Comment soutenir la consommation? edit
Les déséquilibres macroéconomiques qui ont provoqué la crise actuelle, à commencer par l’endettement des ménages américains, étaient aussi facteurs de dynamisme pour le commerce mondial, et la contraction brutale des échanges fragilise toutes les économies sans exception. Dans ces conditions on ne peut que se féliciter de voir émerger un consensus international sur le refus du protectionnisme, d’une part, et sur la nécessité d’une relance globale par la consommation, d’autre part. La question pourrait toutefois se poser d’une façon sensiblement différente en France.
Tout en prêtant attention aux inquiétudes sur le pouvoir d’achat, le gouvernement avait opté en 2007 pour une politique de l’offre. Un raisonnement macroéconomique lui donnait raison. Parmi d’autres signaux, la persistance d’importants déficits commerciaux attestait la bonne santé, en France, de la demande. À la différence des États-Unis et du Royaume-Uni toutefois, ce n’était pas l’effet richesse de la bulle immobilière et l’endettement des ménages qui soutenaient cette consommation.
On comprend que dans ces pays, l’argent public de la relance doit aller au plus près des consommateurs car le moteur est éteint. Est-ce le cas en France ? La consommation n’y est pas alimentée par les mêmes mécanismes économiques et, si elle est menacée, ces menaces sont d’une nature différente.
Précisons. Le maintien jusqu’à une date récente d’une consommation robuste est largement dû à la générosité de notre système de redistribution, qui favorise la moitié la plus pauvre de la population, celle dont l’intégralité du revenu, ou presque, est consommée. Notre dette publique a joué le même rôle que la dette privée ailleurs : le déficit régulier de l’État et des assurances sociales finance une partie de la consommation. On peut discuter des mérites et des défauts de ce keynésianisme, mais par gros temps il a le mérite de la robustesse.
De la même façon, le fonctionnement plus rigide du marché du travail français constitue un amortisseur permettant d’éviter les effets de contraction en chaîne qui affectent les économies plus réactives.
Il faut enfin considérer la part des revenus protégés dans notre pays. On pense bien sûr aux emplois publics et parapublics, plus nombreux chez nous, mais il faut y ajouter les retraités : dans un système de retraite par répartition comme le nôtre, ils ne connaissent pas le sort des pensionnés anglo-saxons dont les revenus dépendent d’un système de retraite par capitalisation.
Aux États-Unis et au Royaume-Uni l’éclatement de la bulle immobilière, les pertes d’emplois plus rapides, l’affaissement des revenus des retraités et une protection sociale moins généreuse se cumulent. Il est donc essentiel de rallumer le moteur. La problématique en France est sensiblement différente. Une petite partie de la population souffre directement de la crise ; les aides existent, on peut les ajuster, en donnant par exemple un coup de pouce aux salariés de l’industrie qui subissent le chômage partiel. Mais la grande majorité des consommateurs n’est pas dans une situation meilleure ou pire que l’an passé, et il faut en tirer les conclusions qui s’imposent. L’arme fiscale par exemple n’a guère de pertinence dans ce contexte.
Si la consommation française s’érode, c’est d’abord une question de confiance. Dans le contexte actuel et d’un point de vue strictement économique, le problème n'est pas que les gens qui perdent leur emploi n'achètent plus de voiture ou aillent moins souvent chez le coiffeur, mais que l’immense majorité de ceux dont l’emploi n’est pas directement menacé épargnent par précaution.
Si l’on veut soutenir la consommation, l’essentiel est alors de rassurer les salariés sur leur emploi, en garantissant la survie des entreprises. Celles qui souffrent le plus en ce moment sont dans le business to business. Ce sont, typiquement, des sous-traitants de grandes entreprises industrielles. Il y a urgence en effet, et outre le drame social il y a aussi la question de la disparition de savoir-faire industriels. Leurs clients ont réduit la voilure, mais ne vont pas mettre la clé sous la porte ; les commandes reprendront ; les sous-traitants, eux, sont menacés de faillite. Si l’on veut envoyer les bons signaux, c’est leur survie qu’il faut viser. On peut discuter des segments de la chaîne où injecter de l’argent public : dans les banques pour qu’elles fassent crédit, chez les donneurs d’ordre en exigeant qu’ils répartissent la manne. Mais de l’argent frais injecté dans la consommation des particuliers (helicopter money) n’aurait aucun effet immédiat pour cette partie de notre économie, la plus directement menacée et celle qui envoie les plus mauvais signaux sur l’emploi à l’ensemble des consommateurs. Il est urgent de s’en apercevoir.
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