les dirigeants du parti LR ont décidé en 2021 d’organiser des élections primaires, non pas ouvertes mais fermées, avec un scrutin réservé aux adhérents du parti. Le parti a permis les adhésions jusque durant les derniers jours, si bien qu’il est passé de 79183 à 139742 adhérents en l’espace de quelques mois. Cinq candidats ont été acceptés par le parti pour participer au scrutin. Eric Ciotti (25,95%) et Valérie Pécresse (25%) sont arrivés en tête au premier tour et c’est Valérie Pécresse qui l’a finalement emporté avec 60,95% des voix contre 39,05% pour Eric Ciotti, devenant ainsi la candidate des Républicains à l’élection présidentielle.

La question de savoir qui décide entre le parti et la candidate dans la perspective de la campagne présidentielle de 2022 se pose désormais. Les dernières campagnes ont démontré une évolution vers l’autonomie du candidat par rapport à l’appareil du parti. Or le parti LR semble vouloir contrôler le déroulement de la campagne. La pratique voulait que le gagnant de l’élection primaire prenne la main sur le parti. Mais ce n’est pas ce qui se passe aujourd’hui. La victoire de Valérie Pécresse pose la question de sa relation avec le parti et donc de son autonomie. La relation risque de ne pas être toujours simple.

Valérie Pécresse entend bien que tout se passe du mieux possible avec LR. Durant la première semaine, après sa désignation par les militants du parti LR, elle a lancé le rassemblement de sa famille politique. Mais sa candidature se situe dans un contexte de volonté des dirigeants LR de reprendre en main le processus de désignation du candidat du parti et de contrôler les aspects fondamentaux de la campagne présidentielle. Cette volonté s’est traduite par plusieurs décisions importantes.

D’abord, le parti a refusé d’organiser une élection primaire ouverte pour désigner son candidat. Il a choisi d’organiser une élection primaire fermée, c’est-à-dire une modalité qui réserve le choix du candidat aux adhérents. Le président du parti, Christian Jacob, a exercé une influence prépondérante en faveur d’un tel choix. Il a affirmé, à plusieurs reprises, que le parti devait être le pivot et le bras armé de la campagne présidentielle. Le parti utilise son comité stratégique qui rassemble tous les mardis une vingtaine de responsables pour être étroitement associé à la campagne présidentielle de Valérie Pécresse. Le 7 décembre 2021, il a notamment décidé de démettre Guillaume Peltier et Gaël Perdriau de leurs fonctions de vice-président pour protéger son unité. Leurs écarts ont été perçus par les instances du parti comme des menaces potentielles à la cohésion du parti.

L’élaboration du programme est un élément essentiel de la campagne présidentielle. Le programme du parti existe, mais il est souvent mis de côté par le candidat, de façon à s’appuyer sur des thèmes de campagne susceptibles de convaincre un électorat plus large que celui du parti. Valérie Pécresse devra chercher d’autres électeurs. L’hostilité à Emmanuel Macron est, pour l’instant, le principal élément de son programme. Elle se pose en unique alternative crédible, afin de tenter de rassembler. Elle devra surtout composer une partie de son programme avec les idées d’Eric Ciotti qui ont acquis du poids à la faveur de l’élection primaire de LR. La candidate n’est donc pas sûre de pouvoir imprimer sa marque. Le score réalisé par Eric Ciotti montre qu’une forte proportion de l’électorat LR est favorable à une grande fermeté sur une ligne fondée sur l’autorité, la liberté et l’identité.

Pour réussir, Valérie Pécresse doit disposer d’une équipe de campagne efficace, susceptible de contrebalancer l’emprise du parti. Mais elle dispose d’un directeur de campagne, Patrick Stefanini, qui a déjà accompagné deux candidats de droite (Jacques Chirac en 1995 et François Fillon en 2017) dans la conquête de l’Elysée. La sénatrice Alexandra Borchio-Fontimp, bras droit d’Eric Ciotti, a été nommée comme directrice déléguée de la campagne. C’est une manière de prendre en compte les bons résultats du député des Alpes-Maritimes. Elle a trouvé un quartier général. C’est là que se retrouveront élus, parlementaires et membres de l’équipe de campagne. Mais le siège du parti sera l’autre lieu important de la campagne, sous la direction du président du parti. Le directeur de campagne de la candidate et le secrétaire général de LR, Aurélien Pradié, ont d’ailleurs prévu de se voir une fois par semaine pour déterminer comment le parti pourrait aider au mieux Valérie Pécresse.

La candidate n’est pas sûre de pouvoir s’immiscer dans la délivrance des investitures pour les prochaines élections législatives. Or l’objectif de tout candidat à l’élection présidentielle est de s’assurer qu’il disposera, s’il parvient à l’Elysée, d’une majorité à l’Assemblée pour faire adopter ses réformes, si possible une majorité absolue. François Hollande avait confié l’attribution des investitures PS à la première secrétaire du parti, Martine Aubry, en 2012, ce qui a débouché sur la constitution d’un groupe de frondeurs au sein de la majorité socialiste. Le président des Républicains, Christian Jacob, risque de prendre toute sa place dans la préparation des élections législatives de juin 2022 à l’Assemblée, notamment pour des raisons financières. Le parti s’est déjà assuré d’un contrôle étroit sur la sélection des candidats aux élections législatives. Le 6 décembre 2021, le directeur de campagne de Valérie Pécresse, Patrick Stefanini, est venu assurer le président du parti LR que la candidate ne comptait pas intervenir dans les investitures accordées par le parti pour les législatives de juin 2022. La commission nationale d’investiture (CNI) du parti LR a commencé le travail depuis la fin d’octobre 2021.

Le parti présidentiel peut intervenir dans le financement de la campagne électorale. Certes le candidat dispose d’une certaine autonomie. Il peut recevoir une aide de 150 000 euros attribuée à chaque candidat par l’Etat. Si le candidat veut échapper à l’emprise financière du parti, il peut chercher à obtenir les dons de personnes physiques, limités à 4600 euros. Cependant, il est difficilement envisageable de financer entièrement une campagne présidentielle par le biais des dons. Le parti LR dispose d’un pactole financier important qui peut lui permettre de peser sur la campagne de Valérie Pécresse. De plus, le trésorier du parti, Daniel Fasquelle, sera le trésorier de la campagne, pour faciliter la transparence des opérations financières.

Le type de relations qui risque de s’établir entre LR et Valérie Pécresse semble aller à l’encontre d’une évolution qui était favorable à l’autonomie des candidats lors des récentes élections présidentielles. Le parti semble être parvenu à façonner l’élection présidentielle, ce que le PS ne sait plus faire.

 

[1] Marty Cohen, David Karol, Hans Noel, John Zaller, The Party Decides : Presidential nomination before and after reform, Chicago University Press, 2008.