Régionales: quelles leçons pour 2022? edit
Ces régionales sont paradoxales. Elles ont confirmé, en l’amplifiant, la déconnexion entre les élections locales et la présidentielle, déjà évidente lors des municipales de l’an dernier. Cette déconnexion apparaît d’abord au niveau de la participation et, partant, à celui des rapports de force électoraux. Son amplification n’empêche pas, cependant, certains observateurs et responsables politiques de voir dans les résultats de ce weekend des raisons d’espérer que lors de l’élection présidentielle d’avril prochain s’opèrerait une reconnexion entre les deux types d’élections. La présidentielle de 2022 se situerait politiquement dans la suite des régionales et non dans celle de la présidentielle de 2017. Et s’ils avaient raison ?
La déconnexion
L’augmentation de l’abstention aux élections régionales par rapport à 2015 est spectaculaire. L’écart de l’abstention, qui était de près de 17 points au premier tour (66,7% contre 50,1% en 2015), atteint plus de 24 points au second (66% contre 41,6% en 2015). Lors du second tour de l’élection présidentielle de 2017, l’abstention n’était que de 25%. La déconnexion entre les deux types d’élection est donc plus nette que jamais.
Cette déconnexion apparaît également au niveau des rapports de force électoraux. En métropole, les présidents sortants l’ont emporté dans toutes les régions. Or, sept d’entre eux sont membres ou proches de LR et cinq autres sont membres du Parti socialiste (le sortant en Corse, Gilles Simeoni, l’a emporté également). Les victoires des sortants sont très nettes : en Auvergne Rhône-Alpes, Hauts de France, PACA et Occitanie, leurs scores dépassent les 50%). En revanche, le parti du président Macron, LREM, et le Rassemblement national de Marine Le Pen, que les sondages qualifient pour le second tour de l’élection présidentielle, n’ont gagné aucune région et sont très largement devancés par les candidats des deux anciens partis de gouvernement. Même au regard d’espoirs très limités, les résultats de LREM sont particulièrement faibles. Quant au Rassemblement national, l’écrasement de sa liste en PACA, seule région qu’il pouvait espérer emporter (43% contre 57%, soit deux points de moins qu’en 2015), constitue une grave contre-performance.
Quelle reconnexion ?
Une certaine reconnexion entre les deux types d’élections pourrait d’abord se produire en 2022 au niveau de l’abstention. Jusqu’ici, l’élection présidentielle n’a que très peu subi la baisse régulière de la participation qui a touché les autres types d’élection, y compris les législatives. Certains observateurs n’excluent pas qu’en 2022 ce mouvement général affecte également la présidentielle. On ne peut écarter une telle éventualité. Mais, dans la mesure où cette élection est demeurée la consultation reine sous la Ve République, une forte abstention en 2022 signifierait que c’est l’ensemble du système politique qui est menacé d’une grave désaffection des électeurs. Certes, une baisse de la participation est possible mais il est peu probable qu’il s’agisse d’un effondrement comme aux élections locales si l’on part de l’hypothèse que la baisse de la participation à élections est due précisément au fait que l’élection présidentielle les a cannibalisées.
La reconnexion est surtout espérée et pronostiquée par les dirigeants des deux anciens partis de gouvernement, LR et PS, au niveau des rapports de force électoraux. Les élections régionales confirmerait l’épuisement du macronisme et l’affaiblissement du RN. Les victoires éclatantes aux régionales des trois candidats potentiels de la mouvance de la droite modérée à la prochaine élection présidentielle, Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France, Laurent Wauquiez Auvergne-Rhône et Valérie Pécresse en Île-de- France, a redonné des ailes aux Républicains (LR). Jusqu’ici la seule hypothèse sérieuse était que le duel du second tour opposerait l’an prochain Emmanuel Macron à Marine Le Pen. Désormais ils estiment qu’il s’agit d’un match à trois. Leur candidat pourrait être qualifié pour le second tour, soit avec Emmanuel Macron soit avec Marine Le Pen.
De ces trois prétendants, Xavier Bertrand paraît aujourd’hui le mieux placé, et s’il était qualifié pour le second tour il aurait de grandes chances d’être élu. Mais cette qualification est-elle possible ? Un sondage IPSOS réalisé à la veille du second tour des élections régionales lui donnait 18% contre 24% à Macron et le Pen. En avril dernier IPSOS lui donnait 16% et en janvier 14%. Sa très nette victoire dimanche dernier le remet certainement en selle. Cependant, si Marine le Pen a baissé de deux point, Macron et elle demeurent pour l’instant autour de 24%. Sans pouvoir exclure que Bertrand puisse bénéficier d’une dynamique haussière, le chemin est donc encore long.
À gauche, la réélection des sortants socialistes et les bons reports au second tour sur les listes d’union là où, au premier tour, la gauche était divisée, produit la même conviction qu’une reconnexion est possible l’an prochain. De tels espoirs paraissent cependant excessifs, et ce pour deux raisons. D’une part, l’ensemble de la gauche demeure faible électoralement. Aucun sondage ne laisse penser qu’un candidat unique de la gauche pourrait être qualifié. Surtout, l’hypothèse d’un candidat unique est peu crédible. Il est probable qu’au moins quatre candidats issus de la gauche seront présents en 2022 et qu’aucun ne dépassera largement les 10%.
La persistance du « Front républicain »
Finalement, les élections locales demeurent connectées avec l’élection présidentielle de 2017 sur un seul point, décisif : la persistance du « Front républicain », c’est-à-dire la volonté de toutes les formations politiques, excepté l’extrême-gauche, de faire barrage à l’élection des candidats du Rassemblement national. L’exemple des élections régionales en Alpes-Provence- Côte d’Azur le montre clairement.
Au premier tour, la liste du RN en PACA est arrivée en tête avec 36%, suivie de celle de LR allié à LREM, avec 32% et trois listes de gauche qui ont totalisé 26%. Entre les deux tours, la seule de ces trois listes de gauche ayant dépassé 10% (17%) s’est retirée en appelant à voter pour la liste Muselier (LR/LREM), acceptant ainsi de n’avoir aucun élu dans le conseil régional. Une autre liste, écologiste, éliminée avec 5%, a adopté la même position.
Au second tour, avec une abstention un peu inférieure à celle du premier tour (63% contre 66%), la liste Muselier l’a emporté passant de 32% des suffrages exprimés à 57% tandis que la liste du RN passait de 36% à 43%. Il est donc probable qu’une large majorité des électeurs de gauche ont voté pour la liste Muselier. Il est intéressant de constater qu’un sondage réalisé entre les deux tours montrait que seulement 45% des électeurs de la principale liste de gauche avaient l’intention de voter pour cette liste au second tour tandis que 52% avaient l’intention de s’abstenir.
Ce décalage entre les intentions de vote mesurées par les sondages et le vote réel des électeurs de gauche constitue un phénomène très important dans la perspective de la prochaine élection présidentielle. En effet, les sondages d’intention de vote présidentiel suggèrent que, contrairement à ce qui s’est passé en 2017, une forte proportion des électeurs de gauche ne se reporterait pas au second sur l’adversaire de Marine Le Pen. De nombreux observateurs en ont tiré la conclusion que le Front républicain ne fonctionnait plus et que la victoire de Marine Le Pen était donc possible en 2022. Le décalage observé en PACA incite à mettre en question cette conclusion. Si un tel décalage se reproduisait en 2022 dans la France entière, la défaite de Marine Le Pen serait assurée. Le plafond de verre continuerait ainsi de bloquer l’arrivée de l’extrême-droite au pouvoir.
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