Les enjeux du plan anticrise edit
Face à la propagation du feu qui menaçait toute la zone euro et non plus seulement la Grèce, les pays de l’UE ont adopté un plan dont l’ampleur a favorablement surpris les marchés. Cela suffira-t-il pour autant à faire revenir la confiance ?
Face à la propagation du feu qui menaçait toute la zone euro et non plus seulement la Grèce, les pays de l’UE ont adopté un plan dont l’ampleur a favorablement surpris les marchés. Cela suffira-t-il pour autant à faire revenir la confiance ?
Le problème auquel les pays de la zone euro sont confrontés est simple: les Etats sont massivement endettés. La moyenne des déficits en zone euro est 6.3% du PIB, mais pour certains pays les déficits sont près de 10% voire frôlent les 14%, alors que la dette moyenne est de 80% du PIB, une situation « inconnue en temps de paix ». En outre, le vieillissement démographique va entraîner des dépenses publiques supplémentaires en termes de retraite et de santé, et une baisse de la population en âge de travailler, donc moins de revenus pour assurer ces dépenses… Graduellement, suivant la gravité de la situation de chaque pays, les investisseurs ont exprimé leur scepticisme quant à la capacité des Etats aux déficits et dettes les plus élevés de faire face à leurs engagements. En conséquences, ces Etats ont de plus en plus de mal à se financer. Ils manquent de liquidités et sont sous la menace d’une insolvabilité. Une double crise à laquelle les institutions de la zone euro n’étaient pas préparées.
Face à l’ampleur des dégâts, l’Union européenne a fini par proposer dimanche un plan anticrise qui comprend cinq volets : 1/ L’Union européenne dote la Commission d’une capacité d’endettement de 110 milliards d’euros au total (garanti par le budget européen de même taille), 2/ la zone euro accorde des garanties bilatérales pour un montant de 440 milliards d’euros, 3/ le FMI ouvre une ligne de crédit estimée à 220 milliards d’euros, 4/ la BCE s’engage à de racheter la dette souveraine, et enfin 5/ la zone euro opte pour le renforcement de la discipline budgétaire. L’ensemble du paquet généralise un mécanisme de secours, assorti de conditionnalités en termes de réduction des déficits, afin de rétablir une situation soutenable et de pallier le manque de financement des investisseurs face au risque de défaut (la crise de liquidité), ce qu’on comprend bien. Développons maintenant ces différents points.
Les interventions de la BCE visent à restaurer la liquidité du marché de la dette d’état. Elles consistent à racheter la dette souveraine sur le marché, de façon importante, pour restaurer le fonctionnement de ce marché : alors qu’il n’y avait plus d’acheteurs de certaines dettes (les investisseurs se méfiant de la capacité des états à les rembourser), la BCE se substitute à ces investisseurs afin de recréer un marché où les vendeurs peuvent faire face à des acheteurs, et ainsi restaurer des prix correspondant à un certain équilibre offre-demande. Les interventions de la BCE n’ont pas de plafond officiel, afin que le marché ne soit pas limité (et ces limites éventuellement testées par les marchés). Parallèlement, la BCE s’engage à fournir de la liquidité pour les banques, afin de leur permettre d’opérer normalement car lorsque les banques ne trouvent pas de liquidité parce que l’on pense qu’elles détiennent trop de ces dettes « à risque », elles ne peuvent plus prêter.
Le volant de 440 milliards d’euros ne concerne a priori que les pays de la zone euro : ceux-ci garantiraient la dette des pays souverains en difficulté de financement, sous réserve de l’approbation des parlements nationaux, comme cela a été le cas pour le financement du plan grec. Il crée de facto une solidarité des pays de la zone euro, même si elle est temporaire (les prêts ayant vocation à aider le financement pendant l’ajustement et ne sont pas des transferts comme dans un état fédéral). C’est une réponse à la crise de solvabilité puisque ces prêts seraient assortis de programmes détaillés de réduction des déficits.
Afin d’éviter de présenter ce plan comme une offre de soutien à tous les Etats, quelque soit leur situation, la procédure européenne de financement serait assortie d’une discipline budgétaire renforcée qui vise à restaurer la solvabilité des états en difficulté. Ainsi le 12 mai la Commission présentera un nouveau cadre de discipline et surveillance budgétaire avec également les prémices d’un cadre de résolution de crise permanent.
L’ampleur du plan a agréablement surpris les marchés. Mais un double doute subsiste chez les investisseurs : ils s’inquiètent toujours de la capacité des Etats à rembourser (la question de solvabilité n’apparaît pas complètement résolue). Ils s’inquiètent aussi de la capacité des membres de l’union monétaire à prendre soin de leur bien commun qu’est l’euro. Or ce double doute ne pourra être levé qu’à deux conditions. Il faut d’une part que les Etats membres démontrent le sérieux de leur stratégie pour restaurer la solidité de leurs finances publiques, et d’autre part que la zone euro confirme sa détermination à éviter une récidive.
Dans la foulée du plan, plusieurs Etats ont annoncé des objectifs supplémentaires de réduction de leurs déficits. Mais il y a déjà eu beaucoup de promesses d’ajustement qui n’ont pas été suivies d’effets. Il faut donc maintenant que les Etats précisent leur stratégie, qu’ils affichent leurs priorités et ajustent dépenses et recettes, avec des objectifs détaillés pour chaque mesure afin que ces stratégies puissent être véritablement évaluées, avec autant de transparence que possible, un peu comme l’Irlande l’a fait dès le printemps 2009.
Ensuite, les pays de la zone euro doivent accepter d’envisager toutes les possibilités de crise et les différents moyens d’y faire face. Le Plan présenté ce week-end est assorti de conditions type FMI, comme demandées à la Grèce, pour chaque état qui y aura recours. C’est un premier pas de gestion plus active, en réponse à la reconnaissance que la surveillance budgétaire puisse ne pas avoir fonctionné (ce qui n’était pas envisagé jusqu’à présent ; on pensait que la dissuasion du Pacte de Stabilité serait suffisant). Il faut maintenant aussi admettre la possibilité qu’un pays n’arrive pas à réaliser l’ampleur de l’ajustement demandé, et envisager les mesures à mettre en œuvre dans ce cas. Ces mesures peuvent être des sanctions plus crédibles et contraignantes que les actuelles (qui n’ont jamais été utilisées, même en cas de manquement marqué au Pacte comme c’était le cas de la Grèce en 2004-2005), comme une suspension automatique des votes au Conseil des Ministres européens.
Faut-il aller jusqu’à envisager deux thèmes qui agitent les investisseurs : la restructuration de la dette ou une exclusion de la zone euro ? La restructuration n’a de sens que si le déficit est déjà réduit : restructurer est faire défaut sur une partie de la dette et donc suscite la méfiance des investisseurs. Si le déficit demeure élevé, ceux-ci seront encore plus méfiants. Seulement si le déficit a été réduit de façon drastique et les investisseurs ont négocié une restructuration dans laquelle ils ne se sentent pas trop lésés, une restructuration aura du sens pour aider le pays à finir d’ajuster. Une restructuration forcée utilisée comme une sanction rendra encore plus difficile un ajustement.
Une exclusion temporaire de la zone euro reviendrait à admettre que cette zone n’a pas vocation à être pérenne, que l’on entre et sort au gré de ses difficultés, ce qui en fragiliserait la construction. Une telle sanction –outre les difficultés de mise en œuvre pratique- reviendrait aussi à forcer un défaut (la monnaie dévaluée par rapport à l’euro rendant la dette trop énorme pour envisager de la rembourser) de façon brutale et désordonnée, mettant donc le pays encore plus à mal. A moins de considérer une telle sanction comme une « arme de dissuasion nucléaire », elle n’a pas de sens.
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