Party Season au Royaume-Uni edit
Fin septembre/début octobre, au Royaume-Uni, c'est la saison des parties – non pas une saison particulièrement festive, mais celle où les partis politiques tiennent leurs conférences annuelles. Que ce soit Plaid Cymru, le Parti national écossais, les libéraux, les verts, les travaillistes ou les conservateurs, ils se réunissent dans une grande ville ou une station balnéaire, pour écouter les discours des principaux députés, ministres et dirigeants du parti et débattre des questions du jour, sans oublier de faire quelques selfies avec les personnalités les plus médiatiques ! Pour les grands partis comme le Parti travailliste et le Parti conservateur, il y a aussi une série de réunions en marge de la salle de conférence, où les milieux d'affaires, lobbyistes, membres du parti et autres peuvent se rencontrer pour échanger idées et opinions sur divers sujets. Le point culminant de ces réunions marginales cette année a été le discours de Boris Johnson à la réunion des Conservateurs, où il a de nouveau demandé à Mme May de “chuck Chequers”, faisant référence à son projet d'un accord avec l'UE sur Brexit. Dans les réunions de la salle principale, c'était probablement l'entrée swinguante de Mme May dans la salle, sur l’air de “Dancing Queen” d'Abba.
En revanche, les travaillistes n'avaient rien d'aussi excitant à offrir, même si les remarques non écrites du secrétaire au Brexit, Keir Starmer, selon lesquelles « tout était sur la table » (y compris la possibilité d’un deuxième référendum possible) ont provoqué une certaine agitation dans les rangs du parti. Étant donné les problèmes d'antisémitisme auxquels le Labour avait été confronté au cours de l'été, on aurait pu s'attendre à ce que des divergences surgissent au cours de la conférence, mais la question est à peine apparue dans les débats.
Quant aux libéraux-démocrates, la conférence du parti n'a eu aucun impact réel, bien qu’elle eût ouvert la saison. Sanctionnés par les électeurs aux élections de 2015 en raison du rôle qu'ils avaient joué dans le gouvernement de coalition entre 2010 et 2015, ils n'ont pas su inverser la tendance lors des elections de 2017. Leur chef, Vincent Cable – un membre de longue date qui a perdu son siège en 2015 pour le regagner en 2017 – n'a pas fait grande impression. Le parti s’est distingué pour son opposition au Brexit, mais il n’a pas grand chose d’autre à proposer en ce moment, et le public a à peine remarqué qu’il se réunissait.
Fin septembre, les travaillistes sont sortis apparemment renforcés de leur conférence de Liverpool. Le Labour avait une position commune sur Brexit. Les failles apparues au sein du parti sur le sujet de l'antisémitisme avaient été comblées par des prises de position sans ambiguïté dans le discours de Jeremy Corbyn. Les travaillistes ont même réussi à éviter la division sur la question controversée de la dé-sélection/re-sélection des députés sortants, en dépit du fait que plusieurs députés favorables au Remain aient conservé leur investiture dans des circonscriptions où ils avaient subi un vote de défiance de la part des sections locales. John McConnell, chancelier de l'Échiquier (ministre des Finances) dans le “shadow cabinet”, a marqué des points auprès de l'opinion publique en prenant position pour une renationalisation des chemins de fer et d'autres services publics comme l'eau et la poste, ainsi que pour l'abolition des avantages fiscaux qui favorisent les riches. En écho aux critiques du parti à l'égard des politiques d'austérité du gouvernement, notamment le régime de crédit universel qui a eu des répercussions négatives sur de nombreuses personnes recevant des prestations sociale, son solide programme de réformes contraste fortement avec la position du parti conservateur au pouvoir, dont toute l’énergie est absorbée par le Brexit.
La première semaine d'octobre, les conservateurs se sont réunis à Birmingham. Malgré tous leurs efforts pour éviter le sujet, le Brexit a largement dominé les débats. L’intervention de Boris Johnson a été suivie par plus d'un millier de personnes qui ont fait la queue pendant plus d'une heure pour y assister. C'était un discours typiquement johnsonnien - une éruption contre le plan de Chequers défendu par le Theresa May, suppliant le Premier ministre de changer de direction, mais rien d'autre que le nombre habituel de citations latines et un peu moins de blagues que d'habitude : aucune tentative directe de pousser ses revendications de leadership, mais on sait que les discours de Johnson n’ont jamais de véritable substance, leur sujet n’est autre que Boris lui-même. D'autres dirigeants potentiels ont également marqué des points, notamment le ministre de l'Intérieur, Sajid Javid, en promettant un nouveau projet de loi qui contribuerait à restreindre l'immigration, n'offrant aucun accès spécial aux migrants européens ni aux travailleurs moins qualifiés ou non qualifiés, négligeant au passage le fait que des secteurs comme l'agriculture, le bâtiment, ou l'hôtellerie/restauration, dépendent fortement de ces travailleurs. Jeremy Hunt, ministre des Affaires étrangères, s’est attiré les faveurs des inconditionnels du Brexit avec de nouvelles remarques anti-UE. Par contraste, le ministre de l'Environnement Michael Gove est resté très discret. Il est revenu à Mme May, dans un discours qui s’adressait d’abord à ses fidèles soutiens, d'essayer de proposer des politiques intérieures rivalisant avec celles proposées par les travaillistes - un signe de l'inquiétude du parti quant à ce qui était ressorti de la conférence du Labour la semaine précédente. Madame May, qui même dans ses meilleurs moments n’a jamais été une oratrice très charismatique, a su cette fois éviter tout écueil dans la présentation de son discours. Elle a promis de mettre fin à l'austérité (sans dire exactement ce que cela signifiait), même si son ministre des Finances, Phillip Hammond, avait déclaré auparavant que l'austérité allait durer quelque temps ! Theresa May a également promis plus d'argent pour le logement social, en annonçant qu’elle allaitt relever le plafond du montant des emprunts autorisés aux collectivités locales pour construire ce type de logement. Enfin, elle a appelé à l'unité du parti pendant les négociations de Brexit, après s’être employée, comme plusieurs de ses collègues du gouvernement, à réduire l’importance du discours de Johnson.
Ayant dit son espoir dans l’unité de parti, Mme May a rapidement constaté que son appel n’avait pas été entendu. Presque le premier jour de la session parlementaire, le ministre des Affaires étrangères, rendant compte de l'état des négociations Brexit, s'est trouvé non seulement déjoué par son homologue travailliste, mais aussi torpillé par les Brexiteers du parti. Pour empirer les choses, le chef du Northern Irish Democratic Unionist Party (DUP), un petit parti loyaliste dont les quelques députés assurent au gouvernement une majorité au Parlement, a clairement indiqué que le DUP ne soutiendrait pas le gouvernement si le Brexit aboutissait à une frontière entre l'Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni. En outre, le DUP a également menacé de rejeter les propositions budgétaires du gouvernement si un accord sur le Brexit franchissait ses lignes rouges – ce qui ferait tomber le gouvernement. Le chef du Parti nationaliste écossais (SNP) a clairement indiqué l'opposition probable du parti à un accord de Brexit qui ne permettrait pas à l'Écosse de rester dans l'UE. Le SNP a également soutenu un deuxième référendum, qui pourrait être lié à un vote sur l'indépendance écossaise. Lors de sa conférence, Plaid Cymru avait également appelé à l'indépendance du Pays de Galles. En tant que chef d’une formation dont le nom complet est « parti conservateur et unioniste », Mme May est non seulement confrontée à la possibilité d'organiser une nouvelle élection générale, mais également d’être responsable de la dissolution du Royaume-Uni.
Ce n'est pas que les travaillistes semblent en meilleure position. Même s’ils sont sortis de leur conférence avec un programme domestique fort et en ayant réparé les fissures du Labour, on peut se demander si certaines de ces fissures ne sont pas simplement recouvertes d'un enduit qui ne durera guère. Étant donné que le gouvernement conservateur est clairement en difficulté et totalement dévoré par le Brexit, on pourrait s'attendre à ce que les travaillistes soient en tête dans les sondages. Mais les enquêtes plus récentes montrent qu'ils restent loin derrière les conservateurs, avec 36%, contre 42% pour ces derniers. Alors que les militants travaillistes pourraient chanter avec joie les louanges de Jeremy Corbyn, peut-être que l'électorat n’est pas tout à fait sur la même ligne. Les électeurs soutiennent peut-être les choix politiques, mais il est clair qu'ils ne sont pas aussi bien disposés à l'égard de l'homme !
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