Les métamorphoses de la politique italienne edit
Dimanche 26 juin a eu lieu en Italie le deuxième tour des élections pour les maires et les conseils municipaux de près de mille communes (sur les 7904 que compte l’Italie), parmi lesquelles 26 chefs-lieux de province (l’équivalent des départements français) et 142 villes de plus de 15 000 habitants. Même s’il s’agit d’élections locales et seulement d’une partie du territoire, elles permettent de faire quelques remarques sur l’état du système de partis italien en vue des élections législatives qui auront lieu à la fin du mandat parlementaire au printemps 2023.
Il faut partir du constat que la situation politique en Italie a subi des changements de grande ampleur depuis les élections nationales de 2018 et européennes de 2019. Le pays a vu la mise en place de trois gouvernements : une coalition de la droite et du Mouvement 5 Etoiles, puis une coalition du M5E et de la gauche et depuis février 2021 un gouvernement d’union nationale « sans couleur politique » dirigé par Mario Draghi. Depuis quatre ans, les deux partis le M5S et la Ligue, que l’on a qualifiés de populistes et qui avaient obtenu des scores très élevés, respectivement 32,5% le premier en 2018 et 34,2% le deuxième en 2019, dans les sondages d’intentions de vote (SWG 27.6.2022) pèsent électoralement : la Ligue à peu près 15% et le M5S à peine 11%, et sans doute moins demain à cause d’une scission très récente du parti fondé par Beppe Grillo, scission due à des différences importantes dans le Mouvement concernant la politique internationale et notamment le conflit militaire en Ukraine.
Il est clair à présent que deux autres partis sont les têtes de liste, si l’on peut dire, des deux coalitions qui vont s’affronter lors des prochaines élections législatives, le parti souverainiste de Giorgia Meloni, Fratelli d’Itaia (Frères d’Italie), qui est passé du 4,6% de 2018 à 22-23% dans les sondages et le Parti démocrate de centre-gauche d’Enrico Letta qui obtient 21-22% (22.8% en 2018). Ce sont d’ailleurs ces deux partis qui ont eu les meilleurs résultats lors des récentes élections locales.
Le fait qu’aucun de ces deux partis n’atteigne le quart des suffrages exprimés et l’existence d’une loi électorale mixte, qui pousse les acteurs politiques à former des alliances pour gagner le siège des circonscriptions uninominales, rendent inévitables les coalitions, l’une de centre droit et l’autre de centre gauche. Car l’implosion du mouvement populiste de Grillo (depuis 2018 le nombre des représentants du M5E est passé de 227 à 104) exclut la reproduction du système tripartite qui a caractérisé la vie politique italienne depuis 2013. Pendant presque dix ans cette dernière a vu le conflit entre une aile droite, une aile gauche et un mouvement ni de droite ni de gauche, situation qui a abouti il y a un an et demi à un gouvernement dirigé per l’ancien président de la BCE Mario Draghi, pour éviter la paralysie gouvernementale et l’effondrement de l’économie nationale, exécutif soutenu au parlement par tous les partis, sauf la droite souverainiste de FdI. Or, cette tripartition a de facto disparu. Elle était en tout cas différente de celle qui vient d’émerger en France. D’abord, en Italie parce qu’il n’existe pratiquement pas d’extrême gauche, et ensuite, parce qu’il n’y a pas une force politique comparable à Ensemble, laquelle a été capable d’associer autour de Macron la droite et la gauche modérées. À la place de cette dernière, il y a en Italie un petit nombre de petits partis qui risquent d’avoir une représentation marginale ou nulle au parlement s’ils ne s’associent pas à l’une des deux coalitions : celle de centre droit et celle de centre gauche.
Le paysage politique tel qu’il est apparu clairement lors des récentes élections communales est désormais marqué par un cadre bipolaire qui, transposé au niveau national, présente des faiblesses des deux côtés. La coalition de centre droit, qui semble avoir un petit avantage selon les intentions de vote, est fragilisée par trois facteurs : 1. La compétition ouverte pour le leadership entre Meloni eT Salvini, le leader de la Ligue. 2. Le conflit à propos des positions pro américaines prises par Giorgia Meloni et favorables à l’Ukraine dans le conflit avec la Russie. 3. L’opposition entre le souverainisme de FdI et d’une partie de la Ligue et l’européisme de Forza Italia, le parti de Berlusconi qui ne représente guère plus que 7-8%, mais sans lequel les deux autres partis de la coalition de centre droit n’ont aucune chance de gagner les élections.
De l’autre côté la coalition de centre gauche est affaiblie par la chute et l’implosion possible du M5E, mais aussi par le refus des petits partis du centre d’entrer dans une coalition avec les ex-populistes du mouvement de Grillo.
Au niveau local, malgré, surtout à droite, quelques conflits et quelques difficultés à trouver des candidats attrayants, les deux coalitions ont tenu. Pour l’instant on a un tableau clair des résultats en tout cas dans les communes de plus de 15 000 habitants : 55 pour le centre gauche et 53 pour le centre droit.
Ces résultats ne donnent aucune indication sûre de ce qui pourra se passer dans dix mois au niveaux national. Ce qui n’exclut pas non plus qu’aucune des deux coalitions n’obtienne la majorité des sièges au Parlement du fait que les partis du centre pourraient obtenir suffisamment de sièges, grâce à la partie proportionnelle de la loi électorale, pour devenir indispensables à la formation d’une majorité. Majorité de gouvernement que les petites forces politiques du centre, de même que le Parti démocrate, voudraient voir à nouveau sans doute dirigée par Mario Draghi malgré le fait qu’il ne sera pas candidat aux élections.
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