Catalogne Espagne, et après ? edit
La Catalogne vient de vivre une semaine de convulsions qui n’a pas encore gagné son nom dans les annales. Les indépendantistes rêvaient, qui d’une révolution de velours (mais le nom était déjà pris), qui d’une révolution des sourires (certains quand même forcés), qui du grand soir (hommage à 1917 et à tous ceux qui l’attendent) ; d’autres, plus simplement, croyaient voir advenir la République de Catalogne. Tout l’arsenal historique des révolutions nationalistes du XIXe siècle et du XXe siècle était convoqué dans un confus mélange conceptuel : le nationalisme culturel pensé par Herder « est catalan celui qui parle catalan », comme « est allemand celui qui parle allemand », renvoyait à un mythique « printemps des peuples », quand d’autres, enfin, évoquaient une « décolonisation ».
Je ne rappelle pas ce spectre des représentations pour m’en moquer – elles accompagnent les illusions lyriques – mais pour y déceler les raisons d’un échec : les choses ont été mal pensées et les mots choisis étaient les mauvais. J’y vois – je l’ai écrit sur Telos – le signe du monde parallèle dans lequel les indépendantistes se sont enfermés. Les tout derniers développements de l’affaire catalane avec une fuite en pseudo-exil de Carles Puigdemont conduisent vers un premier dénouement d’opérette. Puigdemont reproduit l’aventure du général Boulanger, y compris dans le choix de Bruxelles : un coup d’audace le 2 octobre le plaçait en position de force, ses tergiversations l’ont discrédité, la peur de devoir en rendre compte à la justice le transforme en fuyard. Triste destin d’un homme politique surévalué par ses partisans et des médias complaisants… Quand viendra le temps de l’histoire, peut-être se rendra-t-on compte que l’absence d’audace au lendemain du référendum tenait au fait que les indépendantistes ne croyaient même pas à leur projet.
Anatomie d’un échec
C’est bien d’un échec cuisant qu’il faut parler à ce jour. La « République catalane » a vécu, dans les esprits, quelques heures : entre une déclaration solennelle le vendredi 27 septembre à l’issue d’une séance parlementaire marquée, une fois encore, par des accommodements avec le règlement et l’annonce par le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, le soir même des dispositions arrêtées à la suite de la mise en œuvre de l’article 155 de la Constitution. Le « Govern » (c’est le nom du gouvernement catalan) était destitué ainsi que 150 hauts fonctionnaires dont les responsables politique et exécutif de la police catalane (les Mossos), le « Parlament » était dissout et des élections régionales anticipées convoquées pour le jeudi 21 décembre.
Dans son allocution, Mariano Rajoy répétait une nouvelle fois qu’il n’avait pas voulu ces mesures et qu’elles lui étaient imposées par la gravité de la situation et par l’attitude jusqu’au-boutiste des autorités catalanes. L’annonce d’élections dans un délai de 55 jours – qui est celui que prévoit le statut d’autonomie de la Catalogne – a été la clef de la réussite de l’opération « 155 ». En rendant la parole aux électeurs – et alors même que l’hypothèse d’un retour aux urnes avait été clairement envisagée et pré-annoncée la veille par l’entourage de Puigdemont, avant que celui-ci, in extremis, ne recule face à la pression des radicaux – Mariano Rajoy a démontré, dans les faits, qu’il ne voulait pas porter atteinte aux institutions catalanes. Bien que les indépendantistes aient dénoncé un coup d’État contre celles-ci et contre « l’autogouvernement » catalan, l’argument n’a pas pu prendre. Rarement, en effet, un coup d’État commence avec une date précise d’élections.
Le lendemain même, le désormais ex-président de la Generalitat, Carles Puigdemont, considéré par certains comme le président de la République catalane, répondait à Rajoy en appelant à une « résistance pacifique ». Les indépendantistes avaient annoncé une grande capacité d’opposition à l’application concrète de l’article 155 : jusqu’à présent les choses se déroulent « normalement ». Les ministères régionaux ont été abandonnés par leurs titulaires, les hauts fonctionnaires destitués ne prétendent pas exercer leur fonction. La rue ne bouge pas (encore ?). Mieux même, les partis indépendantistes envisagent clairement de participer aux élections du 21 décembre. Dans un exercice d’une schizophrénie politique exemplaire, ils maintiennent la fiction d’une République proclamée et d’une Espagne qui n’a plus rien à voir avec la Catalogne, mais ils se soumettent à un calendrier électoral pour des élections liées à la Constitution de 1978 et au Statut d’autonomie catalan de 2006. Seul l’emblématique chanteur Luis Llach, auteur du magnifique chant « L’Estaca », défend la théorie d’un gouvernement en exil. Mais Luis Llach est un homme de la nomenklatura indépendantiste et l’on peut être bon poète tout en étant politiquement un client (qu’on se souvienne d’Aragon…).
Cette débandade de l’indépendance interroge l’observateur. D’abord, elle accrédite l’hypothèse d’un « songe éveillé ». Le nationalisme indépendantiste s’est transformé en prophétie auto-réalisatrice. Il est vrai qu’une part du succès d’un tel mouvement dépend de sa capacité à imposer son récit qui devient, à la fin, la réalité. Mais pour ce faire, les fondements du récit doivent reposer sur quelques éléments tangibles. Or, deux éléments fondamentaux se sont révélés être des leurres. Le premier était celui d’une indépendance attendue et désirée par les milieux économiques. Au populisme du slogan « l’Espagne nous vole » devait correspondre l’élan des entreprises catalanes dont tous vantent le dynamisme et la diversité. Mais c’était oublier que même catalanes, ces entreprises sont inscrites dans un marché national, européen et mondial, globalisé. La perspective d’un conflit et d’une sortie de l’Union européenne, absolument écartée dans le monde parallèle des indépendantistes, s’est pourtant révélée exacte et elle a créé une sorte de panique. Le deuxième élément renvoie à l’analyse du contexte international. La Généralité de Catalogne avait déployé depuis plusieurs années un service diplomatique parallèle (et concurrent) à celui de l’Espagne. Le « conseller » des affaires extérieures depuis fin 2015, Raoul Romeva avait passé son temps à « vendre » sa Catalogne indépendante (récemment à Sciences Po). Il avait tout simplement oublié qu’une chose est de parler à des auditoires plus ou moins militants, plus ou moins informés, autre chose de parler à des gouvernements. La cause de la Catalogne était reconnue de tous, affirmait tranquillement Romeva, polyglotte remarquable. On a bien vu ce qu’il en était dès le 27 septembre au soir. Nombreux sont en Catalogne ceux qui lui demandent des comptes !
Ces deux données, auxquelles il faudrait ajouter une mauvaise lecture des rapports de forces : ainsi les fameux 90% de oui au référendum du 1er octobre sur une participation de 42% se sont révélés insuffisants face aux manifestations anti-indépendantistes, et cette incapacité à produire le coup de force de la proclamation de l’indépendance dans la foulée du référendum a jeté, sans le moindre doute, une suspicion sur les chiffres avancés. Ils disent l’immaturité de la stratégie indépendantiste. Cette faiblesse a été longtemps masquée par un sens aigu de la tactique. Nous nous sommes trompés à confondre les perspectives et à mesurer les forces au bruit qu’elles étaient capables de produire. Comme l’avait justement vu Josep Borrell, le « Govern continuerait à jouer la comédie mais éviterait la tragédie ». On peut pousser aujourd’hui un grand soupir de soulagement en formant le vœu qu’il ne soit pas prématuré.
État des forces en présence
Les indépendantistes ont mené la Catalogne au bord de la crise de nerf et ont, sur le plan politique, concurrencé ce que Pedro Almodovar avait réussi au cinéma : deux jours d’une folie collective les 26 et 27 octobre. Puis la « force tranquille » de l’État de droit a remis de la clarté dans un panorama devenu incompréhensible. La Vanguardia a même « applaudi » dans son éditorial du 28 octobre la décision de Mariano Rajoy de convoquer au plus vite un scrutin régional. Pablo Iglesias y a même été de son compliment à l’égard du président du gouvernement. « Il a été pour une fois audacieux et rapide » déclare-t-il, tout en ajoutant, avec son habituelle habileté rhétorique, qu’il faut « vite devenir indépendant [en espagnol independizarse] face au Parti populaire ».
L’hypothèque d’un boycott par les indépendantistes du scrutin du 21 décembre est, à ce jour, levée (mais on ne peut exclure des revirements tant le mouvement tactique est la seule chose qui leur reste). Pour la majorité sortante du « Parlament », composée de 62 élus de la liste « Junts pel Si » et de 10 élus de la CUP (Candidature d’Unité Populaire), plusieurs difficultés sont à résoudre :
- Convient-il de reproduire la coalition électorale « Junts Pel Si » composée du Parti Démocrate européen de Catalogne (PdeCAT), de Esquerra republicana de Catalunya (ERC) et des restes de Iniciativa Per Catalunya-Les Verds (IC) ? Il faudra négocier une liste électorale dorénavant privée de quelques figures de poids, dont l’ancien président Artur Mas sous le coup d’une inélégibilité. Mais sans doute aussi de Carles Puigdemont qui a prêté son visage à la cause indépendantiste et peut-être d'Oriol Junqueras, ancien vice-président du gouvernement Puigdemont, leader d’ERC et véritable homme fort de l’indépendantisme. Or, dans l’indépendantisme, le PdCAT, d’idéologie libérale, est désormais largement dépassé par son rival historique de gauche ERC. Toute cette aventure indépendantiste a eu pour premier effet de voir la droite catalaniste dévorée par la gauche, voire l’extrême-gauche. Doit-on continuer dans cette voie ? La radicalité ne risque-t-elle pas de démobiliser des électeurs nationalistes non indépendantistes ? Une seule chose est sûre : le 21 décembre toutes les voix compteront (surtout dans un système proportionnel au niveau provincial) la concurrence des listes peut faire perdre un siège de député ou, au contraire, permettre de ratisser plus large.
- L’alliance de plus en plus étroite avec la CUP, ce parti ouvertement révolutionnaire, demeure-t-elle payante ? Si elle a permis de construire la « légalité » indépendantiste, la surenchère à laquelle elle a condamné l’exécutif de Puigdemont a eu pour effet de rendre Madrid et le gouvernement Rajoy maîtres du calendrier électoral. La CUP qui appelait à une « paella massive insoumise » le 21 décembre a changé son fusil d’épaule et concourra aux élections.
Comment défendre devant les électeurs la débandade post-27 octobre? Tout l’argumentaire indépendantiste s’est effondré comme un château de cartes. La résistance civile n’a pas été soutenue depuis des institutions qui devaient, avait-on dit, l’encourager. Les députés nationaux de ERC et du PdCAT avaient promis de démissionner au lendemain de l’indépendance de la Catalogne. Ils sont encore députés… Des citoyens de Catalogne ont sincérement cru aux discours des indépendantistes. Beaucoup espéraient la naissance de cette République catalane. Ont-ils le sentiment d’être abandonnés ? Ils demeurent hostiles au modèle constitutionnel espagnol, cela va sans dire, mais disposent-ils de la force et de l’élan nécessaires pour venir au secours d’une classe politique qui a montré, par-delà ses limites, son incroyable médiocrité cynique ?
Quoique décisives, ces questions ne font pas disparaître les électeurs indépendantistes. Un sondage, publié par le quotidien El Mundo, accorde autour de 65 sièges à la majorité sortante (le seuil de la majorité absolue est de 68). Le socle électoral ne s’est pas effondré. La campagne électorale pose le problème de son optimisation. Il n’y a plus beaucoup de temps puisque le 7 novembre, les coalitions devront être annoncées et déposées devant la commission électorale et les listes achevées pour le 18 novembre.
Le camp anti-indépendantiste se sent pousser des ailes. Le succès des deux mobilisations des 8 et 29 octobre 2017 à Barcelone constitue des déplacements de force insoupçonnables il y a encore un mois. La « majorité silencieuse » s’est enfin manifestée. Reste à savoir si elle est majoritaire. Trois grandes forces politiques peuvent prétendre la représenter : Ciutadans (Ciudadanos – C’s), le Parti Populaire et le PSC (Parti Socialiste de Catalogne). Ciutadans est né en Catalogne : son ADN est anti-nationaliste et en septembre 2015, le parti est devenu la première force d’opposition avec presque 18% des voix et 25 députés. Sa très emblématique leader, Inés Arrimadas, a gagné encore en visibilité tout au long de cette législature cahoteuse. Le parti est dans les starting-blocs et espère engranger un succès historique. Les sondages lui accordent au minimum la répétition du score de 2015. Le PP, historiquement faible en Catalogne, veut croire en sa capacité à rallier des voix modérées. Mais la concurrence de C’s est trop forte. Son leader, Xavier Garcia Albiol, passe pour un « faucon » en terme d’opposition au catalanisme. Faut-il qu’il soit à nouveau le candidat du PP, c’est-à-dire le candidat de Madrid, avec le handicap que cela suppose ? Un profil un peu différent, comme celui de la ministre de la Santé, Dolores Montserrat, ne pourrait-il pas rassembler davantage ?
Le PSC est la clef du succès. Je continue à penser que les crises du PSOE et du PSC, crises qui se sont conjuguées à partir de 2010 quand, d’une part le PSC a perdu la présidence de la Généralité, et que d’autre part, le gouvernement Zapatero a embrassé une politique d’austérité (très brutale et largement incomprise du fait de la négation de la crise dont s’était rendu coupable l’exécutif socialiste) sont l’une des raisons de la situation actuelle en Catalogne. L’effondrement électoral du PSC (25 députés nationaux sur 47 en 2008, 7 en 2016 ; 42 députés régionaux sur 135 en 2003, 26 en 2015) a ouvert un champ à gauche, champ récupéré par ERC (qui ne comptait que 10 députés régionaux en 2010), par Podemos (11 députés régionaux en 2015) et par la CUP (3 élus en 2012, 10 en 2015).
Ce basculement de la gauche vers le nationalisme ou la contestation sociale explique que l’adhésion à l’indépendantisme du catalanisme modéré et libéral de l’ancienne Convergencia i Uniò ait abouti à une cannibalisation de la droite nationaliste catalane par l’option révolutionnaire et radicale. La crise économique et ses effets sociaux, notamment les coupes sociales, réalisées par le gouvernement d’Artur Mas entre 2010 et 2012, ont bousculé tous les paramètres traditionnels et de ce chamboulement est né le chaos politique de ces derniers mois. Le PSOE et le PSC, qui étaient les assises de stabilité du système politique espagnol et catalan, ont été presque dynamités. De leur rétablissement électoral dépend le retour à un nouvel équilibre. Comment ne pas être frappé par la manière dont Mariano Rajoy a traité avec déférence le leader du PSOE, Pedro Sánchez, l’informant de manière anticipée des décisions qui allaient être prises et acceptant les suggestions du PSOE lors du débat au Sénat les 26 et 27 septembre ? De même, Rajoy a pris soin de remercier publiquement le Parti Socialiste pour son soutien à l’État de droit. Il me semble qu’à la confrontation binaire et stérile à laquelle s’étaient livrés socialistes et populaires de 2004 à 2015, et dont on peut mesurer à l’aune catalane l’immense irresponsabilité, va succéder une phase de concertation pour repuiser dans la recherche du consensus les vertus qui ont permis non seulement la transition démocratique espagnole mais aussi la naissance d’une vraie démocratie.
Mais le PSC est divisé. Son leader Miquel Iceta a été élu au terme d’une primaire où il n’a rassemblé que 54% des voix face à sa concurrente Núria Parlon, favorable à ce que la Constitution espagnole permette un référendum d’autodétermination en Catalogne. Le PSC a été divisé sur la question de l’application de l’article 155. L’ancien président socialiste de la Généralité, José Montilla, sénateur de Barcelone, s’est absenté lors du vote pour n’avoir ni à voter pour, ni à voter contre. On peut y voir le symbole des atermoiements socialistes sur cette question catalane. À côté, l’ancien président du Parlement européen, le socialiste Josep Borrel prête sa plume et sa voix pour dénoncer l’indépendantisme. Nul doute que sa candidature aurait un effet électoral majeur mais elle risquerait de fracturer le parti. Le PSC reste le maillon faible dans le bloc constitutionnaliste.
Podemos, et sa marque en Catalogne – Podem –, entend jouer sa partition. Celle-ci s’annonce encombrée d’une polyphonie qui pourrait déboucher sur la cacophonie. Podemos est très décentralisé mais la crise catalane a mis à rude épreuve son unité. En Catalogne même, les ambitions non masquées de la maire de Barcelone Ada Colau (et de son groupe « Comunes ») compliquent la stratégie de Podemos. Ada Cola (comme Pablo Iglesias) se disait favorable à un référendum et y défendait un vote négatif. Entre le 2 et le 27 octobre, Ada Colau n’a cessé de se rapprocher des indépendantistes, tout comme Pablo Iglesias. Une des porte-parole de Podemos aux Cortés, Carolina Bescansa a publiquement déploré cette dérive estimant que « Podemos a davantage parlé aux sécessionnistes qu’aux Espagnols ». Joan Coscubiela, numéro trois de la liste Podem en 2015, a été un farouche dénonciateur des violations des règles parlementaires et politiques en provenance des indépendantistes au Parlement de Catalogne. Il annonce son intention de se retirer de la vie politique active. Podem perd une véritable référence morale au moment où la vie politique catalane en réclame. Mais cette position nettement anti-indépendantiste est battue en brèche par le leader actuel de Podem en Catalogne, Alberto Dante Fachin, qui se rallie ouvertement à l’indépendantisme. Pablo Iglesias, hostile à l’application de l’article 155 en Catalogne, n’a pourtant pas hésité à disqualifier la position de Dante Fachin qui s’opposait à une participation du mouvement au scrutin du 21 décembre (une consultation des militants a été programmée par la direction de Podemos). Juan Carlos Monedero, cofondateur de Podemos, plaide pour l’exclusion de Dante Fachin et de ses soutiens anticapitalistes du parti. On voit derrière cela la lutte entre marxistes stricts et anticapitalistes à vocation anarchiste.
Où est donc aujourd’hui Podemos ? Nul ne le sait avec précision. D’une part, le climat pré-insurrectionnel en Catalogne invitait à y voir, pour les plus exaltés, une espérance pré-révolutionnaire ou au moins, pour les plus politiques, un cycle pouvant conduire à une crise générale en Espagne et donc à l’éviction de Rajoy.
Et après ?
Le positionnement de Podemos sera capital pour la suite. On a précisé plus haut que les sondages disent l’équilibre du rapport de forces. Si les indépendantistes peuvent perdre la majorité absolue, rien n’indique que le bloc constitutionnaliste puisse la gagner. L’arbitre pourrait bien être encore une fois la gauche radicale et l’extrême gauche.
Les élections du 21 décembre sont donc cruciales pour l’avenir de la Catalogne et de l’Espagne. Après des mois d’exaltation fiévreuse, la raison reprendra-t-elle le dessus ? La raison, c’est-à-dire l’acceptation que le dialogue doit être politique, qu’il doit respecter les procédures et être capable d’inventer l’avenir.
Mais ces élections ne sont que le début du processus de sortie de crise. Il faut aussi « dégriser » une société qui a montré dans ses élans naïfs combien elle était désorientée. Il faudra recoudre une Catalogne déchirée politiquement, affectivement et sentimentalement – et pour cela, il faudrait une hauteur de vue qui, jusqu’à présent, a beaucoup manqué. Il y a tout lieu de rester pessimiste car ce travail de fond sera perturbé par les logiques électorales qui s’imposent aux partis : les élections régionales et municipales de mai 2019, la perspective d’élections générales avant 2020, et peut-être d’une réforme constitutionnelle.
On peut aussi faire le pari d’un optimisme tempéré en rappelant aux Espagnols qu’ils diposent dans la séquence 1976-1982 d’un exemple de débat politique de très haut niveau et qu’ils doivent donc boire aux sources de leur culture politique les éléments de leur propre régénération. L’Espagne démocratique vient de prouver la solidité de ses institutions, elle doit prouver la vitalité de son inspiration politique.
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