Gauche : l’envie de présidentielle edit
Que les Français aient donné à leur vote de dimanche une signification plutôt régionale ou plutôt nationale, le fait est là : ces élections constituent à l’évidence le grand tournant du septennat. Pas seulement parce que la gauche conserve à peu près toutes ses régions mais parce qu’une dynamique politique nationale s’est enclenchée à l’occasion de ce scrutin. Pour la première fois depuis 2007 la gauche a à nouveau un appétit de pouvoir national. Pas seulement le Parti socialiste mais aussi les Verts voire le Front de gauche.
Beaucoup craignaient que le PS, satisfait de son pouvoir local, n’ait plus d’assez fortes ambitions nationales pour prendre suffisamment au sérieux la prochaine échéance présidentielle, encore que sa décision d’instaurer une primaire ouverte pour désigner son candidat à l’élection présidentielle, quelles que soient les raisons pour lesquelles il l’a prise, lui fournit un outil précieux pour aborder les prochaines échéances nationales. Quant aux écologistes, ils n’avaient jamais montré une volonté claire de prendre au sérieux les échéances nationales qui, compte tenu des modes de scrutin en vigueur, notamment aux élections législatives, ne leur laissait certes que peu de place tant qu’ils n’envisageaient pas d’adopter une véritable stratégie d’alliance avec les socialistes.
Ces élections ont bouleversé de fond en comble cette situation. Le succès de l’ensemble des partenaires de la gauche de gouvernement a permis aux partenaires du PS d’oublier l’hégémonie socialiste pour poser les bases d’une nouvelle alliance stratégique. Ce retournement de situation est d’abord dû à la divine surprise de l’inversion du rapport électoral gauche/droite. Et il est vrai que malgré leur caractère local et le niveau élevé de l’abstention, cette inversion est d’une telle ampleur qu’elle permet à la gauche d’envisager sérieusement, pour la première fois depuis 2002, de gagner la prochaine élection présidentielle. Or, si le caractère dominant du PS à gauche est confirmé par ces élections, en revanche, le niveau atteint par les écologistes, qui semblent pouvoir désormais s’installer durablement et significativement dans le paysage politique français, pousse les socialistes à envisager de nouer avec eux une véritable alliance. Daniel Cohn-Bendit a, comme souvent, formulé le premier les conditions d’un éventuel accord : une primaire présidentielle commune contre un nombre significatif de circonscriptions législatives gagnables pour les Verts, avançant le chiffre d’une cinquantaine de sièges. Il faudra aussi s’entendre sur une plate-forme commune. Il faudra surtout que les écologistes suivent leur conseilleur – qui n’est pas leur leader – c'est-à-dire renoncent à présenter un candidat des Verts à la prochaine élection présidentielle. Cela ne va pas de soi !
De leur côté les socialistes devront être capables de céder de bonnes circonscriptions, et pas au compte-goutte, à leur allié, ce qui ne va pas de soi non plus ! Mais si les difficultés sont réelles et l’avenir d’une telle alliance incertain, en revanche, pour la première fois depuis le début de la décennie, il semble exister à gauche une envie de gagner et de gagner ensemble. La disparition du Modem et la non apparition du NPA comme forces politiques nationales confirment la forte bipolarisation de la vie politique malgré la remontée du Front national et la domination nette du Parti socialiste au sein de la à gauche. Cette double réaffirmation socialiste clôt – au moins provisoirement – le débat, ouvert ou réouvert avec les élections européennes de l’an dernier, à propos du déclin du PS et de son remplacement par une autre force politique, notamment le parti écologiste. Personne d’ici les prochaines échéances nationales ne viendra remettre en cause le leadership socialiste à gauche. Les négociations difficiles qui se dérouleront ne porteront pas sur cette question mais sur celle du partage des sièges. Enfin une autre condition favorable à la gauche – d’un point de vue électoral s’entend – est la remontée du Front national. Certes, lors des élections législatives, le seuil des 12,5 % des électeurs inscrits, nécessaire à franchir pour se qualifier pour le second tour, est un seuil très élevé, très difficile à atteindre. Mais on ne peut exclure que dans certaines circonscriptions le FN puisse atteindre ce seuil voire même devancer l’UMP, ce qui au second tour la mettrait en difficulté.
Enfin, et peut-être surtout, pour la première fois depuis longtemps, le doute a changé de camp, et, probablement avec lui le temps des divisions. Or, en politique, il faut pour vaincre avoir un moral de vainqueur. En 2007, c’est Nicolas Sarkozy qui l’avait. Aujourd’hui, la gauche n’est pas loin de l’avoir. Désormais, il lui faut un bon candidat, ou une bonne candidate, à l’élection présidentielle. Certes, ce seront les électeurs proches de la gauche qui le désigneront. Mais pour qu’ils le désignent dans les meilleures conditions possibles, il faudra que le PS et ses éventuels alliés soient capables d’organiser la primaire pour qu’il en soit ainsi. Là est aujourd’hui l’enjeu principal avec les socialistes, pour l’année qui vient, de même que le maniement subtil mais déterminé de la nouvelle alliance de gauche.
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