Fukushima rouvre le débat nucléaire en Europe edit
L’accident de la centrale de Fukushima a secoué l’Europe de l’énergie et souligné à nouveau les faiblesses de la politique énergétique européenne. La question du nucléaire est un des points sensibles sur lesquels les États membres n’arrivent pas à s’accorder. La séquence actuelle débouchera-t-elle sur des progrès ?
L’Allemagne a été la première à annoncer un moratoire de trois mois sur la prolongation de la durée de vie de ses plus anciens réacteurs nucléaires. Le gouvernement de coalition conduit par Angela Merkel va ainsi contre une promesse électorale forte, contraint par l’opinion publique et par des facteurs de politique interne, comme l’élection dans le Bade-Wurtemberg. Le gouvernement italien vient de déclarer un moratoire d’un an sur la reprise du programme nucléaire civil. Le gouvernement français annonce des inspections de ses centrales, mais aucune intention de sortir du nucléaire. Pour autant, le débat sur les risques associés au nucléaire a été plutôt vif en France, même si l’opinion publique est assez favorable à ce type d’énergie qui présente des avantages économiques et stratégiques certains.
Il existe dans l’UE des perceptions différentes du nucléaire et cela malgré l’existence de la Communauté Euratom, pourtant à la base de l’intégration européenne. Suite à l’incident de Fukushima, le Commissaire à l’énergie Günther Oettinger a proposé la tenue dans la deuxième moitié de 2011 de tests de résistance des centrales existantes, mais sur une base volontaire. Les critères de ces tests seront proposés par l’ENSREG, le groupe de régulateurs de la sécurité nucléaire européenne. Malgré leur caractère volontaire, il est difficile de croire que les États membres ne les mèneront pas, dans le contexte actuel où les opinions publiques nationales sont devenues beaucoup plus averses au risque nucléaire qu’auparavant. Pour autant, si nous analysons bien le discours officiel des États membres, lors du dernier Conseil « Énergie », il est fait mention du « désir commun de lancer un processus pour définir le risque global et l’évaluation de la sécurité des centrales nucléaires en Europe ». Même au niveau de la dialectique, les États membres ne sont pas parfaitement d’accord.
L’enjeu est de taille, car même si les États membres sont les seuls responsables de la définition de leur bouquet énergétique national, les actions d’un d’entre eux, a des répercussions sur la totalité du marché européen et notamment sur les pays voisins. La décision allemande de fermer, pour trois mois, sept réacteurs n’a pas des conséquences à court terme, car des capacités supplémentaires sont disponibles aux interconnecteurs et la consommation d’électricité n’est actuellement pas à son niveau le plus élevé. À plus long terme, elle peut se traduire par un désavantage compétitif pour l’industrie allemande et par une augmentation des prix payés par les consommateurs allemands.
L’incident de Fukushima a rouvert le débat sur le bouquet énergétique européen, car au-delà de la question de la sûreté et des tests de résistance, se cache un profond désaccord sur une éventuelle sortie du nucléaire, comme le désire l’Allemagne. La question est d’autant plus sensible que le nucléaire permet à certains États membres de remplir leurs objectifs liés à réductions de gaz à effet de serre. Et leur assure une diversification des sources d’énergie qui contribue à diminuer le risque lié aux crises externes. C’est notamment le cas des anciens pays communistes qui ont tous prévu d’augmenter leur capacité dans le nucléaire civil. La France, avec ses 58 réacteurs, est un cas à part et aucune décision ne pourra être prise au niveau européen sans la volonté de la France de sortir progressivement du nucléaire. Car la question de la sortie du nucléaire suppose celle des énergies de transition. Les énergies renouvelables ne peuvent pas, au stade actuel de leur développement, prendre le relai du nucléaire, n’étant pas encore assez compétitives en termes de prix. Il faut aussi souligner le caractère intermittent de ces énergies qui doivent être complétées par un autre mode de production d’électricité. Le gaz apparaît comme la seule énergie de transition en accord aussi bien avec les objectifs environnementaux qu’avec les impératifs économiques et sécuritaires.
Mais la situation est bien plus complexe. Il est fort probable que le Japon augmente considérablement sa consommation de GNL, pour combler un arrêt partiel/total de ses capacités nucléaires. À cela s’ajoute la situation instable dans le sud de la Méditerranée, qui pourrait avoir des conséquences importantes sur certains États membres, dont l’Italie, qui importe beaucoup de gaz algérien. Des simulations ont montré que l’Italie pourrait tenir trois mois en cas d’arrêt total des livraisons de gaz algérien. Une augmentation des importations de gaz accroît par ailleurs la dépendance de l’UE et de certains de ses États membres envers des fournisseurs externes.
La question du bouquet énergétique européen ne trouvera pas sa réponse tout de suite. C’est une question trop complexe et trop politique, car elle touche de près à la souveraineté nationale des États membres. Pour parvenir à un compromis à long terme, il est nécessaire que les États membres s’engagent avec plus de vigueur à atteindre les objectifs liés à l’augmentation de l’efficacité énergétique et à la réalisation effective du marché intérieur de l’énergie à l’horizon 2014. Dans la négociation pour les prochaines perspectives financières 2013-2017, les États membres devraient se mettre d’accord sur une augmentation substantielle du budget accordé à la recherche en matière énergétique. Cela pourrait être une des manifestations de l’esprit de solidarité introduit par le Traité de Lisbonne. La politique énergétique européenne aurait ainsi avancé, poussée par des événements externes qu’elle subit sans contrôler.
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