Comment déblayer les chantier sociaux ? edit
Les chantiers ouverts par le président de la République dans le domaine des relations sociales sont impressionnants par leur foisonnement : une dizaine de décisions ou de négociations engagées en même temps, avec un calendrier très bref. Tout – ou à peu près – doit être terminé à la fin de l’année.
La difficulté est double. D’une part, ces dossiers, conduits en parallèle, sont fortement interdépendants. Le meilleur exemple est celui de la sécurité sociale professionnelle. D’un côté, les employeurs réclament une plus grande flexibilité, c’est-à-dire une réforme de droit du travail qui rendrait plus facile la rupture du contrat de travail, de l’autre les représentants des salariés demandent une sécurisation, ce qui passe notamment par la réforme des instruments du marché du travail (ANPE, Unedic, etc.) qui relève d’un autre traitement. La conduite en parallèle de tous ces chantiers fait peut-être l’objet d’une vision synthétique de la part de l’Elysée, mais à la base, chez les partenaires sociaux et leurs mandants, elle a plus l’aspect d’un foisonnement que d’un dessein lisible.
La seconde difficulté vient de la volonté du gouvernement d’entendre les partenaires sociaux, voire de les laisser négocier. D’un côté le président, adepte de la rupture, n’ignore pas que les réformes qui ne seront pas lancées dès le début de son quinquennat ont peu de chance de voir le jour. De l’autre il sait ce qu’il a coûté de légiférer sans le temps du débat et du dialogue et il doit s’y soumettre. Or ce temps est long. Peut-être certains de nos gouvernants pensent-ils la société comme une mécanique : il suffirait d’appuyer sur les bons boutons et d’actionner les bons leviers pour la faire se mouvoir. A l’évidence la société – et les relations du travail peut-être plus encore – évolue comme un être vivant ; elle bouge par des processus biologiques que l’action directe et volontariste d’un chef d’État actif ne peut enclencher ni conduire.
Les acteurs de ce grand jeu social, essentiel pour l’avenir de votre économie comme pour le sort des travailleurs et la baisse du chômage, doivent donc tenter de mieux cerner ce qui importe le plus et choisir ensemble – par le débat, la confrontation et la négociation – ce qui pour les uns et les autres est essentiel, quitte à accepter un retard ou à adopter des positions moins dures et moins antagonistes sur des sujets moins centraux.
Aujourd’hui, la question centrale est celle de la « flexisécurité », puisque c’est ainsi que l’on désigne l’articulation entre la nécessaire souplesse de gestion des entreprises et l’indispensable protection des personnes qu’elles soient au travail, en risque de perte d’emploi ou dépourvues d’emploi.
Cette flexisécurité ne doit pas être un compromis boiteux entre les impératifs des uns et des autres mais doit résulter d’une articulation voulue et organisée entre les rôles et les responsabilités des acteurs concernés : les travailleurs et leurs syndicats qui doivent accepter leur part de responsabilité (l’employabilité de quelqu’un dépend aussi de sa propre volonté, la réinsertion d’un chômeur dépend aussi de sa détermination) ; les employeurs au triple titre de recruteurs (se préoccupent-ils des demandeurs d’emploi ?) de dé-cruteurs (comment gèrent-ils leurs réductions d’effectifs et leur restructuration internes ?) et de formateurs (comment se soucient-ils de la formation et du parcours professionnel de leurs salariés ?) ; enfin évidemment les services publics de l’emploi et de la formation, qui pourraient être beaucoup plus efficaces et performants dans le reclassement des salariés en rupture d’emploi, en recherche de mobilité, ou lors de leur arrivée sur le marché du travail.
Ainsi les modifications à opérer dans le code du travail – qu’elles aillent ou non dans la direction d’un contrat unique, un concept vague qui peut recouvrir des acceptions variées, qu’elles répondent ou non aux envies du Medef d’inventer la rupture à l’amiable –n’ont de sens que si au même moment, une réforme de grande ampleur du marché du travail est engagée qui aille bien au-delà de la trop complexe et vraisemblablement peu efficace fusion entre l’ANPE et l’Unédic.
C’est dans cette articulation que les partenaires sociaux et l’État devraient rechercher la réponse à la demande pressante de la société de mettre fin à la tragédie du chômage de masse.
Dans le foisonnement des discussions en cours et des décisions qui se préparent, il faut cette boussole, ce cap autour duquel tout s’articulerait.
Tous les autres dossiers – sur les retraites, sur les revenus solidaires d’activité, sur la représentativité syndicale, sur le service minimum, sur la fonction publique, etc. – sont, quelle que soit leur importance, seconds par rapport à ce dossier central, celui du chômage, conséquence de ces deux maladies, sœurs et indissociables, que sont les rigidités dans l’emploi et la mauvaise gestion du marché du travail par tous ceux qui en sont les acteurs.
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