Pourquoi Trump sera probablement battu edit
Dans l’article précédent de Telos, Antoine de Tarlé a donné les principaux éléments qui le conduisent à penser que Donald Trump a de fortes chances d’être réélu. Je voudrais ici mettre en lumière les éléments qui m’amènent à penser qu’il a au contraire de fortes chances d’être battu.
L’évolution sociale et politique de la société américaine favorise le vote démocrate
Quelques rappels électoraux d’abord. En 2016, Donald Trump l’a emporté sur Hillary Clinton en nombre de délégués à la Convention fédérale mais n’a rassemblé que 46 millions de voix contre 48 millions pour sa concurrente. Aux élections à mi-mandat de 2018 les Démocrates l’ont largement emporté à la Chambre des représentants. Cette victoire a été due à un double phénomène : la poursuite de l’accroissement démographique des catégories qui votent plutôt démocrate et l’accroissement de la participation électorale de ces mêmes catégories.
Entre 2014 et 2018, c’est-à-dire dans un laps de temps très court, la part, dans l’ensemble de l’électorat, des électeurs blancs qui n’ont pas fréquenté le college, c’est-à-dire le groupe qui constitue la base électorale de Trump, a diminué de quatre points au bénéfice des électeurs blancs qui l’ont fréquenté et des électeurs non blancs. Dans le même temps, les moins de 45 ans, les plus hostiles à Trump, ont vu leur part dans l’électorat passer de 30% à 35%. Enfin, la part des protestants est passée de 53% à 47% tandis que celle des sans religion est passée de 12 à 17%. Or, en 2018 les sans religion ont voté démocrate à 70% tandis que les protestants n’ont voté pour ce parti qu’à 42%.
De plus, ces groupes en croissance démographique, qui sont ceux qui votaient généralement le moins, ont connu en 2018 une augmentation particulièrement forte de leur participation électorale, dopée par leur mobilisation contre Trump. Or, tandis que les plus jeunes, qui sont les plus nombreux à voter pour le parti démocrate, ont accru de 16% leur participation, les plus âgés ne l’ont accrue que de 7%. De même, les électeurs qui ont fréquenté le collège ont vu leur participation augmenter davantage que celle des autres. En revanche, le groupe des électeurs blancs n’ayant pas fréquenté le collège est le seul groupe dont la participation a baissé. Il faut ajouter à ces données que les femmes ont accru à la fois leur vote en faveur du parti démocrate (60% contre 47% chez les hommes en 2018 contre 53% contre 42% en 2016) et l’écart de participation avec les hommes qui est en 2018 de trois points en leur faveur.
Ces évolutions ont contribué au premier chef à accroître la part du vote démocrate ou celui des indépendants qui penchent vers le parti démocrate dans l’ensemble de l’électorat. En 2019, les enquêtes montrent que les préférences partisanes se répartissent ainsi : 31% démocrates, 17% indépendants penchant pour les démocrates, 7% indépendants sans autre préférence, 13% indépendants penchant vers les républicains et 26% républicains, les deux premiers groupes ayant gagné deux points par rapport à 2010 et représentant, en 2019, 47% de l’ensemble contre 39% pour les deux derniers groupes.
Des handicaps démocrates surmontables
Antoine de Tarlé a raison d’insister sur les handicaps du futur candidat démocrate dus à la fois au fonctionnement des collèges électoraux, qui a permis seul l’élection de Trump en 2016, et à la forte personnalité du président dont le socle électoral est large et résistant. Pour autant ces handicaps ne sont pas insurmontables.
Trump, malgré son fort soutien dans la population américaine, est un président impopulaire. Selon le site Fifty Thirty Eight, la moyenne des sondages indique aujourd’hui une popularité de 42,6% contre 53% de réponses négatives, soit un écart de plus de dix points alors qu’à l’élection de 2016, l’écart avec Hillary Clinton n’était que de deux points. Sur le papier, Trump devrait donc être battu. De même, 43% contre 55% seulement, selon Gallup, approuvent la manière dont le président remplit son rôle. En outre, si 89% des proches du parti républicain donnent une réponse positive et autant de proches du parti démocrate une réponse négative, il faut remarquer que 59% des indépendants donnent, eux aussi, une réponse négative. Les indépendants pourraient donc faire pencher la balance du côté démocrate.
Beaucoup dépendra bien sûr du choix du candidat démocrate. Les intentions de vote montrent néanmoins que les trois candidats à la candidature les mieux placés pour l’instant dans la course à la nomination l’emportent tous sur le président sortant, avec certes des scores différents : entre 10 et 13 points d’avance pour Biden selon les différents sondages, entre 5 et 9 points pour Sanders et entre 2 et 7 points pour Elisabeth Warren. Or, les démocrates eux-mêmes semblent aujourd’hui préférer une candidature de Biden.
Certes, comme le souligne Antoine de Tarlé, Trump occupe l’espace de la communication. Mais cette position est à double tranchant car il polarise très largement et fortement contre lui, ce qui peut favoriser en 2020 à nouveau une forte mobilisation électorale de ses opposants. Il est vrai que la bonne santé de l’économie américaine, que les électeurs perçoivent clairement, est un point positif pour le président sortant, mais les sondages montrent que la question de l’État social les préoccupe tout autant que celle de la prospérité économique. En outre, les thèmes mis en avant par Trump et ses alliés, tels le mur avec le Mexique ou l’avortement, ne lui sont pas favorables. Une grande majorité des Américains sont en effet hostiles à la construction du mur et, pour ce qui concerne l’interdiction de l’avortement, les enquêtes montrent que 58% contre 37% sont favorables à l’autorisation, complète ou avec des restrictions, de l’avortement. 76% des démocrates sont dans ce cas mais aussi 60% des indépendants et même 36% des républicains.
Reste la question des collèges électoraux. Ici réside l’avantage qui peut se révéler décisif pour Donald Trump, comme il l’a été en 2016. Mais observons le cas des quatre États dans lesquels Trump l’a emporté d’un point sur Clinton en 2016 : la Floride, le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin. À eux quatre ils représentent respectivement 29, 16, 20 et 10 délégués, soit au total 75 délégués alors qu’il suffit au candidat démocrate de gagner 38 délégués par rapport à 2016 pour être élu. En 2018, en Floride, les démocrates ont gagné deux sièges de même que dans le Michigan. En Pennsylvanie ils en ont gagné trois. Dans le Michigan et le Wisconsin les démocrates ont gagné le poste de gouverneur et en Pennsylvanie, le gouverneur démocrate sortant a été réélu avec une progression nette. Il est donc très possible que ces États votent cette fois-ci démocrate.
Tous ces éléments vont plutôt dans le sens d’une défaite du président sortant même si rien n’est joué. Les 18 mois qui viennent peuvent certes réserver bien des surprises, d’autant que Trump est prêt à tout pour l’emporter. Les démocrates, qui sont très divisés sur la ligne politique à suivre, peuvent commettre des erreurs graves et notamment choisir un mauvais candidat. Trump est un redoutable adversaire. Mais il est cependant bien trop tôt aujourd’hui pour parier sur sa réélection.
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