Obama peut-il prendre l’Europe au sérieux ? edit
Le traité de Lisbonne est censé rendre le fonctionnement de l’Union européenne plus efficace, plus démocratique et plus cohérent, en particulier pour ce qui est de sa place dans les relations internationales. Deux fonctions nouvelles ont été créées : Herman van Rompuy, Belge flamand, a été désigné président stable du Conseil européen (la réunion des chefs d’État et de gouvernement des 27), et la Britannique Catherine Ashton, Haut Représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, préside désormais le Conseil des affaires étrangères (la réunion des 27 ministres des Affaires étrangères). Sauront-ils se faire davantage respecter par les partenaires de l’Union européenne, en particulier par les États-Unis ?
Les réactions de scepticisme qui ont accueilli la nomination de Mme Ashton, en particulier, suscitent le doute. Mais en annulant le prochain sommet UE/États-Unis, le président Obama a peut-être finalement rendu un service aux Européens, et conforté la nouvelle direction permanente de l’UE (Barroso, van Rompuy, Ashton) face à la présidence espagnole qui tentait de maintenir les prérogatives de la présidence tournante.
Il est vrai que, jusqu’à présent, les États-Unis n’ont pas toujours pris au sérieux le dialogue avec l’Union européenne. Quand le président américain rencontre l’UE, c’est soit en format à 27, soit en format « troïka », et ce sont des exercices en général assez convenus. Quand les diplomates américains rencontrent les officiels de l’Union européenne, celle-ci leur présente ses positions officielles. Pas étonnant que Washington trouve plus d’intérêt à discuter, plus librement, avec les capitales européennes prises individuellement.
À cela s’ajoute que le dialogue économique transatlantique, un domaine où l’UE est pourtant beaucoup plus intégrée que dans la politique étrangère, commence seulement à se structurer (création d’un Conseil économique transatlantique en 2007, lancement récent d’un Conseil ministériel sur l’énergie). Quant au dialogue transatlantique sur les questions stratégiques, il passe essentiellement par l’OTAN, et très peu par l’Union européenne.
Le problème avec le traité de Lisbonne est qu’il ne met pas un terme à la dissymétrie de la structure du pouvoir des deux côtés de l’Atlantique. À Washington, c’est le président des Etats-Unis qui détermine la politique étrangère, et qui a le primat sur son (sa) Secrétaire d’État. À Bruxelles, c’est le Haut Représentant qui coordonnera la politique étrangère commune, avec les ministres des 27.Le président du Conseil européen devrait jouer un rôle plus limité (positions exprimées lors des réunions du Conseil, représentation dans les sommets, contacts informels). Les capitales, en particulier celles des grands pays, vont conserver un rôle clé dans la définition des positions et rester des interlocuteurs essentiels pour Washington.
Il faudra donc, à l’avenir, établir une convergence entre plusieurs pôles : Washington, Bruxelles, et les grandes capitales européennes. Les formats restreints (États-Unis, Allemagne, France, Royaume-Uni) sont difficiles à institutionnaliser en raison de la susceptibilité des pays qui n’en font pas partie. Mais certains groupes ad hoc ont montré leur efficacité sur des crises déterminées : par exemple le « groupe de contact » (États-Unis, Russie, France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie) sur les crises de Yougoslavie (Bosnie, Kosovo), ou plus récemment le groupe des six sur l’Iran (Allemagne, France, Royaume-Uni, États-Unis, Russie, Chine). La clé du succès de la future diplomatie européenne résidera dans la capacité des grandes capitales (en particulier Paris, Berlin et Londres) à faire converger leurs approches : moins d’initiatives unilatérales, plus de concertation avec les autres, plus de travail en commun dans les institutions à Bruxelles (en liaison avec les équipes du Haut Représentant et du président du Conseil européen). Alors les Européens pourraient être pris plus au sérieux par le partenaire américain et favoriser la gestion collective des grands dossiers internationaux tout en défendant mieux leurs intérêts communs. Sur une base renouvelée, plus équilibrée, ils pourraient bien ouvrir de nouvelles potentialités dans la relation avec une administration américaine certes plus en phase avec leurs valeurs et leurs préoccupations, mais qui ne les a pas jusqu’à présent traités comme un partenaire privilégié.
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