Sénatoriales 2023: que nous apprennent les résultats? edit
Dans ce type d’élections où les bouleversements sont historiquement rares, les résultats du renouvellement partiel du 24 septembre marquent une sensible progression de l’opposition de gauche, essentiellement au profit des écologistes, un retour du RN au Sénat, ainsi qu’un net recul de la majorité sénatoriale de droite et du centre. La droite LR-UC reste cependant toujours dominante. Au sein des partisans du gouvernement, qui restent très minoritaires, un rééquilibrage est intervenu en faveur d’Horizons et au détriment de Renaissance.
Les résultats en voix en France métropolitaine
Par rapport au précédent renouvellement de 2017, les résultats en voix montrent une progression de l’opposition de gauche, une forte poussée du RN, un net recul de la majorité sénatoriale de droite ainsi que de Renaissance, alors que les candidats d’Horizons, le parti d’Edouard Philippe, tirent souvent mieux leur épingle du jeu.
Les départements au scrutin proportionnel
La progression de la gauche est la conséquence de son redressement dans les grandes villes lors des municipales de 2020. Dans les 24 départements votant à la proportionnelle, la gauche progresse dans 17, recule dans 5 et reste stable dans 2. Les 7 départements où elle stagne ou recule appartiennent pour 5 d’entre eux à la France ouvrière du Nord et de l’Est (Marne, Moselle, Nord, Oise, Pas-de-Calais) auxquels s’ajoutent le Puy-de-Dôme et le Loiret (le recul dans ce département est sans doute lié au retrait de l’ancien maire socialiste d’Orléans et ancien ministre, Jean-Pierre Sueur). LFI, qui était présente dans 23 départements, ne dépasse les 3% que dans 10 et les 5% seulement en Indre et Loire (6,3%).
Dans ces 24 départements, la droite LR-UDI-DVD recule, parfois très fortement, dans 17, progresse dans 4 (Loire où contrairement à 2017 la majorité gouvernementale n’a pas présenté de liste, Oise, Puy-de-Dôme, Pyrénées-Atlantiques), et se maintient dans 3 (Loiret, Paris, Essonne). Le RN progresse, souvent très nettement, dans 20 de ces 24 départements et stagne dans 4, tous de l’agglomération parisienne (Paris, où il ne présentait pas de liste en 2023 et n’avait obtenu que 0,2% en 2017, Essonne, Hauts de Seine, Val de Marne). Il dépasse les 5% dans 14 départements, contre 2 en 2017, et les 10% dans 3 (Marne 11,9%, Pas de Calais 14,1% et Seine et Marne 13%) contre aucun en 2017.
La majorité gouvernementale est en progression sur 2017 dans 12 départements, le plus souvent grâce à des listes menées par Horizons, et en recul dans 10. Dans deux départements, la Seine-Saint-Denis et le Val de Marne, elle soutenait des listes à direction UDI en concurrence avec LR : dans ces départements le total droite et centre est en recul sur 2017. Les autres listes (écologistes non EELV, DLF, Reconquête, Résistons !) n’atteignent nulle part les 5% sauf la liste menée dans le Val d’Oise par le sénateur sortant Sébastien Meurant, proche d’Éric Zemmour, qui obtient 11,5% des suffrages, résultat cependant insuffisant pour sa réélection.
Les départements au scrutin majoritaire
Dans les 14 départements de France métropolitaine à 1 ou 2 sièges où l’on vote avec un scrutin majoritaire à deux tours et des candidatures individuelles, qui sont des départements nettement plus ruraux, les résultats en voix sont plus complexes à analyser en raison de l’impact plus fort des personnalités des candidats sur le vote.
Les résultats de la gauche au premier tour sont beaucoup plus contrastés, avec une progression sur 2017 dans 6 départements, un recul dans 6 et une stabilité dans les 2 autres. Les candidats LFI ne dépassent pas les 5% sauf en Haute Loire (7,6%), département où il n’y avait pas d’autre candidatures à gauche.
La droite LR-UDI-DVD est en recul dans 8 départements sur 14, en progression ou stable dans les 6 autres, le plus souvent parce qu’elle y bénéficiait de l’absence de candidats de la majorité gouvernementale. Le RN est en nette progression dans les 12 départements où il a présenté des candidats, dépassant les 5% dans 11 contre 1 seul en 2017, les 10% dans 4 contre aucun en 2017 et obtenant même 21,5% dans la Haute Marne (6,9% en 2017). Ces très fortes progressions sont liées au caractère rural de ces départements.
La majorité gouvernementale, peu présente, ne résiste localement que grâce à des candidats Modem (Landes) ou Horizons (Orne, Hautes Pyrénées) bien implantés. On doit remarquer le net échec dans la Nièvre du député Renaissance Patrice Perrot qui n’obtient que 16,8% au premier tour contre une moyenne de 29% pour les candidats LREM en 2017.
Une nouvelle étape dans l’implantation électorale du RN
Les résultats des listes et candidats du RN, en progression quasi générale sur 2017, sont d’autant plus remarquables que contrairement à la gauche, le RN avait subi une nette perte d’élus dans les grandes villes aux municipales de 2020. Ce qui signifie que sa percée aux sénatoriales de 2023 repose entièrement sur une très forte progression du soutien des maires ruraux dans les départements où il obtient de forts résultats lors des élections au suffrage universel. Comme les élections législatives de 2022, les élections sénatoriales de 2023 témoignent qu’une nouvelle étape est franchie dans l’implantation du RN. Ainsi que le montrent de nombreuses enquêtes d’opinion, le RN bénéficie d’une transformation de son image et d’une forme de légitimation dans une partie importante de l’opinion.
Les résultats en sièges
La gauche
L’ensemble de la gauche progresse sensiblement en sièges, avec un solde positif d’au moins 9 sièges. Cette progression s’effectue pour l’essentiel au profit des écologistes (+ 5) grâce au gain de 3 sièges à Paris, d’un siège dans le Maine et Loire, et d’un autre chez les Français de l’étranger. Cela devrait permettre à leur groupe de passer de 12 à 17 sièges. (Nous employons le conditionnel car au moins 4 sénateurs nouvellement élus outre-mer de gauche et du centre n’ont pas encore fait connaître leur choix de groupe. La composition des groupes ne sera fixée que le 3 octobre. De plus, il n’est pas exclu que des sénateurs non renouvelables en profitent pour changer de groupe.)
Les communistes progressent de 3 sièges, en perdant 3 et en gagnant 6 (dont un apparenté à la Réunion et un autre avec l’élection d’un indépendantiste du FLNKS en Nouvelle-Calédonie) ce qui devrait porter leur groupe de 15 à 18. Les socialistes devraient rester stables à 64 sièges, en ayant perdu 5 et gagné autant, et confirmer ainsi leur première place à gauche. Le PRG a gagné un siège en Seine-Saint-Denis, de sorte que le groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE, qui comprend les élus du PRG, du PRV, et des divers gauche) devrait rester stable autour de 14 sièges. LFI n’a obtenu aucun élu et reste absente du Sénat. Au final, l’ensemble de la gauche devrait occuper une centaine de sièges sur les 348.
La droite
Avec le gain de 3 sièges (Nord, Pas de Calais, Seine et Marne) le RN fait son retour au Sénat mais devra siéger parmi les non-inscrits car il faut un minimum de 10 sièges pour former un groupe. La majorité sénatoriale de droite et du centre LR-UDI reste très dominante mais subit un recul sensible. Le groupe LR recule de 8 sièges (10 pertes contre 2 gains), se retrouvant avec 137 sièges environ. Le groupe Union centriste recule de 4 sièges (6 pertes et 2 gains), et se retrouve avec 53 sièges environ (dont 4 MoDem). Ensemble ces deux groupes restent majoritaires avec 190 sur 348.
La majorité gouvernementale
Dans le camp gouvernemental un net rééquilibrage a eu lieu. Le groupe RDPI (Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants), qui correspond à Renaissance, perd 6 sièges sur les 12 renouvelables et devrait tomber à environ 18 sièges et peut être rattrapé par le groupe LIRT (Les Indépendants République et territoires), dominé par Horizons, qui en gagne 4 et pourrait passer à 18.
Les personnalités
Parmi les personnalités élues ou battues, on doit remarquer la défaite en Nouvelle Calédonie de l’unique membre du gouvernement candidate, la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté et présidente de la région sud, Sonia Backès[1], et celle dans le Val d’Oise du sénateur sortant Renaissance et ancien ministre Alain Richard, ainsi que l’élection de l’ancienne ministre divers gauche Annick Girardin à Saint-Pierre et Miquelon. On doit également remarquer que le nombre de femmes progresse de 116 à 126 à l’occasion de ce renouvellement, atteignant ainsi 36,2% au sein de la Haute Assemblée.
La reconduction de la majorité sénatoriale LR-UC devrait permettre à Gérard Larcher (LR), réélu dans les Yvelines, de conserver la présidence de cette assemblée.
[1] Suite à sa défaite, elle a démissionné du gouvernement le mercredi 27 septembre.
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