Le cynisme des Républicains edit
La magistrale leçon de cynisme que vient de nous administrer le président du groupe LR à l’Assemblée, Olivier Marleix, dépasse tout ce que j’ai observé depuis bien longtemps de la part d’un parti politique. Récapitulons. Dans le débat sur la réforme des retraites, LR avait accepté la main que lui avait tendue le président de la République dans la logique parlementaire d’un gouvernement ne disposant pas d’une majorité absolue à l’Assemblée. Les Républicains ont négocié pendant de longues semaines avec le gouvernement qui a accepté la plupart de leurs demandes pour parvenir à un compromis. Un accord a finalement été obtenu. Au Sénat, la droite a voté très largement en faveur de ce texte de compromis. La Commission mixte paritaire l’a avalisé. Le groupe LR à l’Assemblée s’apprêtait à le voter également. Au dernier moment, le président du groupe et le chef du parti, Eric Ciotti, s’aperçoivent que plusieurs députés refusent de voter le texte, certains affirmant même leur intention de voter contre. Le gouvernement n’étant pas sûr du coup que le texte sera adopté mais pouvant encore croire que le groupe LR le soutenait puisque les Républicains étaient depuis longtemps acquis à un allongement significatif de l’âge de départ à la retraite, décide alors d’utiliser le 49.3.
Dans son intervention dans le débat sur la motion de censure, Olivier Marleix lance contre toute attente une philippique contre Macron qui sonne comme une exécution capitale, l’accusant d’être responsable de tous les maux qui acablent les Français et d’avoir provoqué la fracture du pays. Après les discours venimeux des orateurs du RN et de LFI, le sien paraît plus dur encore, trahissant son intention de ne pas être en reste comme opposant à la majorité. Il rejette clairement tout rapprochement ultérieur avec le pouvoir, reniant ainsi l’action des groupes parlementaires LR dans le débat sur les retraites. Il expédie en quelques mots la décision du groupe de ne pas voter la censure, accusant brièvement les deux extrêmes de ne pas pouvoir gouverner ensemble pour équilibrer un peu son propos. Dans ces conditions il faut se poser la question : pourquoi les Républicains se sont-ils ainsi reniés et pourquoi ont-ils lâché Macron en rase campagne ?
Une première réponse vient à l’esprit. Les dirigeants de LR, percevant l’état de division profonde de leur groupe à l’Assemblée et craignant que certains des députés votent la motion de censure, provoquant une division irrémédiable du parti, ont estimé que la seule manière de maintenir l’unité était de rompre clairement avec Macron. C’est ce qu’a fait Marleix en déclarant avec un cynisme sans vergogne que le problème posé aujourd’hui n’était pas la réforme des retraites mais Macron lui-même. Dans ces conditions, il aurait d’ailleurs été logique qu’il appelle son groupe à voter la motion de censure. Mais peut-être craignait-il les risques d’une éventuelle dissolution pour ses députés. Néanmoins le fait qu’une vingtaine de députés LR l’aient votée montre que, malgré cette opération de sauvetage, le parti demeure profondément divisé.
À cette première réponse s’en ajoute peut-être une seconde : voyant l’impopularité de cette réforme dans l’opinion, LR a préféré laisser le gouvernement seul dans la crise. C’est l’autre raison pour laquelle sans doute Marleix n’a dit que quelques mots à propos de la réforme, préférant attaquer Macron directement. Au cynisme s’ajoute alors la lâcheté.
Finalement, la motion de censure n’a été rejetée que de neuf voix. Le pouvoir est donc très isolé et de manière sans doute définitive. Dans cette situation, une dissolution ne peut être exclue, au moins à terme. LR en tirerait-il profit, lui, le principal responsable de cette situation ? Rien n’est moins sûr, à moins que le vote de la censure par un nombre important de ses députés n’annonce le ralliement futur du parti au Rassemblement national. A-t-il en effet une autre voie maintenant qu’il a coupé les ponts avec Macron et qu’il ne peut raisonnablement espérer survivre seul ? Tandis que la voie est bouchée pour des alliances au centre, une victoire de Marine Le Pen ne peut plus être exclue. Triste destinée pour un parti issu du gaullisme.
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