Pour un référendum instituant le suffrage proportionnel edit
La séquence politique qui vient de s’achever par une motion de censure faisant chuter le gouvernement de Michel Barnier en place depuis le 5 septembre appelle des solutions nouvelles de sortie de crise. À court terme, on voit bien que les responsables politiques, dans les partis comme au gouvernement, sont obnubilés par le profil du futur Premier ministre et de sa majorité introuvable. Celui-ci, de quelque parti qu’il soit issu, se heurtera à la même mathématique parlementaire ayant fait tomber M. Barnier. S’il reste possible d’envisager un gouvernement d’union nationale, personne ne se précipite pour le proposer. On peut plus probablement anticiper qu’une partie de la gauche dite de « gouvernement » ou social-démocrate, fasse cause commune avec une partie du bloc central. Mais le sursis serait là encore de courte durée puisqu'une telle alliance aurait pour effet mécanique de consolider l’alliance du Rassemblement national et de la France Insoumise contre elle, sans pour autant convaincre les parlementaires de la « droite classique ».
C’est donc à moyen et long terme qu’il faut envisager la sortie de crise. La solution qui s’offre au Président serait de proposer, sur la base de l’article 11 de la Constitution, un référendum visant à instaurer l’élection du Parlement au suffrage proportionnel. Une telle initiative aurait de nombreux avantages tant pour le Président que pour une large partie du monde politique.
En tout premier lieu, elle le réinstallerait dans sa fonction essentielle qui est de veiller à la bonne marche des institutions. Puisqu’il a pris la responsabilité, en décidant la dissolution de l’Assemblée nationale du 9 juin 2024, de plonger le pays dans la crise, il est de sa responsabilité de l’en faire sortir par une mesure de plus grande envergure que le faux-semblant de la nomination d’un nouveau Premier ministre. Il devrait d’ailleurs justifier cette proposition par le fait qu’elle figurait comme promesse de campagne dans son programme présidentiel de 2022, une promesse à tenir devant le pays. Mieux encore elle avait fait l’objet d’un certain accord de partis comme le Modem de François Bayrou, l’UDI de Jean-Christophe Lagarde, le Mouvement radical de Laurent Hénart, les écologistes de Julien Bayou. Et deux poids lourds de la politique française, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, ne cessaient de la réclamer à grands cris. En leur rappelant leurs positions, le Président prendrait à témoin l’opinion publique et placerait les chefs de parti devant leurs responsabilités.
En second lieu, la perspective de la proportionnelle casserait la logique d’alliance bloquée dans laquelle se trouvent les socialistes et les écologistes. Cette alliance est un véritable piège que LFI a tendu à ses partenaires puisqu’il est en position de force pour l’attribution des candidatures dans les circonscriptions de son choix. Dans l’actuel scrutin majoritaire, le PS et les écologistes sont prisonniers de cette alliance, qui d’ailleurs, détourne une partie de leur électorat ne se retrouvant pas dans le programme du NFP et encore moins dans le type de culture politique « bordélisante » que LFI veut imposer.
Enfin, le Président ouvrirait un chantier de plus long terme, insufflerait une nouvelle respiration et un nouvel horizon politique : celui d’une possible VIe République qui mettrait fin à la longue agonie de la Ve. Cela ne le dispenserait pas de nommer un Premier ministre dans la semaine. Mais toute l’énergie du monde politique resterait concentrée sur les conditions de mise en œuvre de la réforme. En effet, si le principe de la proportionnelle est largement acquis, les modalités de sa mise en œuvre restent à discuter. S’agirait-il d’une proportionnelle intégrale ou partielle, et dans cette dernière hypothèse comment s’entendre sur un seuil de sièges ? Les listes seront-elles ouvertes ou fermées ? Les reliquats se calculeront-ils au plus fort reste ou à la plus forte moyenne ? Voici autant de sujets qui absorberont les esprits. L’étude des solutions en cours dans divers pays démocratiques s'impose, des solutions plus inattendues ou innovantes ne sont pas à exclure. Parmi les sujets de débat qui seront le plus âprement discutés, figurera sans doute l’obligation, en cas de motion de censure du gouvernement, de proposer le nom du futur Premier ministre et un programme législatif, comme cela se pratique en Allemagne, ou de façon plus souple au Royaume-Uni avec le Shadow Cabinet.
En bref, le Président Macron dispose de tous les instruments constitutionnels et de bons arguments politiques pour mettre fin au désordre actuel, et pour ouvrir une phase nouvelle de respiration dans la vie publique, de responsabilisation des partis, de mobilisation de nouvelles énergies et d’objectifs sérieux et stimulants à discuter sur la place publique.
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