Cantonales : l’échec du Front national edit
À juste titre, la plupart des commentateurs ont souligné l’importante progression en voix du Front national aux deux tours des cantonales. Mais dans les élections, ce qui compte ce sont les sièges obtenus. Marine le Pen avait semblé plus intéressée que, jadis, son père à faire entrer le FN dans les conseils généraux pour y contester la domination des deux grands partis. Jamais le FN n’avait été aussi présent dans un second tour des cantonales, environ 400 cantons, et, qui plus est, presque toujours en duel avec l’un ou l’autre des deux grands partis. Jamais donc ce parti n’avait connu une situation aussi favorable pour gagner des sièges. Puisque la stratégie du FN était de battre à la fois le PS et l’UMP et de mettre fin à la domination de « l’UMPS », le scrutin de dimanche dernier constituait un test significatif.
Or sur près de 400 duels où le FN était en lice, ceux par définition dans lesquels il faisait des scores en voix très importants au premier tour, arrivant parfois en tête du scrutin, il en a gagné deux ! Pas plus qu’en 1998. Autant dire que le FN continuera à ne pas exister dans les conseils généraux. La stratégie « seul contre tous » a totalement échoué. Le candidat de droite ou de gauche opposé à celui du Front national a toujours bénéficié d’une augmentation de voix d’un tour à l’autre nettement supérieure à celle, certes substantielle, du candidat du FN.
Pire encore pour Marine le Pen, contrairement à ce qu’elle affirme, les nouveaux électeurs du FN, dont beaucoup proviennent de l’UMP, ne sont pas des électeurs enlevés définitivement à ce parti. En effet, l’UMP peut se consoler en voyant que dans ses duels avec la gauche, une partie importante de ces électeurs semblent être revenus vers elle. En outre, dans les duels entre l’UMP et le FN, une part significative de l’électorat de gauche semble avoir voté contre le FN c’est-à-dire pour l’UMP, suivant ainsi les consignes des partis de gauche. Tout ceci est donc de très mauvais augure pour le FN pour les prochaines élections législatives. Certes, il pourrait, comme pour ces cantonales, se maintenir au second tour dans un nombre significatif de circonscriptions, mais, comme dimanche dernier, il aurait peu de chances de gagner plus d’une poignée de circonscriptions. Quoi que claironne Marine Le Pen, le FN n’empêchera pas plus demain qu’hier que l’un des deux grands partis gouverne le pays.
En revanche, si le FN restera à l’écart du pouvoir politique, il augmentera encore son pouvoir de nuisance à l’égard des deux grands partis et surtout de l’UMP. Pour ce qui concerne l’élection présidentielle, il est possible que la candidate du FN arrive au premier tour à l’une des deux premières places. Certes, elle n’a aucune chance de gagner cette élection, comme les cantonales viennent de le confirmer, mais elle peut, en éliminant l’un des deux candidats, UMP ou PS, donner dès le premier tour de scrutin la victoire à celui de ces deux candidats qui restera en lice. C’est pourquoi les deux grands partis doivent en priorité s’attacher à éviter la multiplication des candidats à l’élection présidentielle dans leur camp. Le souvenir de 2002 doit s’imposer à eux… et aussi à leurs alliés !
Quant aux élections législatives, le pouvoir de nuisance du FN à l’égard de l’UMP y sera considérable, et ce pour deux raisons. La première est que si l’abstention est élevée et si le FN devance le candidat de l’UMP dans un grand nombre de circonscriptions, ce qui est fort possible au vu des résultats de ces cantonales, l’UMP peut être prise à son propre piège, la fixation d’un seuil de 12,5% des électeurs inscrits pour pouvoir se maintenir au second tour. L’UMP pourrait en effet être éliminée dès le premier tour dans ces circonscriptions, les duels FN/Gauche étant alors nombreux et constituant, nous l’avons vu dimanche, un avantage considérable pour la gauche qui en gagnerait la quasi totalité. L’UMP, éliminée dans un nombre significatif de circonscriptions au premier tour, signerait probablement la victoire de la gauche aux élections législatives, quel qu’ait été le résultat de l’élection présidentielle. Certes, la droite pourrait probablement compter, en cas de duel avec la gauche, sur le renfort au second tour d’une part importante de l’électorat frontiste et éviter la déroute.
Si Marine Le Pen compte faire du FN un parti de gouvernement, fût-il local, ses résultats comme son discours de dimanche ne la rapprochent nullement de cet objectif. Au contraire. La violence du discours frontiste ne peut qu’encourager l’UMP à éviter tout rapprochement avec ce parti et à ne compter que sur ses propres forces. C’est ce qu’a semblé indiquer dimanche soir le discours des leaders de la majorité. Finalement, le principal objectif que puisse espérer atteindre le FN en 2012, c’est de faire battre l’UMP aux élections législatives, ce qui signifie redonner le pouvoir gouvernemental à la gauche. Mais cet objectif-là n’est pas très nouveau, il était déjà celui du père avant de devenir celui de la fille ! Il n’a pas été atteint en 2002 car le candidat de gauche a été, par surprise, dépassé par Jean-Marie Le Pen. Mais c’est cet objectif qu’a atteint le FN dimanche en contribuant à la nette victoire de la gauche dans les conseils généraux. La « vague bleue-marine » n’est pas de taille à submerger « l’UMPS ». Mais elle peut menacer séparément l’UMP ou le PS, l’UMP surtout. Le FN demeure de ce point de vue un véritable parti protestataire !
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