Des primaires à droite ? edit
En incitant l’actuelle majorité à suivre l’exemple du PS et à organiser une primaire présidentielle, Alain Lamassoure s’est attiré les foudres du président du groupe UMP au Sénat, Jean-Claude Gaudin : « Ceux qui, à l’UMP, demandent des primaires pour l’élection présidentielle seraient bien inspirés de défendre au quotidien l’action que conduit courageusement le président de la République et son gouvernement », a-t-il déclaré. Pourtant, la proposition d’André Lamassoure mérite mieux que cette brutale fin de non-recevoir et l’UMP aurait tout intérêt à l’examiner de plus près, quitte à la rejeter après examen.
Des élections primaires sont nécessaires lorsque les directions des grands appareils partisans ne sont pas ou plus capables d’arbitrer la concurrence interne et de désigner le meilleur candidat possible à une élection présidentielle en imposant une unité de candidature. Le Parti socialiste, sagement bien que souvent à contrecœur, a fait le constat, depuis la dernière élection présidentielle, que l’adoption de ce mécanisme, loin de l’affaiblir, lui permettrait au contraire à la fois de préserver son unité et d’obtenir une candidature socialiste unique et légitimée par les sympathisants. L’UMP ne semble pas faire le même constat pour elle-même. À tort. Elle pourrait même adopter, comme les socialistes, la procédure de désignation dite primaire ouverte. Elle aurait même, plus encore que la gauche, intérêt à adopter une telle procédure, et ce pour trois raisons.
La première est que l’attachement partisan est plus faible historiquement à droite qu’à gauche. Ces dernières semaines plusieurs personnalités issues de l’UMP ont préféré quitter ce parti plutôt que de renoncer à se présenter à l’élection présidentielle. L’appareil de l’UMP ne semble pas capable d’imposer une unité de candidature à l’ensemble de la droite modérée. La seconde est que, par tradition, le gaullisme est davantage porté à s’adresser directement au peuple qu’à donner le pouvoir aux appareils partisans. La troisième, aujourd’hui la plus décisive, est que la pluralité de candidatures à droite, compte tenu du niveau électoral du Front national et de l’avantage qu’a la gauche de ne pas porter la responsabilité de la gestion gouvernementale en période de crise, rend possible sinon probable qu’aucun candidat de droite ne franchira en 2012 l’obstacle du premier tour si celle-ci se présente très divisée. Certes, Nicolas Sarkozy peut se dire que de toutes manières il arrivera en tête des candidats de droite éventuels et qu’une bonne campagne lui permettra de dépasser l’un ou l’autre des deux autres grands candidats. Mais ce pari est fort risqué. Or le risque ne concerne pas seulement l’élection présidentielle, mais aussi les élections législatives et finalement l’UMP elle-même qui pourrait ne pas résister à une déroute électorale dans une situation d’éclatement de la droite.
Il est vrai qu’aux États-Unis, les élections primaires ne sont pas organisées par le parti du président sortant si celui-ci se représente. Les raisons pour justifier cette tradition sont fortes. Mais sont-elles pour autant, dans la situation actuelle de la droite française, suffisantes pour rejeter l’organisation d’une primaire par l’UMP ? Pas sûr. En effet, Nicolas Sarkozy, en se prononçant lui-même pour des primaires ouvertes, obligerait chacun, à droite, à choisir clairement son camp. Une victoire, probable, à de telles primaires lui donnerait un second souffle alors que dans la situation actuelle sa faible popularité et les sondages d’intentions de vote défavorables commencent à générer dans son propre camp des mises en cause de sa légitimité à se représenter. En se prononçant pour une primaire, il balaierait ce procès en illégitimité. Surtout, il mettrait au pied du mur ses éventuels concurrents au sein de la droite en les contraignant soit à accepter une procédure qui ne leur serait sans doute pas favorable soit à rejeter cette proposition, prenant alors la responsabilité de la division et probablement de la défaite de la droite. La balle serait alors dans leur camp. En outre, une telle décision obligerait les personnalités dirigeantes de l’UMP à se situer clairement par rapport à sa candidature.
Comme le souligne André Lamassoure, Jean-François Copé, au lieu « d’envisager un recours en justice contre l’organisation de primaires à gauche », devrait au contraire tirer les conséquences de l’impuissance de la direction de l’UMP à éviter la multiplication des candidatures et réfléchir sérieusement de l’organisation d’une primaire des partis de l’actuelle majorité ou, à défaut, de l’UMP. En prenant une telle initiative, il replacerait son parti au centre du jeu.
Il est possible que l’UMP se sente gênée à l’idée de « copier » le Parti socialiste. Il est possible aussi qu’elle estime, peut-être à raison, qu’aucun candidat sérieux au sein de l’actuelle majorité, n’osera au bout du compte se présenter contre Nicolas Sarkozy, les sondages d’intentions de vote lui demeurant favorables face à ses éventuels concurrents de droite.
Mais la droite doit aussi se convaincre que le phénomène électoral Front national est probablement durable et que la situation de la droite modérée face au développement d’une extrême-droite xénophobe et désormais « sociale » demeurera critique après 2012 comme elle l’est et le restera dans de nombreux pays européens. De ce point de vue, à moyen terme – mais les leaders politiques peuvent-ils voir aussi loin ? – l’organisation de primaires devrait intéresser aussi les éventuels concurrents de Nicolas Sarkozy au sein de la droite modérée… s’ils veulent vraiment gouverner !
Les primaires, à gauche comme à droite, sont probablement le meilleur moyen d’éviter une totale implosion du système partisan. Certains se réjouiraient certainement d’une telle implosion. Mais ceux qui sont attachés à l’alternance entre deux grandes formations politiques ou deux grandes alliances politiques et qui sont conscients de la perte de légitimité du politique chez nombre de nos citoyens devraient réfléchir sérieusement à la proposition d’André Lamassoure.
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