Identité et visibilité aux JO, le choix de la Mongolie edit
Entre performances sportives et nombre de médailles, dimension survalorisée par les médias, les Jeux olympiques sont inégalement investis. Alors que les pays occidentaux mobilisent leurs ressources et obtiennent les meilleurs résultats (médailles, villes hôtes, fédérations internationales…), excepté la république populaire de Chine depuis les JO de 2008, peu de pays d’Asie participent à la totalité des sports. Dans ce contexte, certains petits pays choisissent des stratégies de niche, soit un nombre limité de sports, et développent une communication appropriée. La Mongolie offre un bon exemple de ces stratégies.
En 2020 aux jeux de Tokyo, la Mongolie participe avec un total de quarante-trois hommes et femmes. Aux Jeux de Paris, 32 athlètes mongols participent à neuf sports : tir à l’arc, athlétisme, boxe, cyclisme, judo, tir, natation, tennis de table, lutte libre et haltérophilie[1]. Sur ces neuf disciplines, quatre sont issues ou liées aux traditions de la culture nomade mongole, la lutte, le tir à l’arc, le tir et l’haltérophilie. Pour repère, le Naadam traditionnel (jeux en langue mongole) comprend trois compétitions principales, la lutte mongole, le tir à l’arc et les courses de chevaux. À titre de comparaison, le Kazakhstan envoie quatre-vingts athlètes participer à vingt-cinq sports.
En septembre 2024, la Mongolie participe également aux Nomadic Games à Astana, Kazakhstan (presque à domicile, donc), sorte de Jeux olympiques thématiques[2]. Ces jeux, avec 3000 participants de plus de 100 pays, comprennent vingt sports, dont la course à cheval, la lutte, les arts martiaux, le tir à l’arc, la chasse à l’aigle et des jeux folkloriques et ethniques.
Issus de la culture nomade, ces Jeux forment aujourd’hui un projet culturel autour d’une identité. Dans le contexte de concurrence entre pays, les États d’Asie centrale indépendants depuis 1991, ainsi que la Mongolie travaillent leurs identités à partir de cette culture nomade. Ils cherchent aussi à promouvoir une image et un tourisme. En Asie centrale, le Kazakhstan et le Kirghizstan sont les deux pays héritiers de ce mode de vie. Et à Bruxelles, dans un intérêt bien compris, la Mongolie est quasi systématiquement associée aux événements organisés par et autour des cinq pays d’Asie centrale. C’est aussi une réalité liée au tourisme : steppes, chevaux, yourtes, aigles et, plus marginalement sports associés au nomadisme, parlent aux touristes européens et occidentaux attirés par un mode de vie fondé sur l’itinérance.
Revenons aux Jeux. Le défilé des délégations lors de la cérémonie d’ouverture représente une bonne occasion pour chaque pays de promouvoir son identité. Les tenues s’inspirent de motifs et de coupes classiques de la culture mongole, dont le deel, costume traditionnel. À partir de ces éléments, dans une fusion de styles, les tenues proposent un aspect à la fois ethnique et sportif. Présentés sur les médias sociaux, les costumes dessinés pour l’équipe nationale de Mongolie par la marque Michel&Amazonka font immédiatement l’objet de plusieurs articles favorables – en termes quasiment identiques – dans la presse française et internationale. « Déjà médaille d’or » pour les tenues aux JO constitue en effet une métaphore facile. Les médias sociaux, en particulier TikTok, s’enflamment à la suite des messages des internautes et d’influenceurs de la mode qui diffusent des messages positifs. Ceci reflète le processus classique d’une stratégie de marque (selon la boucle désormais classique influenceurs, internautes, médias, une analyse qui n’est pas l’objet de cette chronique).
Voici donc un pays de trois millions d’habitants qui travaille sa visibilité, en parfaite cohérence avec sa culture et avec la perception qu’en a le grand public (principalement occidental). Les tenues de la cérémonie d’ouverture mettent en avant l’imaginaire du nomadisme avec les steppes, yourtes et grands espaces. Choisir une stratégie de niche pour certains sports et favoriser un imaginaire revient bien à trouver sa place dans la logique des Jeux, dont l’équilibre se situe entre plaisirs de la compétition sportive, argent et nationalisme. Avec ces choix, la Mongolie déploie une communication et son image, démarche de diplomatie publique et de soft power.
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[1] https://montsame.mn/en/read/346596
[2] https://worldnomadgames.kz/en