Afrique, sida et gouvernance edit
L’Afrique subsaharienne est la région du monde la plus touchée par le sida. L'Onusida estime que 2,2 millions de personnes ont été infectées par le virus en 2008, ce qui porterait à 24,1 millions le nombre de personnes vivant avec le VIH/Sida dans le pire de cas. L’épidémie pose la question de la qualité des institutions, et au bout du compte elle peut apparaître comme une incitation à progresser sur ce plan.
Les deux tiers du total mondial de 32,9 millions de personnes vivent en Afrique, et en 2007 les trois-quarts de tous les décès dus au sida s’y sont produits. Les 21 pays souffrant de la plus forte prévalence du VIH du monde sont tous situés dans cette partie du monde. On y dénombre plus de 14 millions d’orphelins du fait du virus.
Le sida n’est pas seulement un désastre humain, il a également un coût économique. Pour l’ensemble de l’Afrique, son impact atteindrait entre 11,7% et 35,1% de sa production annuelle brute. Selon le Journal du sida (2007), 31 pays d’Afrique subsaharienne ont perdu en moyenne 0,7 point de pourcentage de leur taux de croissance du PIB par an depuis 1992, avec un écart de 0,1 à 2,3 %, et 0,5 point de pourcentage de leur taux de croissance de l’emploi. La maladie ampute l’Afrique de sa population active : depuis le début de l’épidémie, les pertes cumulées de travailleurs représentent 6,06 % de la main-d’œuvre totale. Elles s’élèveront, selon les projections du BIT, à 11,85 % en 2020... L’accumulation du capital humain (savoir, savoir-faire etc.) africain se retrouve ainsi dans un « piège » où ce capital est grignoté. Cela complique donc le développement du continent.
Face à cette situation, au-delà de la prévention ou des traitements, l’Afrique a besoin d’améliorer ses institutions pour lutter efficacement contre cette pandémie globale. D’abord parce qu’avec une meilleure gouvernance, on peut au moins être sûr que les moyens débloqués tant pour la prévention que pour le traitement arriveront à destination. Ensuite parce que la bonne gouvernance crée la croissance économique, et donc réduit la pauvreté via l’augmentation des possibilités. Or il existe une forte corrélation entre le revenu et le taux de prévalence du sida. 11% de la population à bas risque du quintile le plus pauvre est touchée par le virus alors que cette proportion n’est que de 0,9% pour le quintile le plus aisé. Les 10 pays les plus riches selon le PIB per capita en valeur de parité pouvoir d’achat (PPA) ont un taux de prévalence du sida de 0,27%, alors que les pays les plus 10 pauvres (en excluant l’Afghanistan, seul pays non africain se retrouvant parmi les 11 derniers du monde) ont un taux de prévalence de presque 5%. Il est logique que les pays riches s’en sortent grossièrement mieux que les pays pauvres d’Afrique.
Plus de revenu signifie avoir accès à plus d’informations et d’instructions. Ce qui n’est pas évident en Afrique, où l’information est moins fluide et où le taux d’alphabétisme n’est que 60 %, alors qu’en Europe par exemple il frôle le 100%. N’oublions pas également que ce taux est quelque peu à relativiser en termes de qualité pour l’Afrique, étant donné la probabilité qu’elle soit affectée négativement par la corruption discrète, caractéristique majeure de ce continent. Dans une telle situation, on comprend qu’une bonne partie de la population ne saisit pas le message.
Et quand bien même on aurait l’information, rien ne garantit forcément qu’elle soit complète, par exemple que l’on sache que le sida peut se transmettre lors de l’allaitement. Car les pays africains n’ont pas toujours les moyens de doter leur population des technologies de l’information et de la communication, un moyen incontournable pour accéder à l’information : la population africaine internaute n’est que de 86 millions de personnes, soit un taux de pénétration de 8,6%. La Tunisie, premier pays africain dans le classement Networked Readiness Index, qui mesure le degré de préparation d’un pays à tirer parti des TIC efficacement, se classe au 39e rang mondial en 2009-2010. Améliorer les institutions entraînerait une hausse de revenus, qui induirait une hausse d’accès à l’information et des instructions de qualité. En conséquence, baisse de la prévalence.
Qui plus est, cela permettra également une prise en charge indépendante. Le coût réel par an du traitement qui permet de prolonger d’une année la vie d’un séropositif, se situant selon l’OMS à 1500 dollars, est très élevé pour les habitants du continent qui n’ont qu’un revenu moyen de 1636 dollars. Même si l’apport extérieur est vivement réclamé à travers le monde, peut-on mobiliser 36,15 milliards annuellement pour les séropositifs africains? Il paraît logique que l’Afrique se prenne aussi en charge. Dans l’hypothèse où ce fonds existe, elle devra aussi s’illustrer positivement pour un accompagnement réussi. Elle a là encore impérativement besoin de bonnes institutions (moins de corruption, etc.).
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