Rapport du COR : alarmant, oui, alarmiste non ! edit
Alors que la France s’apprête à lancer un débat sur la réforme des retraites, la polémique enfle. Certains à gauche jugent les projections du COR « trop alarmistes », et la tentation existe de faire passer les paramètres de trois (âge, cotisations, taux de remplacement) à un : les cotisations. En réalité, loin d’être alarmistes les prévisions du COR sont optimistes à court terme. Par ailleurs, faire porter tout le poids de la réforme sur les cotisations est inefficace. Une meilleure lisibilité de notre système et une plus grande équité s’imposent donc.
Distinguons d’abord prévisions à 2050 et prévisions à 2020. Utiliser des projections à 2050 pour parler d’un rapport alarmiste est fallacieux. En revanche se pencher sur les 10 prochaines années est non seulement instructif mais urgent. Quelles sont ces hypothèses ?
1. Un retour à un taux de chômage de 4,5% d’ici à 2020 : on n’a pas vu cela depuis le premier trimestre 1975 ! Et cela correspond à environ 1,4 millions net d’emplois créés sur les dix prochaines années… Un retour à 7% qui est le scénario le plus négatif du COR ne s’est pourtant produit que très peu de fois et pendant fort peu longtemps.
2. Un taux de croissance de la productivité entre 1,5 et 1,8%. Il s’est établi à 1,6% en moyenne sur les quinze dernières années… Les prévisions des organisations internationales sur la productivité étant bien plus « alarmistes » avec les effets du vieillissement : elles sont évaluées pour la France à 1,5% par an en moyenne.
En fait les hypothèses macroéconomiques du COR sont singulièrement optimistes au regard des performances de l’économie française ces trente dernières années.
À partir d’un solde négatif de près de 10 milliards d’euro pour notre système de retraite en 2008, à l’horizon 2015, le COR estime que le besoin de financement du système de retraite serait de l’ordre de 40 milliards avec peu de variations dans les trois scénarios macroéconomiques (le déficit est estimé entre 1,7 point de PIB et 2,1 points de PIB selon les scénarios).
Ces besoins sont calculés à paramètres inchangés (âge de la retraite, taux de cotisation et taux de remplacement). Dans ce cas, le taux de prélèvement apparent de l’ensemble du système de retraite, défini comme les recettes du système rapportées aux rémunérations brutes, est alors estimé à 28,8 points en 2089.
Peut-on parler d’alarmisme ? Oui les chiffres sont alarmants, d’autant plus qu’ils n’envisagent pas de scénario « gris » ou la productivité ralentirait plus que prévu et le chômage serait plus difficile à enrayer. Mais parler d’alarmisme est un bien mauvais procès que l’on fait au COR.
En réalité, il faut distinguer le débat concernant la réduction des déficits et soutenabilité du système de celui sur l’équité et la lisibilité de notre système de retraites. Enrayer la croissance du déficit de notre système de retraites relève du premier point. Pour cela, on dispose de trois leviers : l’âge de départ en retraite, le taux de cotisation, et le taux de remplacement (retraite moyenne versée rapportée au salaire moyen). Une autre question est celle de la l’équité et de la lisibilité du système, ce qui inclut les conditions de travail, l’espérance de vie et même le débat répartition, capitalisation, comptes notionnels.
Ce que le COR montre est que pour équilibrer le système à l’horizon 2020, dans le scénario le plus favorable, il faut soit une hausse des cotisations d’au moins 5 points (rappelons que le taux de prélèvement initial est de 28,8%), soit une baisse du rapport entre pension moyenne nette et revenu moyen d’activité de 22 %, soit décaler l’âge de la retraite de 4 ans par rapport à 2008 (à près de 64 ans donc).
Le moins douloureux est bien sûr de répartir l’effort sur ces trois variables d’ajustement. Tous les pays de l’OCDE ont repoussé l’âge de la retraite parce que tous ont conscience que l’activité des seniors est un enrichissement et un facteur de croissance ; pour ne pas rompre le pacte social établi, cela peut être progressif, mais il est néanmoins nécessaire et positif de laisser les gens travailler plus longtemps… et c’est aussi un moyen d’imposer aux entreprises une autre gestion de la vie professionnelle.
Le taux de cotisations est déjà élevé en regard des autres pays et vient s’ajouter à un coût du travail parmi les plus élevés des pays de l’OCDE : quand on essaie de créer 1,4 millions d’emplois (hypothèses favorable du COR qui rapporterait le taux de chômage à 4,5%), alourdir le coût du travail est irréel. En revanche, imposer des contributions aux autres revenus, qui échappent encore à l’impôt, peut contribuer à rétablir l’équilibre du système.
Le taux de remplacement peut aussi être abaissé en fonction des revenus, surtout pour les revenus les plus élevés, ce qui aussi l’effet d’accentuer la redistributivité du système.
Pérenniser le système, en assurer l’équité en dépit des différences d’espérance de vie et des conditions de vie professionnelle, demande de changer le système illisible qui est le nôtre. Aujourd’hui personne n’est à même d’estimer de combien sa retraite sera, et les 13% de PIB que représentent les cotisations retraites sont considérées comme un impôt supplémentaire plutôt que comme une épargne. Même si avec optimisme on peut penser régler la question arithmétique du déficit, il serait bien plus important d’aller plus loin en redonnant un sens à l’épargne retraite et en assurant à chacun un système clair et visible sur le long terme.
Le système de répartition par point (à la « suédoise ») accroît la lisibilité du système, assure un équilibre permanent et tient compte des différentiels d’espérance de vie, et donc de pénibilité du travail. Chaque salarié cumule des droits de cotisation tout au long de sa vie et quand il part à la retraite, il bénéficie de l’ensemble de ces droits de cotisation. Pour calculer sa retraite mensuelle, il suffit de diviser les droits de cotisation par l’espérance de vie. Donc, il est lisible, chacun sait de quoi il va bénéficier plus tard. Ce système tient compte de l’allongement de la durée du travail tout comme de la pénibilité du travail (puisque la pension mensuelle est fonction du temps qui reste à vivre). Enfin, le rendement des cotisations peut être modulé avec les conditions de croissance, ce qui permet au système de s’équilibrer avec les conditions macro-économiques. Il serait dommage de s’interdire toute réflexion sérieuse à ce sujet.
Pour conclure, passer à ce système ne résout pas le problème du déficit dans le court terme et donc n’épargne pas la réflexion sur les trois paramètres. En revanche, réviser d’une part les paramètres pour enrayer la croissance des déficits à court terme, et ensuite réfléchir sur l’ensemble de la structure, permettrait d’établir une stratégie durable et solide. Faire porter tout le coût de l’ajustement aux cotisations n’est pas viable à moyen terme et nuirait encore un peu plus à la croissance, en alourdissant – encore ! – le coût du travail.
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