Le tournant des régionales edit
Il ne fait pas de doute que les enjeux politiques des prochaines élections régionales sont considérables. Ils pourraient marquer un tournant dans l’évolution des rapports de force politiques et électoraux en France sur la moyenne période et dans celle du système partisan. Les résultats de ces élections devront être lus à l’aide de la grille suivante : la situation des deux partis dominants, le rapport gauche/droite, le rapport de force électoral entre les socialistes et les écologistes, le destin du Modem, le degré de résistance du Front national, les rapports de force au sein de « la gauche de la gauche » et enfin l’isolement de l’UMP.
Si les sondages publiés dans cette dernière partie de la campagne sont à peu près confirmés par le vote, quels seraient les principaux enseignements du scrutin à venir ?
Le Parti socialiste, que des commentateurs bien imprudents avaient enterré après les élections européennes, demeure avec l’UMP l’un des deux grands partis français et certainement le grand parti d’élus locaux. La situation de bipartisme imparfait du système de partis français née de l’élection présidentielle de 2002 et de la création de l’UMP demeure donc actuelle. Successivement depuis 2002 le FN puis le centre anti-UMP et enfin les écologistes aujourd’hui ont tenté de ravir la tête de l’opposition au Parti socialiste. Mais ce parti tient bon aux élections locales et il n’y a pas de raison forte de penser qu’il pourrait ne pas parvenir au second tour de la prochaine élection présidentielle même s’il s’agit d’une probabilité et non d’une certitude dans la mesure où la personnalisation de cette élection est particulièrement forte.
Le rapport gauche / droite connaît une évolution sensible en faveur de la gauche. Pour la première fois depuis longtemps, la gauche (au sens large avec les Verts) semble détenir un net avantage sur la droite. Il s’agit d’une véritable inversion de tendance qui permet à la gauche d’espérer gagner la prochaine élection présidentielle si elle dispose d’un bon candidat. Le PS doit donc adopter une stratégie politique et électorale lui permettant de mettre toutes les chances de son côté pour gagner cette élection décisive. Il ne doit donc pas seulement remplir une fonction tribunitienne mais prétendre au pouvoir d’État.
Les écologistes s’installant probablement durablement et de manière nette dans le paysage politique et électoral français, cette situation doit être prise au sérieux par les socialistes, même si l’histoire électorale nous rappelle que l’électorat écologiste est particulièrement volatil. Les socialistes doivent envisager une véritable stratégie d’alliance avec les Verts, qui passe par la proposition d’une primaire présidentielle unique pour les deux partis, d’une négociation globale présidentielle et législatives et donc par l’élaboration d’une plate-forme électorale commune.
La marginalisation probable du Modem permet aux socialistes d’éviter de se déchirer sur d’éventuelles perspectives d’alliances en bonne et due forme entre les deux partis. En revanche, la sensibilité centriste d’une partie importante de l’électorat socialiste ainsi que la nécessité de constituer un large front électoral dans la perspective de 2012, dans la mesure où une victoire régionale ne produit pas automatiquement une victoire présidentielle, devraient les pousser à s’ouvrir au centre et à ne pas refuser de discuter avec le Modem.
La baisse du FN par rapport aux précédentes élections régionales confirmerait l’importance du réalignement électoral de 2007 ayant entraîné un affaiblissement sensible de l’extrême-droite. La question sera de savoir dans combien de régions ce parti pourra se maintenir au second tour, les triangulaires éventuelles ne pouvant jouer qu’en faveur de la gauche.
La fragmentation de la « gauche de la gauche » continue de l’empêcher de constituer un réel danger pour le PS. La marginalisation du NPA, payant cher son sectarisme électoral, et la relative réussite du Front de gauche, s’il peut négocier pour le second tour dans un certain nombre de régions avec le PS et s’il distance clairement le NPA, laisse un allié potentiel au PS sur sa gauche, suffisamment faible pour l’empêcher de jouer les premiers rôles mais pas assez marginal pour être ignoré.
Ce qui frappe enfin est la situation de l’UMP, à la fois totalement dominante à droite et en même temps totalement isolée. En 1998, les listes dirigées par l’UDF devançaient celles menées par le RPR. En 2004, l’UDF, lorsqu’elle affrontait l’UMP, était nettement dominée mais pas marginalisée. Cette fois ci la marginalisation du Modem, qui a succédé à l’UDF en 2007, semble devoir se produire et, du coup, modifier la structure électorale du pays. La fin de l’UDF a finalement profité électoralement à la gauche au sens large. L’UMP a des chances d’arriver en tête dans beaucoup de régions mais ne dispose pas de réserves électorales substantielles pour le second tour. La disparition de l’UDF, qui était largement un mouvement d’élus, a déséquilibré les rapports de force locaux en faveur de la gauche. 2004 le suggérait. Il est probable que 2010 va le confirmer. N’ayant pas organisé l’UMP comme un grand parti pluraliste du centre et de la droite, le président de la République voit son assise partisane réduite dangereusement et ses bases politiques locales affaiblies. Au point qu’une éventuelle victoire présidentielle de la droite ne s’accompagnerait pas automatiquement d’une victoire législative. Ce qui ne manquerait pas alors de reposer la question du fonctionnement de notre régime politique !
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