LR et les élections en PACA: un parti en équilibre instable edit
La crise politique survenue chez les Républicains à l’occasion des élections régionales en PACA illustre les tensions grandissantes qui s’exercent sur ce parti. La question qui lui est posée est apparemment simple. Le Rassemblement national est-il l’adversaire principal et si oui, faut-il, pour lui barrer la route, passer des accords avec le parti macroniste ? Le problème est qu’à cette question simple, LR n’a pas de réponse, ou plutôt il en a plusieurs. C’est ce que montre l’affaire de la liste LR/LREM en PACA.
Plutôt que d’attendre une négociation de second tour, Renaud Muselier, président sortant de la région, a choisi de déposer une liste d’union comprenant des membres de LR et de LREM, dès le premier tour. Les données de sondage montrent que l’union entre LR et LREM, au premier ou au second tour, est la seule solution pour avoir une chance de battre la liste du Rassemblement national. En effet, la présence au second tour de deux listes distinctes donnerait au RN une victoire écrasante (tableaux 1 et 2). Certes, la victoire de cette liste d’union est loin d’être assurée puisque les deux instituts attribuent un écart de deux à quatre points à l’avantage du RN, mais elle n’est pas hors de portée.
Tableau 1 - Intentions de vote en PACA au premier tour. % Choix exprimés.
Tableau 2 - Intentions de vote en PACA selon que LR et LREM au second tour (% des choix exprimés)
La question politique
S’il paraît peu contestable que la stratégie d’union entre LR et LREM est la seule possible pour avoir une chance de battre la liste du RN, le problème est que cette alliance régionale a provoqué une crise grave au sein de LR. Le 2 mai, après le retrait de la liste LREM conduite par la secrétaire d’Etat Sophie Cluzel au profit de la liste conduite par Renaud Muselier, Christian Jacob, le président de LR, annonçait que cette liste « ne pourra pas bénéficier de l'investiture LR » ajoutant : « Le premier tour doit être celui de la clarté et de la fidélité à ses convictions, ses engagements et ses alliés naturels ».
Ce retrait de l’investiture de LR avait été réclamé à grands cris et salué notamment par Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, Bruno Retailleau, le président du groupe Les Républicains au Sénat, et François Baroin. Ciotti voyait dans cette alliance « un coup de poignard dans le dos ». Baroin apostrophait ainsi Muselier : « Tu ne peux pas être celui qui met une balle dans la tête de la droite. » Retailleau déclarait : « On ne peut pas cautionner un accord qui ne respecte pas les engagements que Renaud Muselier avait pris devant la commission nationale d'investiture. Cet accord avec En Marche n’a qu’un seul but, c’est de démolir LR, pour qu’on puisse laisser le champ libre à Emmanuel Macron pour la présidentielle parce qu’il rêve en réalité du face à face qui l'opposerait à Marine Le Pen. » Il s’agit d’une alliance « contre-nature », ajoutait-il. « Nous ne sommes pas solubles dans le macronisme. » Muselier confiait qu'il n'avait jamais vu de sa vie politique une telle violence, entre les injures et les mises en accusation.
Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, têtes de liste aux régionales et candidats potentiels à l’élection présidentielle, ont condamné, eux aussi, la stratégie de Muselier. Le premier a déclaré : « Quelle honte. Et je le dis à Renaud Muselier, il fait une erreur, une terrible erreur, parce que seul, il peut gagner. Avec En Marche, il ne gagnera pas. Cet accord, il est irresponsable, parce qu'il fait du Front national le premier opposant, le seul opposant ». Il a ajouté : « Il est toujours temps de ne pas se ruer dans la servitude. C'est ce que disait le général de Gaulle et en tout état de cause, Les Républicains n'ont pas vocation à être les supplétifs d'En Marche. » Valérie Pécresse a déclaré de son côté : « Je ne m'allierai pas avec LREM ».
Ce retrait de l’investiture LR a provoqué le départ du parti de Christian Estrosi, maire de Nice, et d’Hubert Falco, maire de Toulon. Les dirigeants de LR ayant réalisé l’erreur ainsi commise, un compromis a été finalement trouvé après que Jacob a déclaré que son parti ne songeait nullement à exclure Muselier. La liste Muselier ne comprendrait ni parlementaires ni membres du gouvernement, pouvant ainsi apparaître comme une liste locale constituée « sans accords d’appareils ». Sophie Cluzel l’a entériné de son côté, acceptant de ne pas figurer sur la liste qu’elle soutenait. Était ainsi établie la fiction selon laquelle cette liste ne pouvait en aucune façon être considérée comme ayant une signification politique. Jacob assurait le 11 mai Muselier de son soutien : « Jamais je n’appellerai à voter pour une autre liste. Je ne vais pas appeler à voter pour le RN, pour la gauche ou l’extrême gauche ! Mon soutien est sans manœuvre, sans tactique, sans arrière-pensée ».
Le 13 mai, Ciotti, estimant que le compromis établi n’était pas conforme à l’engagement pris, déclarait : « Je m’abstiendrai comme je l’ai fait à l’élection présidentielle », rejetant « le piège dans lequel veut nous enferrer le président de la République de supprimer, à gauche et à droite, tout ce qui existe entre le Rassemblement national et lui. » Le 14, le maire LR de Cannes, David Lisnard, annonçait qu’il quittait « cette pantalonnade », accusant le parti présidentiel et Renaud Muselier de nourrir « la crise de confiance civique qui mine notre démocratie ». Le même jour, le n°2 de LR, Guilllaume Peltier, qui avait réclamé « à titre personnel » le retrait du soutien de son parti à Renaud Muselier, déclarait : « Il est hors de question que je soutienne une quelconque liste liée de près ou de loin à Emmanuel Macron. » Il ajoute : « Il y a une frontière étanche entre les Républicains, entre la droite française et le macronisme, il y a une droite qui n’est pas à vendre, il y a une droite qui considère qu’Emmanuel Macron a failli dans ses fonctions », assurant qu’il voterait blanc s’il était électeur en PACA. Un proche de Muselier analyse : « c’est l’aile droite du parti qui nous lâche, ceux qui sont très proches des idées du Front national ».
Eric Woerth, député LR de l’Oise et président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, déclare en sens contraire : « Quelle idée de considérer qu'on ne va pas voter pour Renaud Muselier, alors là ce serait le pompon ! Aujourd'hui, il faut évidemment continuer à apporter notre soutien à Renaud Muselier. Si on abandonne Renaud Muselier, on n'a plus de candidat LR, on n'a plus de liste LR en PACA, ce qui serait quand même un truc de dingue, comment peut-on en arriver là ? » Il ajoute : « Paca est aussi un lieu où beaucoup d'élus comme Estrosi ou comme Falco ont montré l'idée qu'on pouvait travailler de temps en temps avec la majorité ; ça pouvait se discuter éventuellement, ce n'était pas non plus un crime de lèse-majesté à mon sens, ça n'amenait à aucune conclusion pour l'élection présidentielle. »
Woerth estime que cet imbroglio est dû au manque de leadership dans le parti : « On manque de patron, ça veut dire manque d'incarnation. Christian Jacob préside le parti, mais il n'est pas candidat à l'élection présidentielle, et quand on est à un an de l'élection présidentielle, le patron c'est celui qui est candidat », ajoutant : « un patron ça permet de faire la synthèse. On manque évidemment de ça de façon tout à fait cruelle. Et les élections régionales probablement ne sont qu'un symptôme. »
Un équilibre instable
On le voit, la crise interne de LR provoquée par les élections en PACA n’est effectivement que le symptôme d’un mal plus profond qui mine ce parti. Ce qui frappe d’abord c’est l’attitude défensive adoptée par ses dirigeants qui se sentent agressés de tous les bords. Elle traduit les peurs que le parti, amené dans la situation actuelle à devoir trancher la question sensible de son positionnement stratégique, se brise sur cet écueil. L’adversaire principal est-il le président de la République, comme semblent le penser Retailleau, Ciotti et Peltier ? Est-il au contraire le RN, comme semblent le penser Muselier, Estrosi, Falco ou Woerth ? Entre les deux, la direction du parti flotte, voulant repousser le plus longtemps possible le moment du choix. Une direction qui est écartelée, faible et n’ayant pas son mot à dire sur le choix du candidat présidentiel puisque le parti à dû renoncer à organiser une primaire. Une direction qui a bien conscience des divisions qui fracturent son électorat. Un récent sondage de Kantar montre en effet qu’interrogés à propos de leurs souhaits d’alliances pour les régionales, 47% des proches de LR choisissent l’alliance avec LREM et 33% l’alliance avec le RN. En PACA, selon l’IFOP, 70% des proches de LR voteraient au second tour pour la liste Muselier et 30% pour la liste Mariani.
En janvier 2017, la primaire du Parti socialiste avait confirmé que les deux gauches qui s’affrontaient en son sein étaient irréconciliables. Écartelé entre Mélenchon et Macron , ce parti s’était finalement brisé. Aujourd’hui, l’affaire de PACA dévoile l’existence de deux droites irréconciliables au sein d’un parti républicain écartelé entre Macron et le Pen. Pourra-t-il mieux résister, lui, aux forces centrifuges qui le menacent d’éclatement ?
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