La mort du Parti républicain américain edit
La semaine prochaine, les élus républicains à la Chambre des représentants vont voter très probablement le remplacement de Liz Cheney par Elise Stefanik comme numéro trois du parti. Ce vote marquera une date capitale dans la transformation du Parti républicain en un parti fasciste. On hésite toujours à utiliser ce qualificatif, si étroitement lié à une période particulière et déjà éloignée de l’histoire européenne, par crainte de commettre des anachronismes. Et pourtant, n’est-ce pas cela dont il s’agit ici ?
Liz Cheney, a, dès le départ, condamné le « big lie » de Donald Trump, et sa ligne n’a pas changé. Le 3 mai, elle déclarait ainsi : « L'élection présidentielle de 2020 n'a pas été volée. Quiconque prétend qu'elle l'a été est un menteur, tourne le dos à l'État de droit et empoisonne notre système démocratique. » Dans une déclaration au Washington Post le 5 mai elle décrit plus largement la transformation en cours du Parti républicain : « Dans ses déclarations publiques, cette semaine encore, l'ancien président Donald Trump a répété ses affirmations selon lesquelles l'élection de 2020 était une fraude et avait été volée. Son message : Je suis toujours le président légitime, et le président Biden est illégitime. Trump répète ces mots aujourd'hui en sachant parfaitement que c'est exactement ce type de langage qui a provoqué des violences le 6 janvier. Trump cherche à détricoter les éléments essentiels de la structure constitutionnelle qui font fonctionner la démocratie - la confiance dans le résultat des élections et l'État de droit. »
Et elle ajoute: « Le Parti républicain est à un tournant, et les républicains doivent décider si nous allons choisir la vérité et la fidélité à la Constitution. Dans le sillage immédiat des violences du 6 janvier, nous connaissions presque tous la gravité et la cause de ce qui venait de se produire - nous en avions été les témoins directs. La question qui se pose maintenant est de savoir si nous allons nous joindre à la croisade de Trump pour délégitimer et défaire le résultat légal de l'élection de 2020, avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir. Au cœur de notre république se trouve l'engagement en faveur d'un transfert pacifique du pouvoir entre les rivaux politiques, conformément à la loi. Cela est immensément nuisible, d'autant plus que nous sommes maintenant en concurrence sur la scène mondiale avec la Chine communiste et ses affirmations selon lesquelles la démocratie est un système en échec. L'histoire nous regarde. Nos enfants nous regardent. Nous devons être assez courageux pour défendre les principes fondamentaux qui sous-tendent et protègent notre liberté et notre processus démocratique. Je m'engage à le faire, quelles que soient les conséquences politiques à court terme. »
Trump lui a immédiatement répondu : « Liz Cheney, qui n'a pratiquement plus aucun soutien dans le grand État du Wyoming, continue de dire sans le savoir et bêtement qu'il n'y a pas eu de fraude électorale lors de l'élection présidentielle de 2020, alors qu'en fait, les preuves, y compris l'absence d'approbations législatives comme l'exige la Constitution des États-Unis, montrent exactement le contraire. Si Mike Pence avait renvoyé l'information sur six États (il n'en faut que deux) aux législatures des États, et si le chef de la minorité Mitch McConnell (il a perdu deux sièges en Géorgie qui n'auraient jamais dû être perdus) s'était battu pour exposer toute la corruption qui a été présentée à l'époque, avec d'autres découvertes depuis, nous aurions eu un résultat présidentiel bien différent, et notre pays ne serait pas en train de devenir un cauchemar socialiste ! N'abandonnez jamais ! »
Tous les ingrédients de la constitution d’un parti fasciste sont présents aujourd’hui dans l’évolution du Parti républicain. Listons-les rapidement.
- L’adulation des militants fanatisés pour leur chef qui organise son culte au moyen d’une propagande diffusée par des tweets et des discours enflammés et haineux dirigés contre les élites.
- Le mépris de l’adversaire et la volonté de le détruire, la mise en cause personnelle des opposants livrés à la vindicte populaire et la grossièreté des attaques ad hominem.
- Le mensonge utilisé comme arme principale.
- La volonté de conquérir le pouvoir à tout prix.
- La mise en cause des institutions démocratiques par le refus de reconnaître les résultats des élections (et, en amont, par la tentative d’entraver la participation au scrutin, comme l’atteste la loi récemment passée en Floride pour restreindre le vote à distance).
- La diffusion d’un nationalisme raciste, haineux et violent.
- La purge des opposants internes et leur remplacement par des féaux, le nouveau signe de ralliement et de loyauté au chef étant l’affirmation du BIG LIE (exemple : Elise Stefanik qui est au premier rang de ceux qui diffusent ce BIG LIE. La purge est loin d’être terminée. Le leader des sénateurs républicains Mitch McConnell est dans la ligne de mire ainsi que Mitt Romney.
- L’appel à l’insurrection le 6 janvier (la Marche sur Washington après la Marche sur Rome ; la casquette maga, pour Make America Great Again, a remplacé la chemise noire). Certains insurgés en uniforme et armés.
- La lâcheté des élites républicaines. Un exemple, celui de Kevin McCarthy, leader des républicains à la Chambre qui, ayant imprudemment déclaré le 6 janvier que le président portait une responsabilité dans l’assaut contre le Capitole, a effectué un virage à 180 degrés pour conserver sa place, allant, la corde au cou, présenter à Trump sa capitulation. Il a lui-même donné le feu vert pour l’élimination de Liz Cheney en déclarant sur Fox & Friends que d’autres dans le parti s’inquiètent qu’elle ne soit pas capable de porter le message du parti à l'approche des midterms de 2022 : « J'en ai assez d'elle. » Ajoutant : « il faut que quelqu’un propose une motion. » Trump avait donné le nom de celle qui la remplacera : « Elise est une oratrice rugueuse et intelligente. »
Ainsi la partie semble jouée. Lors des midterms de l’an prochain, le Parti démocrate n’aura pas le Parti républicain en face de lui mais un parti anti-démocratique. Trump a réussi à transformer le GOP en un parti fasciste. Inutile donc d’insister sur l’enjeu capital de ces élections et sur la nature du combat que les démocrates devront à nouveau livrer contre l’apprenti dictateur.
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