Évolution du SMIC: une synthèse du rapport edit
Deux objectifs ont guidé les travaux et les propositions du groupe d’experts : augmenter l’emploi et réduire le chômage, de façon durable et soutenable, et lutter efficacement contre la pauvreté, en particulier celle des enfants et des personnes les plus fragiles.
L’embellie (relèvement de la croissance du PIB) est en France d’une ampleur moindre que celle observée dans la Zone euro. La baisse du chômage est y aussi plus faible. L’économie française connaît par ailleurs des fragilités : i) la situation financière des entreprises (ici le taux de marge) se redresse depuis son point bas de 2013 mais n’a pas encore retrouvé en 2017 son niveau d’avant la crise et cela malgré l’engagement de politiques de grande ampleur (CICE, PR…). Le secteur productif souffre d’un déficit de compétitivité (solde courant négatif pour la dixième année consécutive, baisse sur les années récentes des parts de marché relatives à l’exportation comparé à l’Allemagne, l’Espagne, les Pays-Bas, la Belgique). Sur le marché du travail, la France fait encore partie des rares pays pâtissant d’un chômage massif : sur les 34 autres pays de l’OCDE, seuls quatre connaissent un taux de chômage plus élevé ; c’est le cas de cinq parmi les 27 autres pays de l’Union Européenne et de quatre parmi les 18 autres pays de la Zone euro. Le taux de chômage de longue durée et celui des jeunes demeurent élevés et le halo du chômage a continué de progresser sur les dernières années.
Compte tenu de ces fragilités, la recommandation du Groupe d’experts est de s’abstenir de tout « coup de pouce » au 1er janvier 2018. Le SMIC augmenterait ainsi par l’effet des deux seules composantes de revalorisation automatique.
Le Groupe d’experts a également voulu ouvrir sa réflexion à des pistes de réformes possibles. Une régionalisation du SMIC (ce qui était le cas du SMIG avant sa transformation en SMIC) pourrait être justifiée par des écarts de prix selon les zones géographiques. Cette piste est toutefois écartée car ces écarts de prix sont intra-régionaux et un même raisonnement devrait tout autant s’appliquer aux minima sociaux. Un SMIC modulé selon l’âge pourrait également se justifier par les difficultés d’insertion des jeunes les moins qualifiés sur le marché du travail, mais plusieurs arguments économiques et sociétaux incitent aujourd’hui le Groupe d’experts à ne pas le recommander. Une réforme de l’apprentissage est plus adaptée au traitement de ces difficultés.
En revanche, une réforme du mode de revalorisation automatique du SMIC apparaît nécessaire. Les modalités de revalorisation automatique nourrissent une forte circularité entre les hausses du SMIC et celles des salaires. De plus, le niveau brut du salaire minimum français s’avère élevé comparé à ses homologues étrangers, tant en termes absolus qu’en termes relatifs (par rapport au salaire moyen ou au salaire médian). Les effets préjudiciables d’un SMIC élevé sur l’emploi des personnes les moins qualifiées sont atténués par des politiques très coûteuses de baisse des contributions sociales patronales, déployées et amplifiées par tous les Gouvernements depuis le début des années 1990. Enfin, le SMIC est un outil peu efficace pour lutter contre la pauvreté, y compris la pauvreté laborieuse. Seuls 23 % des bénéficiaires directs d’une hausse du SMIC font partie d’un ménage dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté. Les deux principaux facteurs de pauvreté sont un temps de travail trop faible et la taille du foyer et non le niveau du salaire horaire. D’autres dispositifs mieux ciblés comme la Prime d’activité (PA) sont plus adaptés pour lutter contre la pauvreté laborieuse.
Le Groupe d’experts recommande donc de modifier la formule de revalorisation du SMIC. Deux pistes sont envisageables : une suppression des deux termes de revalorisation automatique (l’inflation et la moitié de la progression du pouvoir d’achat du salaire horaire de base des ouvriers et employés, le SHBOE) ou la suppression du seul second terme.
Le mode de revalorisation automatique du SMIC est sans équivalent eu égard aux pays développés où existe un salaire minimum national (27 des 35 pays de l’OCDE). Dans une très grande majorité de ces derniers (23 pays sur 27), aucune automaticité de revalorisation n’existe. Dans la petite minorité où une automaticité existe (4 pays sur 27), elle ne porte que sur l’inflation, sauf en France qui utilise simultanément deux critères de revalorisation automatique (l’inflation et la moitié du pouvoir d’achat du SHBOE). Les deux options de réformes proposées rapprocheraient la France de la très grande majorité des pays développés où existe un salaire minimum national.
Les deux options de réformes laisseraient plus de marge de décision aux pouvoirs publics concernant la revalorisation du SMIC. Elles renforceraient également le rôle de la négociation collective et donc des partenaires sociaux dans la définition des normes salariales.
Enfin, le Groupe d’experts est convaincu que les perspectives de mobilité salariale des salariés rémunérés au salaire minimum sont une question au moins aussi importante que celle du niveau du SMIC. Elles nécessitent l’adaptation de politiques diverses comme celles relevant de la formation professionnelle.
Le rapport complet peut être consulté ici.
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