La fusion IRPP-CSG: un vrai-faux débat edit
Dans la partie de bonneteau qui tient lieu de débat politique entre le PS et le gouvernement, la fusion IRPP-GSG précédée par le prélèvement à la source (PAS) est la nouvelle grande querelle, celle qui décide de l’appartenance à la gauche citoyenne ou pas.
Précisons d’emblée que le Prélèvement à la source (PAS) est une technique de collecte de l’impôt et non un changement de philosophie fiscale comme avec la fusion IRPP-CSG.
Le PAS est utilisé dans nombre de pays voisins. Il a pour mérite d’effacer le décalage dans le temps entre revenu perçu et revenu taxé ce qui rend plus lisible et plus prévisible l’impôt, il dispense de la constitution d’une épargne de précaution et évite les désagréments liés aux changements de situation fiscale d’une année sur l’autre. À l’inverse le PAS soulève trois problèmes, celui de la confidentialité des données puisque le tiers employeur est mis à contribution, celui de l’année blanche puisque la suppression du décalage d’un an dans la perception de l’impôt fait perdre un an de revenus au fisc et enfin celui de l’imposition de charges nouvelles aux entreprises transformées en collecteur d’impôts.
Aucune de ces objections techniques n’est insoluble et du reste les expériences étrangères fournissent nombre de techniques transposables. La décision prise à de multiples reprises d’instaurer le PAS par des gouvernements de gauche et de droite a buté sur la mauvaise volonté de Bercy mais aussi sur la généralisation du prélèvement mensuel et de la généralisation des déclarations pré-remplies.
La fusion IRPP-CSG est d’un autre ordre. Elle offre une solution radicale et simple à nombre de problèmes d’inéquité du système actuel. Elle permet de supprimer toutes les niches fiscales puisque le nouvel impôt perçu à la source ne permet pas d’imputer sur l’impôt à payer les exonérations liées à des niches spécifiques. Elle fait bénéficier l’IRPP d’une assiette large et non mitée qui est celle de la CSG. Elle permet de taxer les revenus du capital comme ceux du travail aux même taux et sur la même base. Elle rend progressive la CSG puisque le nouvel impôt comporte un barême. Impôt individuellement perçu, il permet de supprimer le quotient familial et le quotient conjugal permettant ainsi qu’un enfant de pauvre ne soit pas fiscalemant favorisé par rapport à un enfant de riche. Il contribue aussi à supprimer le quotient conjugal ce qui permet de ne pas privilégier fiscalement les ménages mariés.
Pourtant ces avantages sont en trompe-l’œil et masquent de redoutables problèmes. Les 191 niches de l’IRPP représentent 35 milliards d’euros soit près de 60 % de son produit. Supprimer toutes les niches liées à l’impôt sur le revenu ne nécessite en rien de fusionner IR et CSG. Il suffit d’avoir l’audace politique de le décider. À l’inverse fusionner IR et CSG peut légitimement conduire à prévoir des abattements pour les petits revenus. Mais une telle décision se traduirait par une perte d’efficacité du nouvel impôt par rapport à la CSG actuelle qui est d’un excellent rendement. De plus fusionner deux impôts l’un, la CSG, affecté à la protection sociale, bien accepté à base dynamique et non mitée, et l’autre, l’IRPP, contesté, d’un médiocre rendement et affecté à l’État conduira fatalement à la pollution du bon impôt par le mauvais.
Par ailleurs, rien dans la littérature théorique ne vient justifier que la taxation des revenus du capital soit identique à celle du travail comme le confirment en pratique nombre de cas étrangers, dont le suédois. Enfin la question de l’imposition des travailleurs frontaliers, de la détermination des taux moyens d’imposition, de l’organisme chargé du prélèvement à la source (Assedic ou DGFip) et du décalage d’une année entre revenu et IR qui n’existe pas pour la CSG posent de redoutables problèmes politiques ou techniques.
Par ailleurs, il est souvent recommendé en théorie fiscale de séparer les prelèvements visant un financement général des dépenses, comme la CSG, et ceux ayant pour finalité la correction des inégalités, comme l’IRPP. La fusion en un seul prélèvement de dispositifs relevant de ces deux finalités peut rendre plus difficile de satisfaire les deux objectifs visés.
Au total, la fusion crée autant de problèmes nouveaux qu’elle est censée en régler d’anciens.
Si l’objectif est de supprimer le caractère familial et conjugal de notre IRPP pour passer à une taxation individualisée nul besoin de la fusion IRPP-CSG il suffit de le décider et d’expliquer que la famille cesse d’être le foyer fiscal de base !
Si l’objectif est de rendre progressive la CSG alors décidons-le et expliquons surtout comment les pertes de recettes provoquées par cette décision seront compensées, c’est-à-dire comment l’impôt sera alourdi pour les classes moyennes !
Si l’objectif est de taxer les revenus du capital comme les revenus du travail , le résultat a déjà été obtenu avec la réforme décidée par François Hollande au début de son quinquennat avec les effets néfastes constatés en matière de compétitivité fiscale !
Si l’objectif est de rogner les avantages du quotient familial en les soumettant à un critère de revenu, c’est déjà le cas et c’est de surcroit un élément d’éxaspération des classes moyennes qui se plaignent de l’alourdissement de l’impôt !
Si l’objectif est de supprimer les redondances source d’inefficacités et de surcouts entre perception par l’ACOSS et perception par la DGFip, alors que le gouvernement le décide et qu’il l’explique aux personnels surnuméraires du ministère des Finances !
À l’inverse, accroître la progressivité de l’impôt sur le revenu passe par la suppression ou une forte limitation des niches fiscales et la création éventuelle de tranches nouvelles à l’IRPP ce qui portera à 62% le taux de taxation marginal CSG incluse pour une nouvelle tranche à 50%.
Le caractère insuffisamment redistributif de la CSG peut être corrigé en renforçant le RSA et la PPE. Ainsi le nouvel impôt sur le revenu comporterait un étage proportionnel (la CSG), un étage progressif (l’IRPP redéfini) et un impôt négatif élargi aux jeunes (RSA et PPE fusionnés). Le rendement de ce nouvel impôt dépend alors de la suppression des niches fiscales.
Idéalement, un gouvernement volontaire devrait prendre une mesure radicale de suppression de toutes les niches fiscales, non pour éliminer des dépenses qui peuvent être utiles mais pour interdire les manipulations d’assiette et pour s’obliger à expliciter sa politique devant le Parlement appelé à voter chaque année les dépenses nécessaires. Si une telle mesure se révélait impossible à mettre en œuvre alors il faudrait programmer l’extinction des niches en étendant le dispositif actuel de plafonnement et de rabotage des niches. Le principe en est simple : une enveloppe globale de déductions fiscales est accordé à chaque ménage qui l’utilise à sa guise. Cette enveloppe est révisée à la baisse chaque année. Le Parlement saisi des résultats du choix des Français dans l’usage qui est fait des niches élimine année après année les moins utilisées.
Par quelque bout qu’on prenne le problème, le débat lancé par les frondeurs et légitimé par Jean-Christophe Cambadélis est contreproductif. Il évacue le seul débat qui vaille à savoir le niveau de dépenses publiques et socialisées dans un contexte marqué certes par des préférences collectives fortes des Français pour la redistribution, mais aussi par les contraintes de la concurrence fiscale. Il accrédite l’idée que par une mesure technique on peut réduire les impôts des plus faibles et faire ainsi de la redistribution indolore. Il installe durablement la crainte dans les classes moyennes de hausses d’impots à venir. Il aggrave la défiance à l’égard du politique puisque la réalisation du seul PAS ne répond absolument pas à la demande de redistribution et renvoie aux calendes grecques la fusion CSG-IRPP.
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