PISA 2022: où en est la France? edit
Les résultats de la vague 2022 de la fameuse enquête de l’OCDE sur les compétences scolaires des enfants de 15 ans viennent d’être publiés. À nouveau, ils ne sont pas encourageants pour la France. Petite consolation, le niveau a baissé à peu près partout dans le monde. Un effet, sans doute, au moins partiellement, de la crise sanitaire et de la fermeture des classes qui l’a accompagnée. Mais le niveau a plus baissé en France que dans la moyenne de l’OCDE et surtout, dans le classement des pays, la France demeure à un niveau très bas au regard de son niveau économique. Elle occupe ainsi la 26e place en mathématiques (derrière des pays beaucoup moins riches comme la Pologne, la République tchèque ou la Slovénie) ; la 28e place en compréhension de l’écrit, en dessous de la moyenne de l’OCDE (et toujours derrière la Pologne et la République tchèque, mais aussi l’Italie et le Portugal) ; et la 26e place en sciences.
Une inégalité persistante mais qui n’explique pas la baisse générale des performances
La France conserve par ailleurs le triste privilège d’être un des pays les plus inégalitaires en matière d’acquisition des compétences, comme le montre la figure 1 portant sur 13 pays européens ainsi que les États-Unis. La France est (avant l’Allemagne) celui dans lequel la variation des performances des élèves en mathématiques s’explique le plus par le milieu socioéconomique des élèves. Cela dit, la baisse de performances entre 2018 et 2022 a touché à peu près également les élèves issus de milieu favorisé et les élèves issus de milieu défavorisé. Par ailleurs, en mathématiques, le pourcentage d’élèves français les plus performants (au niveau 5 au moins) est inférieur à la moyenne de l’OCDE (7% contre 9%). Il est donc important de garder à l’esprit que le déclin est général et ne peut s’expliquer uniquement par le sort fait aux élèves les moins favorisés.
Figure 1. L’inégalité socioéconomique dans les performances en mathématiques
Sur le plan des inégalités de résultats liées à l’origine nationale, on constate d’abord que cet effet de l’origine est négatif (sur les performances en mathématiques analysées plus spécifiquement dans cette vague) dans presque tous les pays, même en contrôlant le milieu socioéconomique des élèves (figure 2). Sur le même échantillon de pays que celui présenté dans la figure 1, la France se situe dans une position moyenne, mais également défavorable. Il est assez remarquable de constater que deux pays anglo-saxons, le Royaume-Uni et les États-Unis, se distinguent par un écart de performance favorable aux élèves d’origine immigrée. C’est l’inverse dans les pays nordiques (malgré leur réputation de bonnes performances éducatives), très peu favorables à la réussite des élèves d’origine immigrée.
Si on excepte la Suède et l’Allemagne, les pays à forte présence d’élèves immigrés ont un écart de réussite plus faible (par rapport aux natifs) que les pays à faible présence d’élèves immigrés. Ce résultat semble plutôt contredire l’idée que la plus faible réussite des enfants d’immigrés tient en partie à leur poids relatif important dans la population scolaire, ce qui constituerait un frein à leur assimilation culturelle. Peut-être au contraire cette présence importante et ancienne constitue-t-elle un adjuvant à l’acculturation du système scolaire, à l’accueil et à l’éducation de ces populations. Une hypothèse optimiste qu’il conviendrait évidemment de valider plus sérieusement.
Figure 2. Ecart de performance en mathématiques entre les élèves natifs et les élèves d’origine immigrée en 2022 (PISA)
Quels facteurs explicatifs?
Les causes du décrochage français sont évidemment complexes et multiples. On ne fera dans ce papier qu’évoquer les principaux facteurs que met en avant l’OCDE pour identifier les systèmes éducatifs résilients, c’est-à-dire ceux qui parviennent à la fois à amortir des chocs externes comme celui de la crise du COVID 19, et à préparer au mieux les défis de même nature qui peuvent survenir à l’avenir. L’OCDE identifient trois facteurs de résilience : la performance (ici en mathématiques), l’équité et le bien-être.
Figure 3. Les systèmes éducatifs résilients (OCDE, 2022[1])
La France n’appartient à un système éducatif résilient que dans un seul domaine, celui du bien-être, mais ce n’est le cas ni dans le domaine de la performance, ni dans celui de l’équité (comme on l’a vu précédemment). Les pays asiatiques sont ceux qui cumulent le plus de facteurs de résilience (notamment le Japon, la Corée du Sud et Taïwan). Un seul pays européen, la Lituanie, fait partie de ce groupe.
Mais quels sont les facteurs que met en avant l’OCDE pour caractériser les systèmes éducatifs résilients ? Tout d’abord, en réponse au COVID-19, ces systèmes éducatifs ont évité de fermer leurs écoles pendant une trop longue période. Et lorsque les écoles ont été fermées, leurs élèves trouvaient de l’aide pour poursuivre leurs apprentissages (accès informatique, aide au travail scolaire).
Sur un plan plus général, ces systèmes se caractérisent également par un soutien parental plus fort et par un climat scolaire favorable aux apprentissages et au bien-être. L’OCDE cite l’exemple du Japon où seulement 4% des élèves disent être dérangés par des camarades qui utilisent leur téléphone portable ou un autre appareil numérique durant les cours (27% en France !). Dans ces systèmes résilients, les professeurs informent régulièrement les parents des progrès de leurs enfants pour maintenir leur implication dans les apprentissages de leurs enfants. Le tutorat par les pairs y est aussi souvent pratiqué (c’est le cas de 4 élèves sur 5 en Lituanie), comme le mentorat des professeurs (c’est-à-dire le fait d’associer un ou plusieurs enseignants expérimentés à un enseignant débutant pour faciliter son entrée dans le métier). Bref, des systèmes qui associent plus étroitement tous les acteurs et les font coopérer à la réussite des élèves.
Ces systèmes résilients, dit l’OCDE, se distinguent également par le fait d’éviter que les élèves soient orientés trop précocement dans des filières spécifiques (tracking disent les anglo-saxons), ce que pourtant veut faire l’actuel ministre de l’Éducation en France.
Enfin, et peut-être surtout, les systèmes résilients se distinguent par leur approche de la gouvernance scolaire, en s'appuyant davantage sur l'évaluation interne et l'auto-évaluation pour assurer la qualité de l’enseignement et en laissant davantage d’autonomie aux établissements dans la gestion des moyens et dans la mise en œuvre du curriculum.
L’OCDE note dans son rapport que cette tendance à accorder plus d’autonomie aux établissements scolaire – dans le curriculum, dans l’allocation des ressources y compris dans le recrutement et l’éventuel renvoi des professeurs – s’était développée depuis quelques dizaines d’années dans de nombreux systèmes éducatifs et qu’elle était associée à de meilleures performances. Dans ces pays, ce sont les chefs d’établissements qui endossent cette responsabilité (qu’ils n’ont pas en France). Sur l’index d’autonomie calculé par l’OCDE, la France est effectivement très basse (un peu en dessous de l’Allemagne). Les pays à l’index d’autonomie le plus élevé sont les Pays-Bas, les pays asiatiques (le Japon notamment), certains pays de l’est européen et les pays baltes et une bonne partie des pays anglo-saxons (le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande notamment).
Quelles relations entre l’autonomie et les performances éducatives?
En analysant les relations entre l’organisation des systèmes éducatifs sous l’angle de l’autonomie dont disposent les chefs d’établissements et les enseignants et les performances en mathématiques[2], le rapport de l’OCDE conclut à un lien positif concernant les responsabilités en matière de ressources humaines (embauches, licenciements, salaires), comme en matière de curriculum et d’évaluation.
Le rapport conclut que « dans l'ensemble, ces résultats indiquent que les systèmes scolaires très performants accordent plus de responsabilités aux directeurs d'école et aux enseignants ». Mais il ajoute un point important : on ne peut établir de liens de causalité directe entre l’autonomie des établissements et la réussite éducative. Si l’autonomie est instaurée sans mécanismes d’évaluation et sans que les professeurs et la direction des établissements soient suffisamment bien formés pour tirer avantage de ces responsabilités, le résultat attendu ne sera pas au rendez-vous. Plus d’autonomie est sûrement souhaitable, mais ce n’est pas la solution miracle.
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[1] OECD, PISA 2022 Results (Volume II): Learning During – and From – Disruption, PISA, OECD Publishing, 2023.
[2] Voir le rapport cité pages 214-216.