Sarkozy: la tentation du retour edit
L’ancien président de la République est-il de retour en politique? L’analyse de ses récentes interventions et la lecture de son dernier ouvrage incitent à le penser. Invité de l’émission Quotidien sur TMC le 10 septembre dernier, la manière dont il a nié toute intention de revenir en politique dévoile en réalité la tentation du retour. Certes, il a déclaré à propos de la politique : « Cette période de ma vie est derrière moi. » Mais il a précisé immédiatement après : « La vie quotidienne partisane, je n’en ferai plus, je ne suis plus un enjeu de ce côté-là. » Il faut comprendre ainsi cette précision : Nicolas Sarkozy ne sera plus le leader ou le candidat d’un parti.
On le comprend. Son parti est devenu trop faible. Les éventuels candidats appartenant à cet espace politique l’ont quitté, compromettant sa possibilité d’organiser une primaire interne. Surtout, son souvenir brûlant de la primaire de 2016, où il a été sèchement battu dès le premier tour, ne l’encourage pas à se relancer dans une aventure de ce type. Il contrôle cette organisation et son président, Christian Jacob, son homme lige, a exclu de recourir à nouveau à une telle procédure. Toutefois, le refus de passer désormais par le canal partisan ne signifie nullement celui d’une candidature directe à l’élection présidentielle. C’est ce qu’a fait Macron en 2017. On sait que désormais, compte tenu de la crise des organisations partisanes, ce sont les candidats qui créent un rassemblement autour de leur candidature plutôt que les partis qui choisissent leur candidat. C’est pourquoi le PS, qui n’a pas de candidat crédible, appelle à un large rassemblement, quitte à disparaître dans l’opération. Guillaume Larrivé, ancien conseiller aux affaires juridiques de Sarkozy à l'Élysée, et qui avait été nommé par lui secrétaire national de l’UMP après son élection à la présidence du parti en 2014, vient de déclarer que l’ancien président de la République pouvait « être une hypothèse à droite pour l’élection présidentielle de 2022 ». Après le désistement probable de François Baroin, Sarkozy sait que LR n’a aucun autre candidat et qu’il a donc le champ libre.
En rejetant dans son interview la conception actuelle de la politique, faite selon lui d’horizontalité, et en se déclarant un homme du « monde d’hier », celui où les valeurs étaient « le courage, l’énergie et les rêves », celui aussi où, en politique, « la verticalité » et un fort leadership sont des éléments fondamentaux, l’ancien président ajoute : « « Il n’y a rien qui se démode plus que le nouveau monde. » Le monde d’hier pourrait donc devenir le monde de demain. À la question : « Qu’est-ce qu’un bon président ? », il répond : « Un combattant. » Et un mauvais ? « Un normal. » Bref, Nicolas Sarkozy est de retour.
Non seulement l’ancien président nous prévient de sa volonté de revenir mais il nous donne déjà l’orientation politique de la campagne qu’il vient de lancer. Elle sera populiste. Dans ses déclarations récentes à propos du professeur Raoult, il met ses pas dans ceux de Jean-Luc Mélenchon. Dans son Blog du 26 mars ce dernier déclarait en effet : « Au cas présent, je peux dire que le tableau fait de ce professeur Didier Raoult, présenté comme un sauvage malpoli et provocateur, m’a évidemment tapé dans le nez. En effet je connais trop bien l’odeur de la peinture dont dispose la bonne société, ses médias et ses plumes à gage. Didier Raoult est trop mal aimé par les belles personnes pour ne pas éveiller l’intérêt. Bien sûr, j’ignore les raisons pour lesquelles ces gens détestent Didier Raoult et pourquoi ils se sentent obligé de le couvrir de sarcasmes et de suspicions. » Sarkozy est trop intelligent et trop informé, notamment sur la position de l’OMS, pour pouvoir défendre aujourd’hui la position de Raoult, d’autant que les déclarations de ce dernier sur la disparition de l’épidémie à Marseille ont été malheureusement démenties par les faits. La Société de pathologie infectieuse de langue française a d’ailleurs porté plainte contre lui auprès du Conseil départemental de l’Ordre des médecins des Bouches-du-Rhône. Sarkozy affirme cependant qu’il l’apprécie et l’admire, déclarant le 4 septembre, dans la capitale phocéenne : « Chaque crise, il faut trouver des boucs émissaires. C'est une maladie française. L'adversaire, c'est le Covid, c'est pas tel ou tel médecin et je pense notamment au professeur Raoult. Je ne comprends pas pourquoi il y a tant de violence à son endroit. » Mais, ajoute-t-il, « j'observe qu'en période de crise, il y a les pseudo-spécialistes qui se précipitent et qui disent du mal de quelqu'un. Il faut un coupable et c'est celui-là. Ça m'a paru déplacé. Je n'ai aucune compétence pour dire qui a raison et qui a tort. En tout cas, ce n'était pas le sujet ».
Après cette défense appuyée du professeur, Sarkozy rajoute une couche de populisme le 11 septembre avec ces quelques phrases très ambiguës : « Cette volonté des élites qui se pincent le nez, qui sont comme les singes qui n'écoutent personne, je ne sais plus si on a le droit de dire singe. On dit quoi maintenant ? Les dix petits soldats ? Elle progresse la société. On a peut-être le droit de dire singes, sans insulter personne. » Cette grossière stigmatisation des élites se retrouve dans les deux dernières pages de son ouvrage, qui semblent avoir été ajoutées après coup, où il attaque « le cortège de prétendus spécialistes qui n’ont rien d’autre à faire que d’encombrer les écrans et micros de leurs nombreux commentaires en général péremptoires et souvent démentis a posteriori par les faits. La crise augments les vocations de pseudo-experts. La crise génère encore quantité de penseurs et des philosophes du dimanche qui vont répétant l’inusable rengaine du après rien ne sera plus comme avant ». Il ne précise pas s’il existe des philosophes ou des penseurs qui ne sont pas « pseudos ». Il oppose de manière étonnante les politiques aux experts : « Ce sont le président et les élus qui ont la légitimité du suffrage universel et elle sera toujours supérieure à celle que peuvent conférer les titres universitaires ou le tirage au sort. » Qui dit le contraire ? Mais c’est une manière de porter un nouveau coup aux « diplômés » et de se ranger ainsi du côté du « peuple ».
Une telle candidature a-t-elle des chances de se concrétiser et si oui d’être victorieuse en 2022 ? Pour que sa candidature soit crédible, il faut d’abord que Sarkozy se débarrasse de ses affaires judiciaires. Il doit être jugé fin 2020 dans l’affaire dite des « écoutes » et comparaître en 2021 dans un deuxième procès sur ses frais de campagne pour l’élection présidentielle de 2012. Il déclare cependant que « ces procès ne m’empêchent pas de dormir ». Ensuite il lui faut être seul dans son espace politique, ce qui implique que ni Xavier Bertrand ni Valérie Pécresse ne soient candidats ou qu’il puisse les marginaliser.
Cette candidature une fois déclarée, a-t-elle une chance d’être victorieuse ? Oui si, comme en 2007, il parvient à conquérir une partie de l’électorat de Marine le Pen ou s’il récupère la partie de la droite modérée qui se satisfait du président et du gouvernement actuels. Comme le montre le tableau, une telle hypothèse est très crédible.
Tableau. « Pour chacune des personnalités suivantes, dites-moi si vous en avez une excellente opinion, une bonne opinion, une mauvaise opinion, une très mauvaise opinion ou si vous ne la connaissez pas suffisamment ? « (IFOP, Tableau de bord des personnalités, septembre 2020)
% réponses : excellente opinion ou bonne opinion selon la proximité partisane.
Ce tableau montre en effet quatre éléments importants : L’ancien président est l’une des personnalités politiques les plus populaires (53%). Il est unanimement apprécié par les sympathisants de LR et l’est largement par les sympathisants de LREM et du RN. Il est plus populaire qu’Emmanuel Macron. Il ne fait pas de doute qu’en cas d’affaiblissement du président ou de Marine le Pen, il pourrait accéder au second tour de l’élection présidentielle et aurait alors des chances sérieuses d’être élu.
Beaucoup dépendra d’Edouard Philippe qui est aujourd’hui l’homme politique le plus populaire de France. Si celui-ci soutient fermement la candidature du président sortant ou si, celui-ci ne se représentant pas, il se présente, et si les électeurs du Rassemblement national demeurent fidèles à Marine le Pen, Nicolas Sarkozy aura du mal à accéder au second tour.
Si donc rien n’est joué il est néanmoins évident que l’hypothèse d’une candidature de Nicolas Sarkozy doit être prise très au sérieux.
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