G20 : la Chine acteur pivot edit
Le G20 a du mal à s’affirmer comme instance politique capable de résoudre énergiquement les risques systémiques, notamment financiers, et déçoit donc ceux qui en espéraient le plus. En même temps, force est de constater que le G20 ministériel de samedi dernier à Paris a réussi là où Séoul avait échoué : l’élaboration d’indicateurs communs pour le suivi des déséquilibres économiques internationaux, notamment en séparant les composantes du compte courant et en évitant le suivi direct des réserves de change. Cette petite victoire est essentielle. Elle désamorce la tension sino-américaine autour du renminbi et permet d’ouvrir le jeu aux autres sujets essentiels du G20 en 2011 : gestion des risques systémiques financiers et agricoles, revue du système monétaire international, et normes sur les contrôles de capitaux. Cette situation met la Chine en situation de pivot, alors même que les Chinois sont des acteurs totalement nouveaux sur la scène de l’économie mondiale et qu’ils n’appartenaient pas au G8.
Comment comprendre la position chinoise ? D’un côté, la Chine reste concentrée sur ses nombreux problèmes économiques et sociaux, notamment sa bulle immobilière et l’énorme migration rurale qui nécessite un taux de croissance stable au-delà de 8%. Elle est plus à l’aise dans la gestion de l’interface avec l’économie mondiale (contrôle des capitaux, régulation de ses marchés nationaux) que dans la régulation des marchés mondiaux ou l’ingérence extérieure. Elle reste hantée par le spectre du Japon des années 1980, qui sous pression américaine accepta une hausse très rapide du yen et la dérèglementation financière (sans avoir su élaborer suffisamment les institutions de supervision indispensables à une telle transition), changements qui ont fortement déstabilisé son économie.
En même temps, la Chine découvre sa forte dépendance envers les marchés mondiaux Pour cela, elle a besoin de stabilité dans les échanges commerciaux et d’une certaine entente avec ses partenaires essentiels : États-Unis, Europe, et Japon. La Chine se retrouve forcée d’avancer dans le jeu international, jeu nouveau et relativement inquiétant, mais où elle a une bonne place à jouer.
Comment la Chine va-t-elle exprimer son nouveau pouvoir et comment va-t-elle influencer le jeu où, entre incitations et menaces, l’invitent les autres pays du G20 ? Bien que la Chine préfère en général garder son pouvoir en réserve et trouver une voie moyenne, son nouveau rôle offre des opportunités pour les Européens et les pays cherchant à élaborer des règles pour faire face aux risques systémiques. Sur le fond, la Chine, comme la France (ou le Japon) croit au rôle de la régulation face aux marchés, et elle a déjà bougé à l’automne avec ces deux pays sur la question des régulations bancaires. L’ouverture du jeu chinois à Paris pourrait désenclaver la confrontation Europe-États-Unis sur les régulations.
C’est d’autant vrai que l’alternative pour la Chine, une plus grande coopération régionale avec Japon et Corée, ne s’est pas encore amorcée. Même si ces trois pays partagent de nombreux intérêts face au système monétaire international ou bancaire, leur réunion prévue en mars ne porte même pas à l’agenda la coordination de leurs rôles au G20. Et la Corée n’a pas hésité à exposer un conflit ouvert avec la Chine à Paris sur l’internationalisation du renminbi (menée actuellement sans coordination avec les accords de Chiangmai). Le Japon, de son côté, pousse à des règles sur les matières premières afin d’internationaliser son conflit avec la Chine sur les terres rares.
Quelles sont les limites de l’accord de Paris ? Fondamentalement, le G20 n’a fait qu’un petit pas en avant. Les nouveaux indicateurs restent indicatifs, le préambule marquant bien qu’il ne s’agit pas de « cibles ». Le communiqué mentionne les négociations climatiques, le besoin de financer le Fonds vert constitué à Cancun, la volatilité des marchés de matières premières, et les risques liés au système monétaire international. Mais au vu de l’urgence et de la difficulté d’une coordination internationale, pourtant indispensable pour gérer les biens publics mondiaux et réduire les risques systémiques, le G20 reste un outil assez faible. Les États-Unis restent très sceptiques et très contraints par un Congrès peu intéressé par une institution multilatérale ; l’Europe parle en rangs divisés et la présidence hongroise de l’UE joue un rôle très faible ; la Chine hésite encore ; le Japon est presque absent du fait de sa paralysie politique en 2011 ; le Canada actuel ne joue plus son rôle de médiateur, mais plutôt un rôle d’acteur plus américain que les Américains. Et certains pays comme le Brésil et l’Argentine ont utilisé le sommet comme une chance de bloquer les avancées sur les produits agricoles. Le jeu reste très difficile et il est marqué par des logiques centrifuges.
Et pourtant, on aurait tort de jeter le bébé avec l’eau du bain. La question du renminbi désormais contournée et déléguée au FMI, il reste des perspectives ouvertes pour quelques bonnes avancées en 2011 notamment avec une certaine connivence Europe-Chine et des contraintes d’opinion sur la City de Londres et Wall Street. Parmi les avancées probables, on peut citer un accord possible sur l’entrée du renminbi dans le panier des DTS (droits de tirage spéciaux) selon une feuille de route à long terme menant à sa convertibilité ; un accord possible sur les règles de contrôles de capitaux (et des avancées sur les régulations sur certaines pratiques de marchés comme les ventes à découvert) ; ou encore des avancées réelles sur le sujet entamé à Seoul du filet de protection financière devant aider les pays touchés par des crises financières.
En somme, le G20 est un outil lent et peu maniable, mais petit à petit, il a la capacité d’institutionnaliser un dialogue, une supervision mutuelle et un échange d’information entre grands États, ainsi que des échanges d’intérêts. Il reste la meilleure arme contre le désordre des marchés financiers et pour un effort contre les risques systémiques.
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