La fin du parti unique de la droite ? edit
En arrivant au pouvoir, Nicolas Sarkozy s’est montré décidé à assumer plus franchement les conséquences de la présidentialisation du système politique français. Par présidentialisation du régime il entendait d’une part la concentration des pouvoirs de l’exécutif entre ses seules mains au détriment du Premier ministre et d’autre part le renforcement des pouvoirs du Parlement, auquel la réforme constitutionnelle a donné une certaine crédibilité. Cette présidentialisation assumée allait de pair avec la consolidation d’un parti présidentiel surpuissant dont l’objectif était triple : anéantir définitivement le Front national quitte à capter sa thématique, redonner pleinement confiance à droite traditionnelle en assumant pleinement les réformes de droite, continuer à affaiblir une gauche divisée et désemparée en pratiquant l’ouverture, en jouant la carte de la diversité et en préemptant la problématique écologique. Cette démarche qui apparaissait comme invincible en 2007 débouche aujourd’hui sur un indiscutable échec.
Sur le plan institutionnel tout d’abord, la logique de la présidentialisation n’a pas réellement réussi. Certes, jamais l’autorité d’un président de la république sur la vie de la cité n’a été aussi forte puisqu’elle est allée du changement climatique à la sélection des candidats aux élections régionales. Mais paradoxalement, le rééquilibrage du pouvoir avec le Parlement ne s’est pas réellement produit. L’activisme législatif a conduit le gouvernement à systématiser le recours aux procédures d’urgence et donc à dégrader la qualité du travail parlementaire. De surcroît, l’UMP n’est pas parvenue à s’imposer comme le grand parti présidentiel en raison de sa dévitalisation par l’Elysée.
Ce qui pose deux questions. Cet échec est-il imputable à la stratégie personnelle de Nicolas Sarkozy qui a cherché à ce se mêler de la vie intérieure de l’UMP jusque dans les moindres détails, ou est-il structurellement lié à l’incapacité historique de la droite française, dont l’inspiration a toujours été beaucoup plus bonapartiste que libérale, à gérer son pluralisme interne ?
Ces deux hypothèses ne sont en réalité pas contradictoires mais risquent de se révéler extraordinairement coûteuses sur le plan électoral dans la mesure où très clairement l’UMP n’est pas parvenue à rassembler son propre camp.
Il faut d’ailleurs rappeler à cet égard que la tradition de la Ve République a toujours reposé sur une logique d’alliances. Même le général de Gaulle n’a pu (ou voulu) se débarrasser des républicains indépendants qui lui ont permis de régner plus de 10 ans mais dont la défection lui a été fatale lors du référendum de 1969. Pompidou n’a gagné qu’en s’assurant du concours des centristes et Giscard n’a pu échapper à la première cohabitation de 1978 qu’après avoir créé l’UDF.
Au regard de résultats calamiteux des régionales certains au centre en viennent donc à penser que seule la reconstitution d’un parti centriste est de nature à permettre la droite de conserver le pouvoir. La décision prise par Hervé Morin de se présenter aux élections présidentielles de 2012 en est un signe. Reste à savoir bien évidemment si ce choix permettra d’élargir le rassemblement à droite ou participera-t-il au contraire à la segmentation de celle-ci surtout s’il vient s’y ajouter la candidature peu amicale de Dominique de Villepin dont l’objectif évident est de faire perdre Nicolas Sarkozy.
Parce que le système institutionnel français demeure quoi qu’on en dise un système mi parlementaire mi présidentiel, il a besoin d’un parti hégémonique pour gagner les présidentielles mais également d’alliances pour gagner les élections législatives et locales. Certes, les élections présidentielles restent la clé de voûte du système. Et l’échec spectaculaire de François Bayrou est là pour confirmer le fait que sans base présidentielle un parti a vite fait de faire naufrage. Mais elles ne commandent plus forcément tout. Cette difficulté, Nicolas Sarkozy ne l’avait probablement pas anticipée d’une part parce qu’ils pensait avoir anéanti le Front national et d’autre part parce qu’il croyait que l’échec de François Bayrou aux présidentielles ramènerait mécaniquement vers l’UMP l’électorat centriste, un électorat dont le Nouveau Centre devait être la caution. Face à l’échec des régionales le président de la république sera probablement tenté contre ses propres instincts à mener une politique de droite très classique ce qui promet de beaux jours au discours sur la sécurité, l’immigration et l’islam même si cette droitisation ne fera pas forcément l’affaire des centristes.
À gauche les choses sont en apparence plus simples. En 2002, la majorité plurielle s’est effondrée parce que les partenaires du Parti socialiste étaient tellement faibles que leur seule chance de survie avait été de proportionaliser l’élection présidentielle avec le résultat que l’on connaît. En 2007, la situation s’est révélée plus confuse probablement parce que personne ne croyait en la victoire de la gauche et que le rapport avec le centre n’avait pas été clarifié. Avec la montée en puissance d’Europe Écologie et l’échec fracassant de François Bayrou, le paysage s’éclaircit. Certes, le PS sera contraint d’avoir vis-à-vis de son nouvel allié une position beaucoup moins hégémonique. Il devra donc négocier avec lui un véritable accord de gouvernement.
Mais cette contrainte n’est pas sans ouvrir de réels avantages au Parti socialiste. Car en échange d’un accès plus grand au pouvoir parlementaire, le seul qui intéresse vraiment la mouvance écologiste, celle-ci pourra travailler pour le succès du candidat socialiste présidentiel sur la base d’un calcul politique rationnel : des sièges au Parlement contre un soutien au président. Certains même vont jusqu’à imaginer une réélection du président sortant suivi d’une cohabitation tant est limitée leur confiance en la capacité de la gauche a gagner les présidentielles ! Si cette hypothèse venait à se vérifier elle mettrait à mal le postulat fondamental de la Ve république qui fait de l’élection présidentielle la clé de voûte de tout le système politique. Mais on n’en est pas encore là…
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