Le programme économique du Premier ministre edit
Le soufflé est retombé. Le programme économique d’Édouard Philippe est une immense déception. Dans ses grandes lignes, le contenu était connu depuis la campagne électorale. Ce que l’on attendait avec enthousiasme, c’était les détails : les ordres de grandeur et l’échéancier. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la désillusion est intense.
Rien, ou presque, sur les grandes réformes annoncées : marché du travail, sécurité sociale, retraites, allocations chômage et Pôle emploi. On peut continuer à rêver et s’imaginer que ces questions seront prises en charge par l’Élysée. Il n’empêche, ce sont de grandes lois qui sont attendues et c’est le gouvernement qui devra les présenter au Parlement.
C’est sur le budget que la déception est la plus forte. Le Premier ministre entend terminer l’année avec un déficit de 3% du PIB : après le dérapage du premier semestre, le serrage de vis devra être fort au second semestre. Ce retour de l’austérité a quelque chose de suicidaire dans la mesure où il annonce un ralentissement économique pour 2018, les effets de la politique budgétaire se faisant sentir avec un décalage d’au moins six mois.
Les ambitions budgétaires pour le quinquennat sont très en-deçà de ce que l’on pouvait escompter. La dépense publique devrait baisser de 3% du PIB d’ici 2022. Elle représente aujourd’hui 57% du PIB, contre 44% en Allemagne. Un objectif de baisse de 10% sur cinq ans n’avait rien d’impossible et aurait eu du sens. Et même ainsi, le Premier ministre n’a pas expliqué comment il allait s’y prendre.
On se souvient que Macron avait annoncé une baisse des effectifs de la fonction publique de 100 000 personnes, contre les 500 000 annoncés par Fillon, donc au bas de la fourchette. Philippe n’a fourni aucun détail sur les sources d’économie. Baisser les dépenses publiques est politiquement compliqué et l’expérience montre que les objectifs sont revus à la baisse dans le feu de l’action. En partant d’un objectif aussi modeste et dénué de la moindre précision, le gouvernement annonce déjà qu’il accouchera d’une souris. Or le poids du secteur public est, avec le marché du travail, la raison majeure de la faiblesse de l’économie française.
Ce manque d’ambition se retrouve tout naturellement pour ce qui concerne la baisse des prélèvements obligatoires de 1% du PIB d’ici 2022. Sarkozy et Hollande les avaient augmentés de 44% à 47% entre 2009 et 2017. On avait parlé de matraquage fiscal. On attendait d’un gouvernement ambitieux qu’il efface le matraquage et même qu’il aille plus loin ; rien de tel. En ce sens, on reste dans la continuité des erreurs d’un passé que l’on nous avait annoncé révolu.
La baisse de la fiscalité sur les entreprises, qui doit passer d’un taux de 33% aujourd’hui à 25% en 2022, est un bon ordre de grandeur. Il faut dire que cela nous est imposé par la concurrence internationale. En revanche, la réforme du CICE devra attendre 2019. Cette réforme va dans le bon sens car le CICE est une usine à gaz qui bénéficie surtout aux grandes entreprises, les seules à disposer de la bureaucratie nécessaire pour dialoguer avec celle de l’État. Dans la mesure où l’on en ferait bénéficier les entreprises plus modestes, le coût est faible. Alors pourquoi attendre deux ans ? Philippe ne s’en est pas expliqué.
Prudence, ambition réformiste ou calcul électoral ?
Voilà, c’est tout pour le budget. Il y a quelques mesures de solidarité (pour les handicapés ou les petites retraites). Une revalorisation de la prime d’activité, une bonne idée si elle réduit la durée du chômage car intelligemment couplée avec la réforme du marché du travail. Des gadgets concernant le logement et l’incontournable très haut débit pour tous. Et un programme d’investissement public de 50 milliards, relent du très dévalué État-stratège : on peut douter de son efficacité même s’il doit être piloté par Jean Pisani-Ferry. Mais rien de concret sur l’Europe, sinon qu’elle doit être protectrice pour être aimée.
Au début d’un quinquennat, on guette les petits signaux qui pourraient indiquer ce qui va se passer. Avec un programme économique qualitativement bien pensé, qui suggérait une remise en cause de la passivité économique de ses prédécesseurs, Emmanuel Macron a soulevé de très grands espoirs. Jugé à l’aune de ces espoirs, le programme développé par Edouard Philippe apparaît prudent, voire étriqué.
Une première interprétation est que l’on évite de secouer le bateau macroéconomique pour se concentrer sur les grandes réformes (marché du travail, fin du paritarisme de 1945, gestion dynamique de l’administration). Une autre interprétation, déprimante, est que la prudence reste plus en vogue que les grandes ambitions. Une dernière possibilité est que Macron pense à deux quinquennats et remet au second la réduction du poids de l’État et les réformes associées.
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