Technologies: comment ne pas se faire distancer par l’Asie? edit
Pourquoi les secteurs de haute technologie (dépenses R&D élevées/valeur ajoutée) sont-ils importants économiquement ? Ils ont une forte croissance, offrent des emplois à forte valeur ajoutée et les salaires sont les plus élevés de l’industrie. Les pays ayant une forte spécialisation dans le secteur de haute technologie ont donc un avantage économique de plus en plus important.
La haute technologie est divisée dans les nomenclatures sectorielles internationales en neuf secteurs, mais quatre d’entre eux représentent 83% de la production totale vendue dans l’UE en produits de haute technologie en 2021 : Pharmacie (33 %), électronique et télécommunication (22 %), instruments scientifiques (19 %), et enfin aérospatial (9%). Plusieurs constats s’imposent lorsque l’on analyse le commerce et la production en haute technologie au niveau mondial.
La part des hautes technologies dans le total du commerce international augmente fortement. Entre 2011 et 2021, le total des échanges commerciaux de l’UE avec le reste du monde en produits de haute technologie a connu une augmentation annuelle moyenne de 4,9 %. Les produits de haute technologie représentaient dans le commerce total de l’UE, 14,7 % en 2011 à 18,1 % en 2021.
Les pays asiatiques dominent le classement des pays exportateurs de haute technologie. En 2020, il y avait sept pays asiatiques dans le classement mondial des dix plus gros exportateurs de haute technologie dans le Monde. La Chine est largement le numéro un, suivie de la Corée, du Japon, de Singapour. Seuls pays non asiatiques, 3e l’Allemagne, 6e les États-Unis, et 10e les Pays-Bas. La France est classée 11e.
L’Union européenne est déficitaire dans le commerce international en haute technologie du fait de ses déficits en électronique, télécommunications et informatique. La Chine est son plus gros déficit, les États-Unis son plus gros excédent.
Les importations de l’UE en haute technologie représentaient 392 Mrds€ en 2021, et les exportations 385 Mrds€. L’UE enregistrait son déficit commercial en haute technologie le plus important avec la Chine, 100 Mrds€ et son excédent le plus important avec les États-Unis, 23 Mrds€.
En termes de produits, l’UE enregistre ses plus gros excédents dans la pharmacie, 67 Mrds €, dans les instruments scientifiques et dans l’aérospatial, tous les deux, autour de 20 Mrds€, et ses plus gros déficits en électroniques et télécommunications, 71 Mrds€, et dans les ordinateurs, 50 Mrds€.
La production en haute technologie dans l’UE est dominée par l’Allemagne et la France. En 2019, Les fabricants de haute technologie ont réalisé le chiffre d’affaires le plus élevé en Allemagne (212 milliards d’euros, 23,4% du total de l’UE), suivie de la France (187 milliards d’euros, 20,7%) et de l’Italie (58 milliards d’euros, 6,4%).
Avant la crise sanitaire, quelques pays de l’UE enregistraient des excédents dans le commerce international dans la haute technologie. C’était le cas de l’Allemagne, de la France ou des Pays-Bas alors que d’autres pays avaient un déficit important, comme l’Italie ou l’Espagne.
En 2021, la France présentait des excédents commerciaux dans deux secteurs high tech, l’aéronautique et le spatial 19,7 Mrds, et la pharmacie 2,6 Mrds €, mais comme l’UE, ses déficits étaient importants dans les produits électroniques et informatiques, 20,6 Mrds€, et les instruments médicaux, 4 Mrds€.
Que faire face à l’avance technologique de l’Asie ?
L’Asie a pris une place dominante du commerce mondial dans les hautes technologies autour des produits informatiques, électroniques, et télécommunication. Comment expliquer cette domination technologique ?
Tout d’abord, la spécialisation d’un pays dans les hautes technologies doit s’accompagner d’une forte qualification de la main-d’œuvre. Disposer d’une main-d’œuvre qualifiée constitue le premier des atouts pour le développement de ces industries de haute technologie. Or, les enquêtes PISA de l’OCDE montrent que plusieurs pays d’Asie sont classés en tête, Chine, Singapour, Japon, Taïwan, bien avant la France dans les classements en mathématiques. Un effort considérable doit être fait dans le domaine de l’éducation scientifique.
En second lieu, les dépenses en R&D sont le levier nécessaire pour développer les nombreuses innovations propres à ces secteurs de haute technologie. Là aussi, certains pays d’Asie ont progressé de façon remarquable. Les dépenses de R&D par rapport au PIB étaient déjà en 2020 légèrement supérieures en Chine par rapport à la France (2,4% du PIB), et elles augmentent de façon spectaculaire, alors qu’en France, le ratio R&D sur PIB est stable depuis plusieurs années. D’autres pays d’Asie sont largement au-dessus de la France, Corée, 4,8% du PIB en R&D, Japon, 3,3%. Les défis sont donc considérables.
Enfin, les pays mettent en place des politiques de soutien aux hautes technologies : protection du marché domestique vis-à-vis des importations, contrôle à l’exportation de composants stratégiques, soutien sectoriel par des aides publiques. Les occidentaux ont réagi avec retard à l’avance de l’Asie.
Le débat politique sur le retard européen en haute technologie s’est focalisé ces dernières années autour des semi-conducteurs et des batteries électriques qui apparaissent comme les technologies prioritaires.
Dans les semi-conducteurs, les États-Unis, au nom de la « sécurité nationale », mettent en place des contrôles à l'exportation visant à limiter la capacité de la Chine à acheter et fabriquer des puces haut de gamme. Le ministère chinois du Commerce a accusé Washington de se livrer à des « pratiques protectionnistes » et a lancé une procédure à l'OMC visant à protéger « les droits et intérêts légitimes » de la Chine.
Dans les batteries électriques, en janvier 2021, la Commission européenne a autorisé douze États membres, dont la France, à verser 2,9 milliards d'euros d'aides publiques pour soutenir jusqu'en 2028 les entreprises, les centres de recherche, et les universités, appelés à travailler ensemble dans un programme baptisé « Innovation européenne dans la batterie ». Ces 2,9 milliards d'aides devraient générer 9 milliards d'euros d'investissements privés supplémentaires.
Fin 2019, la Commission avait déjà approuvé 3,2 milliards d’aides dans le cadre d’une initiative sur les batteries électriques ayant le statut de « projet important d'intérêt européen commun » qui permet des volumes d'aides d'État inenvisageables sans accord de la Commission.
Sans une forte volonté politique de l’Europe et de la France, la bataille dans la haute technologie sera perdue et le décrochage dans ces secteurs de l’Europe et de la France ne fera que se creuser. Plusieurs axes d’intervention des pouvoirs publics se révèlent nécessaires : une éducation scientifique renforcée avec une promotion des formations de techniciens et d’ingénieurs, une forte augmentation du budget de R&D avec des priorités clairement affirmées comme les semi-conducteurs ou les batteries électriques, une forte politique commerciale européenne, qui doit cesser d’être naïve, une politique industrielle européenne qui favorise les subventions pour redonner aux entreprises présentes en Europe dans les hautes technologies les moyens d’une offensive technologique.
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