Sarkozy cherche à parler aux marchés sans décevoir ses électeurs edit
Une taxe sur le vice, une autre sur la santé, une troisième sur les ultra-riches, un coup de rabot sur les niches et une mini contraction de la dépense publique : telle est la recette trouvée par Nicolas Sarkozy pour rassurer Angela Merkel, calmer les marchés et préparer les prochaines élections. Si le détail des mesures évoque un inventaire à la Prévert, il reste à expliquer comment on atteint ou pas les objectifs assignés à ce plan de consolidation budgétaire et surtout comment on satisfait ou non le peuple des marchés et le peuple français.
Préparer un budget crédible supposait d’abord d’abandonner les hypothèses de croissance irréalistes (2,5% avant révisions) sur lesquels avait été bâtie la trajectoire de réduction des déficits publics : 5,7 % en 2011, 4,6% en 2012, 3% en 2013. Or cette maîtrise des déficits est devenue avec le temps un principe cardinal, le gage irremplaçable de la rigueur budgétaire offert aux marchés. On peut trouver la révision insuffisante, notamment après les épisodes de l’été où à nouveau le risque récessioniste a été évoqué. Mais on doit rappeler qu’avant l’été, le gouvernement soutenait contre l’évidence du consensus des économistes, contre l’avis de nombre de députés de la majorité et malgré les doutes émis par la Commission Européenne que ses hypothèses de croissance étaient réalistes et que l’ajustement fiscal à réaliser serait minime.
S’agissant à présent de l’ampleur de l’ajustement fiscal prévu pour tenir compte du ralentissement économique (11 milliards de recettes nouvelles), on peut s’étonner qu’il ne concerne que 2012 et que rien n’ait été fait pour crédibiliser la démarche de l’État au delà de cette date. Cela peut surprendre d’autant plus que la Cour des Comptes l’a réclamé sans succès depuis longtemps et qu’un événement nouveau est intervenu cet été : la contagion à la France de la crise des dettes souveraines des pays périphériques de la zone euro. Le gouvernement peut considérer que le compromis du 21 juillet suffira à calmer les marchés, on sait déjà qu’il n’en sera rien.
En fait les enjeux de politiques publiques ne constituent qu’une partie du problème que le gouvernement entend traiter. La feuille de route assignée aux ministres des Finances et du Budget était simple, faire le nécessaire pour tenir jusqu’aux élections. La révision des perspectives de croissance et l’accroissement des recettes étaient nécessaires mais il fallait caler les objectifs sur mai 2012 et pas au-delà. La théâtralisation de la « règle d’or » avait une double vertu : manifester une adhésion verbale à la culture de la stabilité et semer la zizanie au PS. Là aussi l’opération peut réussir tant la gauche a du mal à gérer sa rhétorique socialiste d’opposition et son esprit de responsabilité au pouvoir, mais en faisant adopter une fausse règle d’or par les deux chambres et en ne faisant jusqu’ici aucune ouverture réelle aux socialistes le président a partiellement manqué son coup.
Une fois la feuille de route définie, les règles du jeu posées, il fallait remplir les cases et trouver les 11 milliards nécessaires en jouant sur les dépenses à comprimer et les recettes à trouver.
Remettre en cause des dépenses votées, même sous forme d’un échenillage budgétaire classique fut rapidement écarté, restait donc à trouver des recettes nouvelles.
Là aussi les multiples rapports de l’Inspection des finances et de la Cour des comptes sur les niches, la volonté de donner des gages éventuels à l’opposition pour favoriser l’adoption de la règle d’or par le Congrès, auraient pu conduite à remettre en cause les niches heures supplémentaires défiscalisées : TVA réduite sur la restauration, TOM-DOM, Copé, etc. S’avisant que derrière chaque niche, il y avait un groupe organisé et/ou une clientèle électorale, le gouvernement décida de ne pas décider et choisit vaillamment la politique du coup de rabot indifférencié sur un sous-ensemble de niches.
Comme le compte n’y était pas, le gouvernement eut recours à ce qu’on appelait sous la IVe république « les recettes de poche » à savoir les taxes sur les tabacs et alcools auxquels il ajouta la taxe sur les boissons à sucres ajoutés.
Mais une lecture plus attentive permet de découvrir dans le fatras des mesures prises des mesures suggérées par le PS qui ont le double mérite de contribuer au plan de consolidation tout en privant la gauche d’arguments électoraux. La taxation des ultra-riches, le rapprochement des taxations des revenus du capital et du travail et l’alourdissement de la taxation des plus-values immobilières en constituent les principales pistes.
La taxation provisoire des ultra-riches est certes dérisoire mais elle prépare le terrain à une réforme de l’IRPP qui rétablira une plus forte progressivité.
L’alourdissement de la CSG sur les revenus du capital est devenue rituelle mais, combinée à l’alourdissement de la taxation des plus values immobilières, elle contribue au rapprochement de la taxation du travail et du capital.
On ne sait ce qui l’emportera dans l’esprit du public, l’effet de légitimation d’une taxation plus lourde des hauts revenus et des patrimoines ou l’habileté électorale. Une chose est sûre, les manifestations épistolaires des ultra-riches pour une taxation plus forte rencontrent une aspiration forte du public
Cet épisode budgétaire constitue un test grandeur nature de la capacité du gouvernement à satisfaire par un même ensemble de mesures le peuple des marchés et le peuple français. Il permettra de vérifier si l’actuelle majorité a pris ou non l’ascendant sur la gauche dans le domaine de la lutte contre les déficits. Enfin on pourra vérifier après les prochaines élections si les orientations fiscales esquissées à l’encontre des « riches » sont confirmées ou non.
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