Les programmes performants de parentalité (PPP) edit
Parentalité, parentalité… Il s’agit tellement, aujourd’hui, de la soutenir que l’on en a un peu oublié de la définir. De quoi parle-t-on ? Et quelles sont les politiques efficaces de soutien ?
Les trois grandes composantes de la parenté (la filiation, l’alliance, la représentation de ce qu’est un enfant) se sont radicalement transformées en quelques décennies, avec une accélération ces derniers temps. Et il a fallu innover, d’abord sémantiquement. L’apparition et l’emploi généralisé d’un nouveau terme – la « parentalité » – vient probablement signer toutes ces évolutions.
La parentalité nouvelle
Néologisme devenu familier au cours des années 2000, son sens n’est jamais bien défini, même si le mot parentalité semble s’être bien implanté, seul ou avec ses trois principaux préfixes : mono, homo et co. Le terme est parfois aussi précédé de pluri ou de poly.
Occasionnellement présentée comme « l’art » d’être parent, la parentalité est, dans certains cas, synonyme de « fonction parentale » ou de parenté. Dans d’autres cas, la parentalité est formellement distinguée des liens de filiation.
On ne commence véritablement à s’inquiéter largement de « parentalité » qu’à partir du milieu des années 1990, dans des analyses relatives aux rôles des pères, dans des débats portant sur les couples homosexuels et dans des controverses concernant les parents de délinquants. C’est en particulier en raison du développement d’initiatives visant à « soutenir la parentalité » que le terme s’est affirmé.
Clarifions. La parenté relève de la généalogie et des règles juridiques structurant la filiation. La parentalité relève du simple fait : être des adultes ayant la charge d’enfants. Il y a généralement coïncidence. Mais ce n’est pas le cas dans les familles monoparentales et les familles recomposées.
La parentalité a trois dimensions : sociale (régie par du droit), biologique (régie principalement par de la génétique), affective (régie par des sentiments). Un enfant peut, de la sorte, avoir des parents légaux, des parents biologiques et/ou des parents affectifs. Toutes les transformations de la famille peuvent probablement être contenues dans une dissociation de ces trois dimensions qui étaient, en théorie, auparavant largement indistinctes, sauf dans certains cas comme l’adoption. Relevons que cette tripartition n’est pas une innovation. La famille est toujours conçue comme un groupe de personnes entretenant des liens biologiques (c’est, traditionnellement, ce que l’on appelle parenté), des liens juridiques (l’alliance, la filiation, l’adoption), des liens sociaux (concubinage, entraide, etc.).
Partout des PPP
Au-delà des mots, le sujet – celui du soutien à ceux qui, auprès de l’enfant, ont un rôle de parent – est bien à l’agenda dans nombre de pays. Partout, c’est le bien-être de l’enfant (en droit français le thème majeur est celui de son « intérêt ») qui est au centre des réflexions, propositions et innovations. À côté et/ou en complément des instruments traditionnels de la politique familiale (prestations monétaires, équipements, fiscalité) d’anciens services sont rebaptisés en tant qu’actions de soutien à la parentalité, quand d’autres apparaissent.
Qu’ils soient ciblés sur certains parents (en raison de leur situation défavorisée ou bien dans un appel, discuté, à leur responsabilité) ou à visée générale, ces services visent l’amélioration des performances et des compétences, d’une part, des parents et des enfants, d’autre part, des parents avec les enfants.
Protéger les enfants, assister les parents : tels sont les deux fondements ou les deux pivots des programmes qui, un peu partout dans le monde, sont menés au nom de ce que l’on traduit donc par soutien à la parentalité. L’idée force est que les PPP (les Programmes de Parentalité Positive – pour adapter une expression anglo-saxonne) paient. Ces Programmes Performants de Parentalité (un autre PPP) peuvent répondre aux inquiétudes et besoins des parents. Ils peuvent atténuer des tensions et des difficultés. Ils peuvent mieux assurer le quotidien et les trajectoires des enfants. Bref, investir dans la parentalité (comme la politique familiale, traditionnellement, investit dans la famille et, plus globalement, les politiques sociales dans le capital humain) cela peut rapporter. Les conditions de la réussite sont cependant exigeantes. Et, dans le cas français, où prolifèrent (sans nécessairement prospérer) les initiatives de toute nature et de toute envergure, il y aurait toute raison de se lancer dans des programmes dits evidence-based, pour savoir ce qui est vraiment efficace, et à l’aune de quels objectifs.
Une grande interrogation est de savoir ce qui est véritablement neuf et spécifique à l’intervention publique de soutien à la parentalité. S’agit-il d’un nouveau chapeau pour des politiques familiales adaptées ? S’agit-il d’instruments inédits, aux méthodes et moyens vraiment originaux ? Et bien, pour la réponse, tout dépend des perspectives et des programmes !
Il est à souligner que ce ne sont pas les seuls pays riches qui innovent. Pays en développement, émergents et émergés ont aussi leur nouveauté. Les transferts monétaires conditionnels (TMC), avec leurs déclinaisons dans certains pays riches, sont des instruments de soutien (monétaire) à la parentalité, assortis de contreparties, en théorie, importantes. Mais il ne s’agit peut-être, d’un point de vue français renseigné, que (mais c’est un « que » de majesté) de l’invention d’allocations familiales, elles-mêmes historiquement attachés à des obligations de scolarité et d’assiduité.
Au-delà des seules prestations monétaires, dans une grande majorité de cas, les procédures et mesures de soutien à la parentalité relèvent d’interventions réparatrices, souvent dans des situations difficiles (séparations, grossesses adolescentes, environnement socio-économique précaire, enfants délinquants ou incivils, etc.). Soutenir la parentalité consisterait donc à tenter de réparer, atténuer, compenser. Il est une autre option, préventive cette fois-ci, consistant à intervenir pour la stabilité des unions, ceci en faveur des finances publiques, mais aussi du bien-être des parents et des enfants. Dans la littérature internationale, des progressistes aussi bien que des conservateurs soutiennent une telle orientation. Non pas sous l’enseigne de la parentalité, mais dans une perspective plus globale de lutte contre la pauvreté et d’affermissement du lien social, des responsables politiques, libéraux et conservateurs, en sont venus à promouvoir, dans le monde anglo-saxon, le mariage comme stratégie de lutte contre la pauvreté[1]. Des fonds relativement conséquents ont été, aux États-Unis, affectés à cette fin. Dans le cadre de la réforme du Welfare votée en 1996 sous l’ère Clinton, les États ont été incités à encourager la formation et le soutien des familles biparentales. L’administration Bush a débloqué 300 millions de dollars pour soutenir le mariage (primes de mariage, cours de préparation au mariage, réduction des allocations en cas de naissances hors mariage, etc.). Et l’administration Obama n’a pas mis un terme à ces programmes que d’aucuns, de ce côté de l’Atlantique, pourraient juger, trop rapidement, seulement moralistes. Du côté Trump, c’est plus flou.
Concrètement incarnés par des politiques de soutien au mariage, dans le contexte anglo-saxon, ou bien abordés, dans le contexte français par des propositions récurrentes comme celles d’intensifier la préparation au mariage civil, ces programmes sont rarement présentés comme des mesures de soutien à la parentalité. Et on peut bien se demander pourquoi…
[1]. Du côté conservateur, voir James Q. Wilson, The Marriage Problem. How our Culture has Weakened Families, New York, HarperCollins, 2002 et Charles Murray, Coming Apart. The State of White America, 1960-2010, New York, Crown Forum, 2012. Du côté d’experts progressistes, voir Ron Haskins et Isabel Sawhill, Creating an Opportunity Society, Washington, Brookings Institution Press, 2007. Ils soutiennent que la famille est, avec le travail, la première priorité en matière de lutte contre la pauvreté. Ils proposent des programmes, à côté d’investissements massifs dans les politiques de la jeunesse, pour soutenir la stabilité conjugale
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